barbara frei: la durabilité est un business case
Digitalisation Interview

Barbara Frei: la durabilité est un Business case

05.03.2022
par SMA

Barbara Frei, Executive Vice President Industrial Automation chez Schneider Electric depuis mai 2021, a suivi un parcours professionnel aussi escarpé que ciblé. Dans cette interview, elle donne un aperçu de ses expériences et de ses objectifs et discute des thèmes essentiels qui animent actuellement l’industrie tels que la durabilité.

Barbara Frei, dans votre nouveau poste, vous vous êtes donnée pour mission de faire avancer la numérisation en Allemagne. Comment vous-y prenez-vous?

De mon point de vue, il est nécessaire d’agir: selon une étude, notre économie continue de reculer dans la course technologique à la numérisation et se retrouve, pour la deuxième fois consécutive, à l’avant-dernière place des sept nations industrielles les plus importantes (G7). Rassembler nos forces est donc le mot d’ordre du moment. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons affirmer notre position face à de nouveaux acteurs d’outre-mer, dont certains disposent de moyens financiers importants. Instaurer des normes ouvertes est par exemple une condition importante à cet égard. Nous restons ainsi suffisamment flexibles pour suivre l’évolution toujours plus rapide des marchés et accélérer l’intégration et la migration. 

Quel rôle jouent les moyennes entreprises dans ce contexte?

Les PME jouent un rôle important, car elles représentent 40% de notre création de valeur. Les entreprises de taille moyenne n’ont pas le luxe de pouvoir se disperser dans les questions de numérisation. Des investissements erronés dans une infrastructure numérique surdimensionnée ou trop rigide peuvent avoir de nombreuses conséquences économiques. Toutefois, d’énormes opportunités s’ouvrent actuellement: l’ingénierie verte est l’avenir et un marché de mille milliards de dollars est en train de naître. Selon une étude de la VDMA et du Boston Consulting Group, le secteur pourrait réaliser d’ici 2050 environ 10 billions de chiffre d’affaires supplémentaire dans le monde entier grâce à la technologie numérique respectueuse du climat. Pour continuer à faire avancer la numérisation, les PME doivent se connecter le plus rapidement possible à ce marché d’avenir attrayant. Nous disposons d’une excellente base: les PME orientées vers l’exportation sont le moteur de l’économie, de l’innovation et de l’emploi en Allemagne.

Surfer à moitié sur la vague actuelle de la durabilité ne mène pas à grand-chose.

Quelles sont les solutions et les stratégies qui permettent de soutenir au mieux les moyennes entreprises dans leur parcours de numérisation? 

Si un acteur important veut contribuer à façonner l’avenir numérique des moyennes entreprises, où la numérisation est encore souvent l’affaire du/de la chef.fe, il doit agir d’égal à égal et connaître exactement les besoins de cette clientèle. Cela implique de proposer des projets évolutifs, interopérables et sûrs en termes d’investissement «in time & in budget», ainsi que de défendre les intérêts des moyennes entreprises au sein des associations industrielles. Les modèles commerciaux numériques d’avenir nécessitent des architectures IoT (Internet des objets) ouvertes et holistiques qui relient tous les niveaux de la production sans interruption. Des offres numériques particulièrement proches de la pratique sont demandées – par exemple des services logiciels adaptés à des tâches concrètes et spécifiques au secteur, qui visualisent la performance d’une installation sur la base de données, soutiennent la maintenance et valident les décisions opérationnelles et stratégiques. 

L’ancrage de la durabilité dans l’ADN de l’entreprise est une autre stratégie tout à fait élémentaire. La protection du climat et la durabilité sont depuis longtemps un business case sans faille. Il ne suffit pas de placer ces thèmes pertinents sur un piédestal idéologique. En tant qu’objectifs supérieurs, ils doivent être vécus et mis en œuvre de manière cohérente dans les activités quotidiennes. Une expertise fondamentale dans ce domaine est la condition préalable pour permettre aux clients.es de taille moyenne de participer au marché émergent de l’ingénierie verte.

Quels sont les avantages pratiques d’une automatisation ouverte et indépendante des fabricants?

L’automatisation universelle est un accélérateur de la numérisation. Une ingénierie et un time-to-market plus rapides ainsi que des économies de coûts réalisables promettent un avantage concurrentiel significatif. De plus, il est possible d’en déduire de nouveaux modèles commerciaux orientés vers les logiques informatiques – par exemple un magasin d’applications pour l’automatisation.

