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Suisse

Le fromage d’alpage : petites entreprises à grand impact

27.03.2024
par Kevin Meier

Nombreux sont ceux qui ignorent encore le véritable rôle du fromage suisse d’alpage. Le produit national s’appuie en effet sur une tradition séculaire qui est encore perceptible aujourd’hui – et ce aussi en termes de durabilité.

Le fromage d’alpage n’est pas seulement un fromage de montagne. Le terme est protégé par l’Ordonnance sur les désignations « montagne » et « alpage ». Cette définition légale distingue clairement les fromages d’alpage et de montagne des autres produits. Ces fromages doivent en effet être composés de matières premières issues de la région indiquée. Il s’agit aussi d’un produit saisonnier car, contrairement au fromage de montagne, le fromage d’alpage ne peut être produit qu’en été. Mais en quoi consiste exactement son processus de fabrication ?

Ingrédients locaux, transformation sur place

Le lait n’est pas transporté en haut de la montagne pour être transformé. Tout commence lorsque les vaches montent sur l’alpage pour y passer l’été. Le lait cru utilisé pour le fromage provient en effet des régions d’estivage environnantes et est transformé sur place en fromage au lait cru – le lait pasteurisé n’est utilisé que dans des cas isolés. Il existe parfois des fusions entre deux alpages qui produisent ensemble au même endroit. Les distances de transport du lait sont généralement courtes. La transformation varie d’un bout à l’autre des Alpes, ce qui confère aux fromages des 1350 fromageries d’alpage un caractère bien particulier.

Une journée à l’alpage

Il existe des alpages plus ou moins grands, de ceux qui comptent 20 vaches à ceux qui en comptent plus de 100. Comparées aux fromageries de plaine, les fromageries d’alpage sont de petites unités. Néanmoins, le traitement du lait est similaire à certains égards. Dans les grandes comme dans les petites fromageries, le lait est traité une fois par jour. Les différences apparaissent dans les étapes suivantes. En effet, dans la production de fromage d’alpage, le traitement est délicat et dure plusieurs heures, de la pré-fromagerie à la fromagerie. Dans les fromageries d’alpage, le lait est généralement chauffé à l’énergie du bois conformément au cahier des charges. Ce chauffage doux à basse température permet au fromage de poursuivre ensuite son affinage.

Plus de 50 % des fromages d’alpage suivent la recette AOP (Appellation Origine Protégée). La fabrication a donc lieu dans une région déterminée et les producteurs respectent le cahier des charges déposé auprès de la Confédération. S’y ajoutent éventuellement d’autres produits, qui suivent également tous la ligne directrice de la filière. Ce mode de production met l’accent sur une amélioration constante de la qualité.

On le voit, la fromagerie d’alpage est une production traditionnelle à petite échelle, qui suit d’autres normes que la grande industrie fromagère. Il ne faut toutefois pas craindre une baisse de la qualité, car le cahier des charges permet de garantir la sécurité alimentaire et d’atteindre le niveau des autres fromages.

Tradition et modernité du fromage d’alpage suisse

La fromagerie d’alpage, en tant qu’artisanat d’art traditionnel qui a su s’imposer à travers l’histoire, est pourtant loin d’être tombé en désuétude. Jessica et Raphael Rinnerthaler montrent dans leur blog « Alp-Stories » comment la technique modifie certes le travail à l’alpage, mais ne porte pas atteinte à la tradition. Autrefois, on brassait sans cesse le petit-lait pour que le caillé ne brûle pas. Mais en brassant manuellement, les bras se fatiguent et le brassage devient irrégulier. Aujourd’hui, une machine de brassage soulage les fromagers d’alpage de ce travail et assure en même temps une meilleure qualité grâce à la régularité.

Un autre exemple est le refroidissement du lait. Le lait du soir doit être refroidi pendant la nuit pour qu’il puisse être transformé le lendemain. Traditionnellement, on le stockait jusqu’au matin dans un puits ou dans une chambre ressemblant à une grotte à l’intérieur de la montagne. Aujourd’hui encore, le refroidissement du lait se fait souvent de cette manière. Pendant les étés très chauds, on utilise aujourd’hui des refroidisseurs de lait électriques. Au fond, le processus de la fromagerie d’alpage n’a guère changé, mais la technologie moderne permet d’obtenir une meilleure qualité.

Les déchets ne sont pas une fatalité

La gestion durable permet également d’économiser de l’argent sur l’alpage et de créer d’autres catégories de produits. L’écrémage du lait permet de produire de la crème et du beurre pour la vente ou la consommation personnelle. Le lait de fromagerie, ou écossais, est également un sous-produit important. Plutôt que de le jeter, il est recommandé de l’épaissir ou de l’utiliser pour nourrir les porcs d’alpage. En effet, le petit-lait est riche en énergie et les acides gras insaturés rendent la viande aromatique et lui confèrent une texture tendre.

La durabilité à tous les niveaux

La réduction des déchets n’est qu’un des aspects d’une exploitation durable. La promotion de la biodiversité est également très importante, comme le montre Katharina Rhyner. Les alpages offrent différents habitats à la faune et assurent ainsi la diversité biologique. Cela est favorisé par une gestion appropriée des pâturages. Il faut éviter à la fois la surexploitation et la sous-exploitation afin de préserver les habitats.

Une tradition pour l’avenir

Il est toutefois incorrect d’opposer la fromagerie d’alpage à d’autres formes de production fromagère. En effet, de plus en plus de technologues du lait souhaitent travailler une saison à l’alpage après leur apprentissage. Le fait de pouvoir se familiariser avec plusieurs cultures fromagères suscite un intérêt particulier et renforce le goût de l’expérimentation et de l’innovation.

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