Interview par Maévane Mas

« Se former, c’est bien ; continuer à se former, c’est mieux »

Pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail comme pour les travailleurs expérimentés qui cherchent à maintenir leurs compétences à jour, la formation est un élément clé de l’employabilité et de la réussite professionnelle. Dans ce contexte, l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC) du canton de Genève s’engage à encadrer, soutenir et encourager la formation tout au long de la vie. Gilles Miserez, son directeur général, souligne l’importance de la formation afin de répondre aux besoins du marché du travail et maintenir une employabilité durable.

Gilles Miserez, quels services propose l’OFPC ?

Notre office est au cœur même des questionnements liés à la formation, dans le cadre de quatre politiques publiques: la formation professionnelle, la formation continue des adultes – qui est spécifique au canton de Genève -, l’orientation scolaire et professionnelle et l’information scolaire et professionnelle.

Nous proposons également une prestation transversale, la Cité des métiers, à laquelle le public a accès tous les jours, gratuitement et sans rendez-vous. Les personnes qui se posent des questions sur leur employabilité, leur formation et son financement ou qui ont besoin d’aide peuvent y obtenir des conseils, des informations et tout autre élément de réponse.

Quelles sont les missions de l’OFPC ?

Pouvoir apporter une formation à toutes et tous, peu importent l’âge et les orientations, et assurer un accompagnement au niveau de la formation, du post-obligatoire jusqu’à la retraite. La formation est un enjeu de société lié aux besoins économiques, qui permet d’acquérir des compétences, d’envisager une nouvelle orientation et d’assurer son employabilité.

La formation est un enjeu de société lié aux besoins économiques, qui permet d’acquérir des compétences, d’envisager une nouvelle orientation et d’assurer son employabilité.

On constate ainsi que les personnes ayant suivi une filière de base (CFC) couplée à une formation supérieure (brevet, diplôme fédéral, école supérieure) ont un taux de chômage très faible, de l’ordre de 2%, contre 4% pour ceux qui ont fait des études supérieures tertiaires et 8% pour ceux qui n’ont pas de formation.

Quel a été l’impact de la pandémie de la Covid-19 sur la formation en Suisse ?

Nous avons observé un effondrement des places d’apprentissage, à Genève comme dans d’autres cantons. Nous avons donc mis en place, avec le soutien de la Confédération, une série de mesures pour soutenir la formation professionnelle, comme des aides financières, des rentrées différées ou des accompagnements au niveau du recrutement dans les entreprises. Cela a permis de maintenir la volumétrie des places d’apprentissage qui est aujourd’hui, à notre pleine satisfaction, la même qu’avant la crise.

Pendant cette période, nous avons aussi pu tester de nouvelles pratiques et modalités pour réduire le taux de ruptures de formation. Nous avons par exemple mis en place des coachings et des accompagnements pour les élèves de première année et nous avons également développé une campagne d’information au niveau des parents.

Quels sont les défis de la formation en Suisse ?

La formation doit être adaptée aux besoins de l’économie mais aussi à ceux de la population. Pour les jeunes, il s’agit d’augmenter l’attractivité de la formation professionnelle. Pour les moins jeunes, l’important est de qualifier ceux et celles qui ne le sont pas encore. Pour tous, il faut assurer la meilleure employabilité grâce à la formation initiale couplée à de la formation continue.

Au niveau des moyens d’enseignement, nous devons, à terme, augmenter l’attractivité en proposant par exemple des formations plus modulables. L’introduction du numérique dans l’enseignement offre également de nouvelles perspectives.

Finalement, le cœur même de toutes les actions que nous menons est l’employabilité. C’est une question qui concerne l’ensemble de la population et qui nous amène à revoir les plans de formations, à imaginer de nouvelles professions et à anticiper la disparition de métiers qui deviennent obsolètes.

La Suisse fait face à une pénurie de main-d’œuvre. Comment faire face à cela ?

Le départ des baby-boomers à la retraite est un enjeu majeur pour la dynamique économique. En Suisse, plus d’un million de personnes vont quitter le marché du travail d’ici 2030 et, au rythme actuel, ces départs ne seront que partiellement remplacés par les nouveaux arrivants: on parle d’un manque potentiel de 500000 personnes. Nous observons déjà des champs de tension importants. À Genève, rapporté au nombre de postes de travail, nous avons un pourcentage d’apprentis trois fois moins élevé que la moyenne suisse. Il est donc primordial que les entreprises genevoises proposent plus de places d’apprentissage pour assurer la relève.

Un autre élément dont il faut tenir compte est la question de la migration. Pouvoir former celles et ceux qui rejoignent notre pays est un enjeu essentiel. A l’OFPC, nous avons un programme qui fonctionne très bien. Il exige une forte implication des équipes, mais le retour sur investissement est extrêmement intéressant puisque nous avons in fine des personnes qui entrent rapidement dans le monde économique et s’intègrent ainsi véritablement dans notre société.