C’est à cet objectif que s’est consacrée la nouvelle organisation à but non lucratif universalautomation.org. Elle gère, entretient et étend l’implémentation de référence d’un environnement d’exécution basé sur la norme CEI 61499. L’objectif est de créer une base technique facile d’accès pour l’établissement d’une automatisation indépendante du fabricant et centrée sur le logiciel. Il s’agit de promouvoir une approche de l’automatisation orientée vers la logique informatique, dans laquelle l’interopérabilité et la portabilité font partie de la norme. 

Beaucoup pensent que la durabilité doit être ancrée dans l’ADN de l’entreprise. Dans le même temps, de plus en plus d’entreprises prennent le train de la durabilité. Qu’est-ce qui fait la différence?

Surfer à moitié sur la vague actuelle de la durabilité ne mène pas à grand-chose. La durabilité est bien plus qu’une simple idéologie, un battage médiatique ou une fin en soi – c’est un modèle commercial prometteur. Avec les moyens de la numérisation basée sur l’IIoT (Internet industriel des ojets), une plus grande durabilité est avant tout synonyme d’avantages économiques considérables: une consommation d’énergie réduite diminue les coûts d’exploitation, un bon bilan de durabilité attire les clients.es ainsi que les investisseurs.ses et une consommation respectueuse des ressources protège les espaces de vie et les espaces économiques. 

L’industrie a longtemps été soupçonnée d’être la plus grande pollueuse de l’environnement et du climat. Cela est-il vrai?

Il n’y a pas de quoi se voiler la face, l’industrie a sa part de responsabilité. De plus, nous savons aujourd’hui que les bâtiments, la mobilité et l’agriculture contribuent de manière significative à la crise climatique. Cependant, les choses sont actuellement en train de changer. La force d’innovation des entreprises depuis le début de l’industrialisation s’applique désormais aussi au domaine de la durabilité. Aujourd’hui, ce thème n’est pas seulement pertinent pour les affaires, il détermine le succès de l’entreprise. 

Les technologies pour l’industrie existent depuis longtemps, si bien que les entreprises devancent même la politique. Cependant, ce n’est que le début. L’industrie à forte consommation d’énergie, en particulier, constitue un levier important pour la protection du climat, car les émissions élevées de CO₂ liées à l’énergie et aux processus représentent environ 20% des émissions de gaz à effet de serre en Allemagne. Les technologies numériques IIoT permettent déjà de réaliser de grands progrès en matière d’efficacité énergétique et de gestion des flux d’électricité. Cependant, il est nécessaire de disposer de grandes quantités d’électricité renouvelable et d’un prix de l’électricité industrielle finançable et stable. 

Nous ne devons pas oublier comme la nature est belle, importante et digne d’être préservée.

Vous voyagez et travaillez beaucoup. Comment rechargez-vous vos batteries? 

Le mouvement est mon élixir de vie: en tant que coureuse de semi-marathon, je me maintiens en forme et je trouve à l’extérieur, dans la nature, un contrepoids aux défis du travail quotidien. Pour pouvoir se déconnecter, se détendre et se ressourcer, il faut un lieu de retraite. Je le trouve aussi lors de nos excursions dans les Alpes suisses avec ma famille. J’ai grandi avec les montagnes – et tant la nature que l’effort physique pour atteindre le sommet me libèrent l’esprit. La vue majestueuse m’aide aussi à prendre conscience que nous ne devons pas oublier comme la nature est belle, importante et digne d’être préservée. 

Qu’est-ce qui vous a poussé, jeune, à choisir votre voie professionnelle et quelle évolution en a résulté? 

Je me souviens très bien de l’époque où la Suisse a dû soudainement économiser l’énergie après les crises pétrolières des années 80. D’où vient l’énergie? Comment pouvons-nous l’utiliser le plus efficacement possible? Ces thèmes ont éveillé mon intérêt dès l’adolescence et m’ont ensuite accompagnée tout au long de mes études de génie mécanique et de ma carrière. En parlant d’études: parmi les 200 camarades de classe de l’époque, il n’y avait que quatre femmes – ce qui a aiguisé mon regard sur la diversité dans le monde du travail. Des perspectives, des expériences et des compétences différentes rendent les groupes de travail, les équipes et donc les entreprises plus performantes. 

Après mon doctorat et avec un MBA de l’IMD (International Institute for Management Development) de Lausanne en poche, j’ai commencé ma carrière chez ABB Suisse, où j’ai dirigé en dernier lieu le secteur mondial des affaires.  

En 2016, j’ai finalement rejoint Schneider Electric Allemagne en tant que CEO. Depuis mai 2021, je me réjouis de diriger la division mondiale Industrial Automation en tant qu’Executive Vice President. L’automatisation industrielle peut apporter une grande contribution à une plus grande durabilité, efficacité et protection du climat. Je suis donc restée fidèle à mon rêve de jeunesse.

 

Interview Birthe Fiedler

Photo Yvonne Ploenes

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