Quelques globes trônent fièrement dans la chambre tout en bois de l’athlète Théo Gmür. Ce jeune Valaisan de Nendaz, double champion du monde et triple champion paralympique, poursuit avec dévotion le rêve qu’il a hérité de son défunt papa : atteindre son rêve olympique.
Issu d’une famille passionnée de sport, il envisage encore quelques saisons sur les pistes. Son prochain objectif : les Jeux de Milan-Cortina en mars 2026, déjà encerclés en rouge sur son calendrier. Bien qu’il se remette d’une blessure au genou de la saison précédente, Théo se prépare à conquérir les pistes italiennes. C’est avec un sourire empreint d’humilité mais teinté de fierté que ce champion de 27 ans évoque son parcours sportif.
Théo Gmür, quels sont les trois adjectifs qui te décrivent le mieux ?
En premier lieu, je mettrais en avant la résilience. Cela a été crucial pour mon évolution tant dans ma vie quotidienne que dans ma pratique sportive. Quand j’étais petit, mon handicap d’hémiplégie droite rendait même les tâches les plus simples comme nouer mes lacets difficiles.
Ensuite, je dirais l’ouverture d’esprit et l’envie de découvrir de nouvelles choses. Enfin, il faut avouer que je suis aussi un peu têtu (rires). Quand une idée me vient en tête, je m’y accroche fermement et je fonce dans cette direction. J’ai un caractère bien trempé, typique du Valaisan.
Comment est née ta passion pour le ski ?
Mon père a toujours eu une passion pour le sport. Dans sa jeunesse, il pratiquait beaucoup la course à pied. Après avoir emménagé à Nendaz, il a développé une passion pour le ski. Je me souviens qu’on s’était levé au milieu de la nuit pour regarder les Jeux olympiques de Pékin en 2008. J’ai eu la chance de vivre dans une station de ski, et les mercredis après-midi et les week-ends, nous passions nos journées sur les pistes. Après l’école, nous allions dans le pré près de la maison familiale et nous organisions des « Jeux olympiques », établissant un classement sur une feuille de papier et slalomant entre des bâtons de ski que nous avions trouvés dans la cave. C’est à ce moment-là que le rêve de participer aux Jeux a commencé à germer en moi. Ma passion pour le ski est mon premier véritable amour.
Comment as-tu commencé les compétitions ?
Mes premières participations aux championnats paralympiques suisses ont débuté en 2010. Tout comme dans le circuit des athlètes valides, il y a trois niveaux distincts : les compétitions suisses, les compétitions européennes, puis la coupe du monde. Entre-temps, j’ai rencontré quelques obstacles, je me suis notamment fait renverser par un car postal en 2011. Le retour sur les skis a été long. Ce n’est qu’en 2017 que j’ai pu réintégrer le circuit de la coupe du monde. Pour moi, ces épreuves ont aussi été des catalyseurs de succès, me permettant d’atteindre le niveau où je suis aujourd’hui. Je ne m’imagine pas une vie sans embûches.
Aux Jeux de Pyeongchang en 2018, je me suis retrouvé dans une position corporelle totalement défavorable : j’étais sur ma fesse gauche. Soudain, une pensée m’a traversé l’esprit : « maintenant, relève-toi ». Je me suis relevé et j’ai remporté la course.
Finalement, ce qui importe n’est pas tant le titre ou la médaille. C’est le chemin parcouru jusqu’à présent, les doutes qui m’assaillent avant les épreuves, ce sont ces instants qui restent gravés dans ma mémoire.
Qu’envisages-tu de faire par la suite ?
J’aspire à partager les expériences que j’ai accumulées à travers mon parcours de vie et mon engagement sportif, en particulier pour les personnes en situation de handicap en Suisse. Je me vois continuer à évoluer dans le domaine sportif. Il serait dommage de laisser derrière moi toutes les opportunités et les contacts que j’ai pu établir au fil des années une fois ma carrière terminée.
Quelle est la personne qui t’inspire le plus ?