Le secteur de l’enseignement est particulièrement touché par cette pénurie de main-d’œuvre. Quelles
sont les conséquences pour la formation ?

Globalement, nous observerons des tensions par rapport à la relève. Certains secteurs sont plus marqués que d’autres, comme l’hôtellerie et la restauration qui sont en difficulté en matière de recrutement. Cela est notamment dû aux conditions de travail qui sont offertes. Plus globalement, il est nécessaire de penser autrement dans certains secteurs pour en augmenter l’attractivité. A titre d’exemple, au sein de l’OFPC nous menons un projet pilote autour de la question de «Travailler autrement», qui permet d’offrir aux collaborateurs des conditions-cadres plus souples permettant notamment de concilier vie privée et professionnelle. A plus long terme, nous souhaitons rendre la fonction publique plus en phase avec les aspirations de la nouvelle génération.

Comment favoriser la diversité et l’égalité des chances dans la formation ?

En communiquant et en valorisant les pionniers et les pionnières de chaque métier. Nous constatons par exemple une surreprésentation des sexes dans certains métiers. Lors de la pandémie, nous avons donc mis en exergue des filles et des garçons engagés dans des apprentissages «genrés». Nous avons notamment présenté le parcours d’une jeune femme effectuant un apprentissage en maçonnerie. Nous souhaitons mettre ainsi en évidence le fait que les métiers sont ouverts à tout un chacun. Cela nécessite un engagement de longue haleine, mais permet de favoriser la diversité au sein des professions.

Vers quelles filières les jeunes se dirigent-ils majoritairement aujourd’hui et quelles sont celles qui,
au contraire, manquent d’étudiants ?

Pour Genève, les domaines qui attirent le plus d’apprentis sont principalement le commerce, la construction, la santé et le social. Le domaine de la restauration et de l’hôtellerie ainsi que certains secteurs de la construction observent quant à eux un manque d’apprentis.

Comment attirer les jeunes vers les filières professionnelles ?

Il faut absolument maintenir, voire renforcer, le nombre de places d’apprentissage. Il est important d’avoir des offres d’apprentissage qui soient nombreuses et diversifiées. Le deuxième élément est de mieux accompagner les jeunes en leur offrant les informations nécessaires à un choix optimal. La troisième focale concerne les enseignants et les parents. Ces derniers ont un rôle essentiel dans le choix porté par leurs enfants. Il est important de mettre en évidence que l’on peut commencer un apprentissage et évoluer par la suite dans un autre domaine, ou continuer à se former au niveau HES voire universitaire. Ce sont des éléments que nous mettons en évidence pour attirer et proposer ces filières de formation aux jeunes, ainsi que pour rassurer les parents. Cet accompagnement au niveau de l’information est d’autant plus important qu’à Genève, nous avons une importante population étrangère (plus de 40% de la population globale) qui dispose d’une connaissance limitée de notre système de formation et de ses opportunités.

En Suisse, qu’est-ce qui est proposé aux adultes qui voudraient se réorienter ou obtenir de nouvelles qualifications ?

À Genève, il existe un service dédié à la formation adulte. Tous les métiers y sont proposés, bien que les modalités soient différentes en fonction de l’expérience, du diplôme visé, des aspirations personnelles, etc. À Genève, la formation adulte est fortement soutenue et nous y consacrons des moyens importants. Des chèques formation permettent de financer la formation continue et, depuis la rentrée 2020, nous proposons une «bourse de reconversion» aux personnes qui doivent se reconvertir pour des questions de santé ou en raison de la conjoncture économique et de l’évolution structurelle du marché de l’emploi.

Quelle est l’évolution de la formation continue ?

Globalement en Suisse, 50% de la population entreprend une formation continue. Se former, c’est bien; continuer à se former, c’est mieux. Nous l’avons vu, le risque de chômage est quatre fois plus important pour les personnes sans formation que pour celles qui sont passées par la filière professionnelle.

Il faut aussi savoir que cinq ans après l’obtention de leur diplôme, près de la moitié des titulaires d’un CFC exercent une profession différente de celle qu’ils ont apprise. Il est donc important d’avoir plusieurs cordes à son arc pour pouvoir se réorienter. Les compétences acquises lors des formations continues peuvent être utiles dans d’autres secteurs. Cette perspective permet aussi d’augmenter l’attractivité de la filière professionnelle.

Comment voyez-vous l’évolution de la formation en Suisse ?

La formation professionnelle est soumise à des fortes pressions, aussi bien internes qu’externes. Du point de vue interne, elle doit intégrer de nouveaux outils. Du point de vue externe, elle doit tenir compte de l’évolution de la société et des besoins des entreprises.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

30.03.2023
par Maévane Mas
ARTICLE PRÉCÉDENT
ARTICLE SUIVANT