thérapies de conversion
Société

«Nous demandons depuis de très nombreuses années déjà l’interdiction des thérapies de conversion»

02.03.2022
par Andrina Brodbeck

Roman Heggli est le secrétaire général de Pink Cross, l’association faîtière des hommes gays et bisexuels. Dans cette interview, il explique ce que les thérapies de conversion provoquent chez les personnes concernées et comment ces dernières sont amenées à y avoir recours.

Les thérapies de conversion sont censées «guérir» l’orientation sexuelle des personnes homosexuelles et modifier ou supprimer de manière ciblée l’identité sexuelle d’une personne. Dans les pays voisins comme l’Allemagne et la France, ces mesures de conversion sont interdites, car elles entraînent souvent de graves souffrances physiques et psychiques. Un reportage en caméra cachée de la Schweizer Radio und Fernsehen (SRF) a montré à quel point il est facile d’entrer dans l’une de ces thérapies de conversion. Suite à cela, Pink Cross a déposé une pétition en janvier afin d’obtenir l’interdiction des thérapies de conversion en Suisse.

Roman Heggli, comment les personnes concernées parviennent-elles à trouver des «guérisseurs.ses», d’autant plus que les thérapies de conversion ne sont pas proposées au public? 

Il existe en Suisse divers acteurs.rices et organisations qui proposent des thérapies de conversion en sous-main. Beaucoup d’entre elles sont issues d’un milieu ecclésiastique libre très rétrograde. Pink Cross part du principe que les contacts sont principalement transmis par les personnes de l’entourage. De nombreuses questions restent malheureusement sans réponse en Suisse, c’est pourquoi nous les étudierons dans le cadre d’une recherche au cours des prochains mois.

Quelles sont les conséquences de ces thérapies de conversion chez les personnes concernées?

De tels actes, qui ont pour but de réprimer ou de modifier l’orientation sexuelle d’une personne, sont généralement très éprouvants pour les personnes concernées et peuvent même être traumatisants. On leur fait croire que leurs sentiments ne sont pas réels et on leur promet de les  «guérir». Mais peu importe la fréquence des prières et la «pseudo-thérapie» que les personnes doivent endurer, leur orientation sexuelle ne change pas. Ainsi, elles pensent qu’elles échouent et qu’elles doivent faire encore plus d’efforts. C’est un cercle vicieux!

Les personnes concernées sont-elles forcées d’aller dans une thérapie de conversion ou demandent-elles d’y participer de leur propre initiative? 

Dire qu’elles sont forcées est peut-être un peu fort. Je dirais plutôt que de nombreuses personnes sont poussées par leur entourage à subir des thérapies de conversion, par exemple par leurs parents. Les personnes concernées sont souvent déjà intégrées dans un milieu ecclésiastique qui leur impose des règles claires de bonne conduite. Par exemple, elles ne doivent pas avoir de relations sexuelles avant le mariage et doivent se mettre en couple avec une personne de sexe opposé. Avec un tel contexte et un tel environnement, nombreux sont celles et ceux qui acceptent de telles mesures, soi-disant de leur plein gré. Il faut cependant garder à l’esprit que ces personnes n’ont souvent pas le choix car si elles refusent, elles sont rejetées de leur communauté. Il ne faut toutefois pas confondre les thérapies de conversion avec de véritables thérapies. Aujourd’hui encore, de nombreuses personnes ont malheureusement du mal à s’accepter et à accepter leur orientation sexuelle. C’est pourquoi il est important que les psychothérapeutes les soutiennent et les aident de manière ouverte.

Il faut une éducation sexuelle sensibilisée aux questions LGBTIQ à l’école.

Dans les pays voisins comme la France et l’Allemagne, les thérapies de conversion sont interdites. Pink Cross a donc déposé une pétition en janvier pour que la Suisse suive cette voie. Que demande exactement cette pétition?

Nous demandons depuis de très nombreuses années déjà l’interdiction des thérapies de conversion. Le nouveau reportage de la SRF a montré une fois de plus à quel point elles sont faciles d’accès. Nous avons été particulièrement choqués de voir qu’un aumônier de l’Armée du Salut voulait lui aussi «guérir» l’homosexualité. L’Armée du Salut possède une bonne image dans la société et est également fortement soutenue par des fonds publics. Par cette pétition, nous demandons donc au Conseil fédéral d’enquêter sur les agissements de l’Armée du Salut et d’interdire enfin les thérapies de conversion dans toute la Suisse. Il est grand temps!

Quelles réactions avez-vous reçues de la part de la population concernant la pétition?

En une semaine seulement, plus de 12 000 personnes l’avaient déjà signée. Cela fait beaucoup de monde pour une organisation de notre taille et pour ce sujet. Cela montre clairement que la population ne veut plus accepter de telles pratiques nuisibles.

Souvent, interdire ne signifie malheureusement pas ne plus exister. Pensez-vous que l’interdiction résoudra complètement le problème?

Nous demandons que l’offre, la médiation et la promotion de tels actes soient interdites. Une interdiction pénale est un signal fort: si les parents savent qu’ils font quelque chose d’interdit en envoyant leur fils gay dans une de ces thérapies de conversion, cela en dissuadera beaucoup. Parallèlement, il faut enfin une éducation sexuelle sensibilisée aux questions LGBTIQ à l’école. Il s’agit de la meilleure prévention, car elle aide les jeunes queer et leur permet de se défendre. 

Interview Andrina Brodbeck

 

 

 

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