Bode Miller m’a toujours marqué au niveau de ses performances sportives et de sa façon de skier semblable à un funambule ou à un acrobate. Ensuite, il y a Roger Federer. Pour moi, ce qu’il a accompli tant sur le plan de la performance que sur le plan humain est tout simplement incroyable. Malgré ses succès, il est resté authentique. De plus, nous avons ce lien particulier : nous avons la même date de naissance. Nous sommes tous les deux lions (rires). À mes yeux, il a propulsé la Suisse sur la scène mondiale. Je n’ai pas encore eu l’opportunité d’avoir une discussion approfondie avec lui, mais j’espère sincèrement pouvoir le faire un jour.
Quel conseil donnerais-tu à toute personne qui aimerait se lancer ?
Il faut avoir à la fois la force et la conviction d’avancer, même si cela comprend le risque d’échouer. Je suis convaincu que l’on apprend davantage de nos échecs que de nos victoires. Nous vivons à une époque où tout évolue rapidement et où les opportunités sont bien plus nombreuses qu’auparavant ; il faut donc les saisir et foncer sans hésiter. Après avoir été renversé par le car postal en 2011, j’aurais pu abandonner pensant que tout était perdu pour moi. Cette période a également été marquée par la perte de mon père. Face à ces épreuves, j’ai pris le temps de réfléchir à tout ce qui m’arrivait et je me suis alors demandé : « Qu’est-ce qu’il peut m’arriver de pire ? ». Mais j’ai compris qu’il ne fallait pas trop réfléchir, qu’il fallait être courageux comme un lion et se battre.
Quels sont tes objectifs à court et long terme en tant qu’athlète ?
Bien sûr, je prévois de reprendre le ski, probablement en avril ou mai, selon l’avancement de ma réathlétisation. Ensuite, dès la saison prochaine, je me concentrerai sur les championnats du monde, qui débutent en 2025. C’est une étape cruciale en vue des Jeux de Milan-Cortina.
Comment perçois-tu le futur du ski paralympique ?
Après avoir expérimenté les deux versants, que ce soit dans le monde du ski adapté ou celui des skieurs valides, les disparités sont flagrantes. Le ski adapté ne bénéficie clairement pas du même niveau de médiatisation, des mêmes infrastructures d’entraînement ni du même soutien financier. Heureusement, depuis la saison dernière, nous avons réalisé des progrès notables en étant intégrés à la Fédération Internationale de Ski (FIS) qui gère également la Coupe du Monde valide. Cette inclusion a déjà eu un impact positif sur l’encadrement et la qualité de l’organisation des compétitions adaptées.
Peux-tu partager un moment particulier qui t’a marqué dans ta carrière jusqu’à présent ?
Il y en a beaucoup trop (rires) ! Je dirais le concours des écoliers à Nendaz. En 2006, j’ai décroché mon premier podium parmi les compétiteurs valides en terminant à la troisième place de cette course. À cet instant, j’ai réalisé que je pouvais skier et monter sur un podium avec des athlètes valides. Cela signifie que je suis capable d’ateindre mon rêve. Puis, deuxième moment important, mes premiers Jeux Olympiques bien sûr. C’est l’accomplissement de tellement d’années, une étape cruciale. Cependant, même avec l’adrénaline incomparable que je ressens aux Jeux, je ne considère pas la réception d’une médaille comme une fin en soi. Ce n’est pas mon objectif ultime. Pour moi c’est et cela restera toujours un rêve.
Quelle est la différence entre un objectif et un rêve selon toi ?
Pour atteindre un objectif, on peut établir des étapes, tandis que le rêve semble plus lointain et moins tangible. C’est quelque chose qui relève plutôt du mental. En pensant avoir un objectif, on se met beaucoup de pression. Si je considère cela comme un rêve que je nourris depuis l’enfance, je vais tout mettre en œuvre pour le réaliser.
Si tu devais quitter cette terre demain, que voudrais-tu laisser comme message ?
Vivre au jour le jour, et apprécier chaque moment passé.
Ma plus grande fierté serait que les gens se rappellent de moi positivement et de pouvoir laisser une marque. Qu’on puisse se souvenir de moi comme de quelqu’un qui, malgré son handicap et les obstacles rencontrés, a vécu une vie inspirante et a progressé. Qu’on reconnaisse que j’ai lutté pour réaliser mes rêves. J’aimerais pouvoir partir avec la conscience tranquille en sachant que j’ai suscité des rêves chez les personnes en situation de handicap ou non.
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