remér aux écarts entre les femmes et les hommes en milieu professionnel : enjeux et solutions
iStockphoto/mixetto
Business Diversité Société

Remédier aux écarts entre les femmes et les hommes en milieu professionnel : enjeux et solutions

30.03.2023
par Léa Stocky

Selon l’Office Fédéral de la Statistique, les femmes sont aussi nombreuses que les hommes à obtenir des diplômes. Il existe toutefois des filières dans lesquelles les hommes restent majoritaires. Dans le monde du travail, les différences entre les sexes perdurent, même si elles évoluent. Comment les expliquer ? 

Certains domaines d’activités sont historiquement composés majoritairement d’hommes tandis que d’autres sont dominés par des femmes. On constate dans le marché du travail une ségrégation à la fois horizontale (les hommes et les femmes n’exercent pas dans les mêmes secteurs d’activité) et verticale (les postes de direction sont majoritairement occupés par des hommes). Les hommes sont, par exemple, majoritaires dans les filières techniques comme l’ingénierie. À l’inverse, les métiers liés au « care » et à la prise en charge des personnes vulnérables ou dépendantes sont davantage exercés par des femmes.

Comment expliquer ces différences? 

Nicky Le Feuvre, professeure de sociologie du travail à l’Université de Lausanne et doyenne de la Faculté des sciences sociales et politique, explique pourquoi on assiste à une telle répartition : « Les femmes arrivent dans des métiers où elles détectent des perspectives d’emploi qui leur paraissent compatibles avec une organisation familiale et domestique, qui reste relativement traditionnelle en Suisse. Elles fuient les espaces professionnelles qu’elles imaginent très sexistes ou très marqués par les discriminations et elles cherchent au contraire des lieux où elles vont pouvoir à certains moments de leur parcours travailler à temps partiel ou prendre en charge des responsabilités domestiques qui leur incombent encore majoritairement dans le contexte suisse ». Elle ajoute que les femmes sont socialisées très tôt au souci d’autrui et elles sont valorisées quand elles démontrent des qualités d’empathie. Cependant, les métiers qui recouvrent ces domaines sont souvent moins valorisés et moins payés. On n’inculque pas aux jeunes filles la nécessité d’être autonomes sur le plan financier et cela les encourage à être moins regardantes sur les conditions matérielles d’exercice de leur futur métier.

Ensuite, l’entrée des femmes dans des métiers où elles sont minoritaires ne se passe pas toujours très bien. Elles peuvent être isolées et faire l’objet de discriminations. On remarque aussi qu’une fois qu’elles ont acquis leur diplôme, elles n’exercent pas forcément les métiers pour lesquels elles ont été formées, car elles ne sont pas recrutées : les entreprises pensent parfois qu’embaucher une femme complique un métier composé majoritairement d’hommes, tant au niveau logistique que relationnel. Nicky Le Feuvre ajoute également qu’une femme est plus facilement amenée à faire des pauses dans sa carrière ou à recourir au temps partiel et les entreprises ne savent pas forcément réorganiser le travail et les équipes lors de ces absences.

Quelles sont les évolutions?

Nicky Le Feuvre observe toutefois un changement survenu ces dernières années : « Les femmes sont désormais majoritaires dans les études de médecine, ce qui est un bouleversement majeur des 20 dernières années. On atteint la parité voire une légère majorité féminine dans les études de droit ou de management. Finalement, on assiste à une féminisation de la plupart des filières, hormis dans les écoles polytechniques ». Elle explique cela par l’écart générationnel qui se creuse : les jeunes générations sont plus diplômées que les anciennes et cet écart générationnel est surtout très marqué chez les femmes.

Dans le milieu professionnel, le fait que les femmes soient sous-représentées dans certains métiers est lié au fait qu’elles accèdent depuis moins longtemps aux études supérieures que les hommes. Cependant, aujourd’hui, de nombreuses filières sont en expansion et ont besoin de plus de personnes qualifiées. On assiste donc à une valorisation de plus en plus importante de la mixité dans le monde du travail. Les employeurs cherchent des moyens pour attirer les femmes en améliorant les conditions de travail. Il y a aussi l’idée que les femmes sont plus qualifiées, et qu’il est donc logique qu’elles accèdent à des postes de responsabilités. Les femmes saisissent ces opportunités.  

Comment renforcer l’égalité hommes-femmes? 

« Si l’accueil qui est fait aux femmes est positif et si les promesses d’avancement sont respectées, on peut imaginer que les femmes vont intégrer l’ensemble des secteurs d’activité et l’ensemble des échelons de la hiérarchie », indique Nicky Le Feuvre. Pour la sociologue, une meilleure intégration des femmes à la fois dans tous les secteurs d’activités mais aussi dans les postes de direction passe par une meilleure égalité dans les autres sphères de la vie, notamment dans la sphère familiale et domestique : « Les statistiques de l’OFS à ce sujet sont assez éclairantes. Aujourd’hui, 80 % du travail domestique est effectué par les femmes. » 

Un autre champ d’action est l’engagement politique. Tant que les femmes ne seront pas assez représentées dans les arènes politiques, les préoccupations d’égalité ne seront pas portées au cœur du débat. Tout cela passe par le fait de repenser le rôle des femmes, mais aussi celui des hommes, en banalisant pour ces derniers la flexibilité des horaires de travail ou les congés pour enfants malades. Nicky Le Feuvre ajoute en effet : « Quelques signes montrent que les hommes aspirent à un investissement plus important dans la vie de leurs enfants. Pour l’instant, ils y renoncent par une impossibilité d’aménagement de leur vie professionnelle. »

Enfin, en ce qui concerne les écarts de salaires, il faudrait encourager les femmes à exercer des emplois avec des salaires plus élevés, mais surtout améliorer la rémunération dans les métiers féminins. La sociologue indique que l’écart de revenu entre les hommes et les femmes est encore plus important en fin de carrière : 40 % pour les rentes de 2ème pilier, par exemple. La route vers l’égalité est encore longue, mais pas impossible. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLE PRÉCÉDENT
ARTICLE SUIVANT