enfant atteint d’une mala rare
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« Avoir un enfant atteint d’une maladie rare peut aider les parents à devenir meilleurs »

12.03.2022
par Andrea Tarantini

Sarra et Samir Boucherifi sont parents de deux beaux garçons, Selman (7 ans) et Tamim (3 ans). Elle est optimiste, patiente, attentionnée et il est curieux, endurant et pragmatique, des qualités qui leur permettent chaque jour de garder espoir vis-à-vis de la maladie dégénérative très rare dont souffre leur fils Selman.

Votre vie de famille a commencé le 21 octobre 2014 lorsque votre fils Selman est né. Pouvez-vous nous parler de lui ?

Selman était le bébé dont nous avions toujours rêvé. Quand il est venu au monde, il était si mignon : il était joufflu et avait de longs cheveux foncés. En grandissant, il s’est tout de suite montré très doux, sensible, calme, intelligent et souriant. Il adore les câlins, il est très gentil, il vient toujours nous aider, il est aussi très coquin et il aime embêter, vivre, jouer, s’éclater, rire et faire rire les gens. 

Qu’est-ce que l’aspartylglucosaminurie (AGU) ?

C’est une maladie génétique, neurodégénérative etmétabolique très rare qui ne concerne que quelques 260 personnes dans le monde entier. Elle appartient à un groupe de maladies de surcharge lysosomale. Dans cette maladie, le gène AGA est défaillant, ce qui cause le déficit d’une enzyme qui ne peut plus assurer sa fonction principale, celle du recyclage des sucres longs attachés aux protéines. Ainsi, il se produit une surcharge qui empêche le bon fonctionnement des organes. 

Quels sont les symptômes de cette maladie ?

Toutes les personnes atteintes d’AGU n’ont pas les mêmes symptômes. Néanmoins, la maladie mène à une maladresse constante, à un retard mental progressif, à des problèmes de communication et à de l’hyperactivité. Cela rend difficile le diagnostic, car on apparente souvent ces symptômes à l’autisme. Au fil des années, la maladie mène à une perte des fonctions motrices et mentales. 

La famille Boucherifi

 

Quand et comment avez-vous découvert que votre fils Selman est atteint d’AGU ?

Nous habitions à Berne, où Selman est né. Nous avons ensuite décidé de déménager à Fribourg en juillet 2018. Tout se passait bien et Selman était content de pouvoir communiquer en français. À cette période, j’étais enceinte de son petit frère, Tamim. En août, avant la naissance de son frère, Selman a commencé à être différent. Il tournait souvent en rond, avait des rires hystériques et des problèmes de langage. Lorsque j’étais à l’hôpital pour l’accouchement, il a même arrêté de parler. On a pensé que ces comportements étaient liés à la naissance de Tamim et qu’il était jaloux ou anxieux de ne plus avoir toute l’attention pour lui. Néanmoins, les mois passaient et Selman continuait à régresser. 

Nous ne savions pas à qui nous adresser. Nous avons d’abord contacté un centre de pédopsychiatrie, puis nous avons décidé de faire un test de dépistage pour l’autisme : Selman a été diagnostiqué avec un autisme sévère (9/10). Ce résultat n’expliquait pas la régression de notre fils. Nous avons donc continué nos recherches et fait des tests neurologiques et génétiques. Ces derniers ont révélé que Selman est atteint d’AGU.

Qu’avez-vous ressenti lorsque ce diagnostic est tombé ?

Quand le diagnostic est tombé, nous ne savions pas comment réagir. On nous a dit que notre fils souffrait d’une maladie mortelle, qu’il était le seul en Suisse et on ne voulait pas y croire, c’était la fin du monde.
Nous étions déprimés, mais nous n’avons pas baissé les bras. Ce n’était pas facile car nous avions l’impression d’être seuls. 

 

Selman et son petit frère Tamim

 

Existe-t-il des traitements pour l’AGU ?

Oui, nous avons appris que Barbara, une maman canadienne qui a une fille atteinte d’AGU, parlait d’un remède. Grâce à elle, nous avons rencontré Julia, une maman des États-Unis qui a deux enfants atteints d’AGU et qui a fondé une association pour collecter des fonds, Rare Trait Hope Fund, et a construit un réseau de scientifiques et chercheurs.ses afin de trouver un remède. Il existe à présent un traitement disponible uniquement aux États-Unis. Il consiste en une thérapie génique qui passe par
l’injection d’un virus (AAV) qui peut acheminer le gène AGA défaillant et permettre un bon fonctionnement de l’enzyme problématique. Cela donne de l’espoir, mais le traitement est dans sa dernière phase expérimentale. Il pourra ensuite être approuvé pour un essai clinique qui s’élève à près de deux millions de dollars.

Lorsqu’on découvre que son enfant souffre d’une maladie rare, qu’elle soit dégénérative ou pas, on se retrouve seuls et sans repères.

Vous avez donc décidé de fonder l’association Rare Trait Swiss et de récolter de l’argent pour participer au financement de cet essai. Qu’en est-il du projet à ce jour ?

Nous voulions à tout prix participer à ce projet et sauver Selman et les autres enfants atteints d’AGU. L’association est un moyen d’expliquer l’histoire de Selman et de récolter les 500 000 francs qui nous permettront de l’inclure dans l’essai clinique. Les gens se sont montrés généreux et nous avons déjà atteint 50 000 francs. Mais la route est encore longue et la pandémie a ralenti les choses. On nous a également appris qu’il existe d’autres tests que Selman n’avait pas fait et nous avons donc décidé de l’y soumettre. Nous ne savons pas ce que ces tests vont révéler, mais nous avons mis certaines activités de l’association en pause en attendant les résultats.

Quels conseils donneriez-vous aux parents d’enfants atteints d’une maladie rare ?

Les enfants atteints de maladies rares peuvent se sentir à l’écart dans la société. Lorsqu’on découvre que son enfant souffre d’une maladie rare, qu’elle soit dégénérative ou pas, on se retrouve seuls et sans repères. Heureusement, il existe des fondations formidables, comme la Fondation Les Buissonnets, où des enfants comme Selman sont scolarisés. Nous souhaiterions toutefois que plus d’associations soient aux côtés des parents en ces moments difficiles afin de leur permettre de partager leurs émotions et de leur donner espoir. À ces parents, nous aimerions dire «Patience et courage, profitez de chaque instant passé avec vos enfants et ne baissez pas les bras». Avoir un enfant atteint d’une maladie rare peut aider les parents à devenir meilleurs, plus patients par exemple. On a tendance à beaucoup s’informer, mais il faut rester parents, plus que docteurs. 

➡️  Rare Trait Swiss 

Texte Andrea Tarantini

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