Benjamin Comar, quand et comment la Maison Piaget a-t-elle vu le jour?
Piaget est né en 1874 à La-Côte-aux-Fées dans le canton de Neuchâtel. À cette époque, George Edouard Piaget, le fondateur de la Maison, fabriquait des ébauches (ensemble de pièces non assemblées d’un mouvement horloger) pour les plus grandes Maisons horlogères suisses.
En 1943, Piaget signe pour la première fois ses propres montres, et en 1959, le premier Salon Piaget ouvre ses portes à Genève. Piaget a débuté en tant qu’horloger puis s’est développé comme joailler à la fin des années 50 pour enfin exprimer toute sa créativité dans les années 60-70.
Vous êtes actuellement CEO de Piaget. Que signifie ce rôle pour vous et comment prenez-vous ces nouvelles responsabilités ?
Je m’intéressais de près à Piaget et, en y arrivant, j’y ai découvert des équipes avec un esprit ultracréatif et combatif au service de la créativité extravagante et de l’innovation qui leur dicte le motto
«toujours faire mieux que nécessaire».
J’ai été vraiment impressionné par l’histoire de la Maison, l’originalité et la sophistication du savoir-faire des artisans passionnés par leurs métiers. Je suis fier de pouvoir contribuer à l’évolution de cette Maison.
L’horlogerie demande beaucoup de précision et de rigueur et un surpassement de soi, (…).
La Suisse ce n’est pas seulement le chocolat et le fromage, mais aussi les montres haut de gamme. D’ailleurs, l’industrie horlogère suisse est reconnue mondialement. Pour quelles raisons selon vous ?
C’est vrai. D’ailleurs, l’année passée, les savoir-faire horlogers et la mécanique d’art ont été inscrits au Patrimoine mondial culturel de l’UNESCO. Il ne faut pas oublier que l’horlogerie a démarré dans le Jura suisse, dans les petits ateliers des paysans qui devaient occuper leur temps et gagner leur vie lors des rudes hivers qui ne permettaient pas de cultiver les terres.
L’horlogerie demande beaucoup de précision et de rigueur et un surpassement de soi, des valeurs qui correspondent bien à la culture suisse, ce qui fait que naturellement l’industrie horlogère suisse s’est créée une telle renommée.
Quel lien entretiennent les clients suisses avec les montres haut de gamme suisses ?
Il existe un vrai lien émotionnel entre une montre et son propriétaire. Au-delà du lien émotionnel personnel, les clients sont de plus en plus sensibles au savoir-faire, aux artisans qui ont assemblé le mouvement, serti les pierres précieuses et poli la lunette. De plus, dans le luxe, il y a une valeur de transmission avec des produits qui durent et permettent de se projeter dans l’avenir.
« La fréquence des voyages ayant baissé, nous avons concentré nos efforts sur la clientèle locale. »
Benjamin Comar,
CEO Piaget
Quelle est l’importance de la tradition et de l’innovation dans ce secteur ?
Évidemment, il s’agit d’une industrie très traditionnelle, de par son histoire et sa nature, mais l’innovation au sein de l’horlogerie est aussi extrêmement importante.
Dans ce secteur, il s’avère essentiel de respecter la tradition horlogère tout en l’adaptant à la vision actuelle. L’innovation permet d’ouvrir de nouvelles possibilités et de repousser les limites de ce quia été fait et qui est établi.
Aujourd’hui, les smartwatches prennent de plus en plus de place sur le marché. Comment cela affecte-t-il le secteur de l’horlogerie suisse?
Je ne pense pas que les smartwatches fassent concurrence à l’horlogerie suisse. Elles n’ont pas la même utilité, ni fonction. Une smartwatch est un outil technologique permettant de mesurer de nombreux éléments, comme la fréquence cardiaque, la distance parcourue ou le sommeil. Quant à la montre traditionnelle, il s’agit d’un objet émotionnel, un symbole de bienfacture et de rareté. C’est une pièce d’art qui nécessite de nombreuses heures de travail et un savoir-faire artisanal unique.
Une montre mécanique est comme une œuvre d’art qui encapsule des centaines d’années de savoir-faire.
Qu’est-ce qui fait concurrence aux montres suisses?
Une montre mécanique est comme une œuvre d’art qui encapsule des centaines d’années de savoir-faire. Les concurrents des montres suisses sont donc d’autres objets d’art ou considérés comme de l’art qui témoignent d’un grand savoir-faire.
Quel a été l’impact de la pandémie sur l’industrie horlogère suisse et plus particulièrement sur les exportations?
Pendant plusieurs mois, à cause du confinement, l’impact a été fort dans plusieurs zones géographiques, mais la situation s’est ensuite améliorée progressivement. Comme on peut le voir dans les chiffres publiés par l’industrie, la situation va mieux aujourd’hui. Il y a également beaucoup de signes encourageants au niveau international.
Quels changements se sont avérés nécessaires?
La situation sanitaire a considérablement accéléré le développement digital et a également changé les habitudes de consommation. La fréquence des voyages ayant baissé, nous avons concentré nos efforts sur la clientèle locale.
Quels sont les autres défis auxquels l’industrie doit faire face?
Un défi concerne le développement du new retail. Il faut s’adapter constamment au e-business qui évolue rapidement de par la demande des clients qui veulent pouvoir accéder à l’information et aux produits en tout temps et de n’importe où. L’industrie du luxe est également concernée, c’est pourquoi elle doit constamment innover et s’adapter.
Comment voyez-vous le futur du secteur horloger suisse?
De manière positive au vu des tendances actuelles. C’est une industrie qui est extrêmement solide et qui perdure à travers les crises et le temps.
Quelles sont les perspectives futures pour Piaget?
Nous souhaitons continuer à capitaliser sur l’héritage de la marque tout en continuant d’innover pour offrir aux clients des pièces joaillères et horlogères exceptionnelles. Nous allons également continuer à nous développer en Europe et aux États-Unis, tout en gardant une forte présence en Asie et au Moyen-Orient.
Interview Andrea Tarantini Photo Luc Frey
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