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Diversité Société Femmes

Égalité salariale : la Suisse peut mieux faire

15.04.2025
par Laurane Saad

Malgré les avancées légales, l’égalité salariale reste un défi majeur en Suisse. Si certaines entreprises s’engagent et progressent, d’autres peinent à franchir le pas, freinées par des réticences internes et des modèles de travail dépassés. Pour Noémie Storbeck, co-CEO de la fondation Equal-Salary, seule une approche globale, combinant analyses rigoureuses, volonté managériale et évolution des politiques publiques, permettra enfin de faire bouger les lignes.

Noémie Storbeck,Co-CEO de la fondation Equal-Salary

Noémie Storbeck
Co-CEO de la fondation Equal-Salary

Noémie Storbeck, où en est la Suisse aujourd’hui sur la question de l’égalité salariale ? Le sujet progresse-t-il réellement ou reste-t-il encore un vœu pieux ?

L’égalité salariale reste un défi majeur. Cette question est d’autant plus brûlante que nous observons au niveau mondial une régression aberrante des droits fondamentaux que représentent l’égalité et l’inclusion. Le récent rapport de l’OFJ (Office Fédéral de la Justice) qui évalue la mise en application de la loi suisse sur l’égalité indique qu’une part importante des entreprises concernées ne respecte pas ses obligations. Des efforts supplémentaires sont nécessaires et les entreprises ont un rôle clé à jouer en adoptant des démarches volontaires pour montrer la voie vers l’égalité. La fondation à but non lucratif Equal-Salary permet par exemple de prouver concrètement l’engagement des entreprises en faveur d’une rémunération équitable et d’améliorer leur attractivité en matière de recrutement et de rétention des talents par le biais de deux certifications. D’une part, la certification pour l’égalité salariale constitue une porte d’entrée permettant de poser les jalons d’une entreprise socialement responsable, notamment par le biais d’analyses statistiques. D’autre part, la certification pour l’égalité salariale et l’égalité des chances va plus loin que les obligations légales et répond, entre autres, à la problématique du plafond de verre. D’autres outils, comme Logib, mis à disposition par la Confédération, permettent d’analyser les pratiques salariales et de démontrer, une fois vérifiées par un tiers, le respect de l’égalité de manière objective.

Qu’apporte concrètement la certification « Equal-Salary » aux entreprises ?

La certification Equal-Salary est un processus qui permet d’inscrire l’égalité dans l’ADN des entreprises en transformant leur culture. C’est ce qui ressort principalement des feedbacks que nous recevons de nos entreprises certifiées. Nous vérifions et garantissons l’égalité salariale grâce à une analyse statistique et l’égalité des chances grâce à un audit sur site. Pour y parvenir, nous analysons les processus RH, parlons avec la direction, les Ressources Humaines et les managers pour comprendre comment ces processus sont appliqués, et nous entendons les employé.e.s lors de discussions de groupe et au travers de questionnaires pour comprendre leur communication, leur implémentation et la perception des employé.e.s sur les questions d’égalité. Cette démarche renforce la confiance et la productivité, améliore l’attractivité de l’entreprise et constitue un avantage concurrentiel dans le recrutement et la fidélisation des talents. À terme, ces actions permettent notamment une meilleure représentation des femmes dans les postes à responsabilité. Equal-Salary est un outil structurant qui va bien au-delà d’une simple reconnaissance : il permet aux entreprises de se différencier tout en répondant aux exigences croissantes des parties prenantes en matière de responsabilité sociale.

Une fois certifiées, comment s’assurer que les entreprises jouent le jeu sur la durée ?

Les certifications Equal-Salary sont valables trois ans, durant lesquels l’entreprise doit se soumettre à une analyse intermédiaire ou deux audits de suivi selon la certification. Ainsi, les entreprises doivent s’engager dans un processus d’amélioration continue pour garantir qu’elles respectent les standards d’égalité salariale et d’égalité des chances à long terme. Ce suivi garantit que l’engagement envers l’égalité n’est pas seulement ponctuel, mais qu’il s’intègre durablement dans la stratégie de l’entreprise.

Selon vous, quelles sont les entreprises ou secteurs qui avancent le plus vite sur cette question ? Et ceux qui peinent encore à bouger ?

Les progrès en matière d’égalité salariale ne dépendent pas uniquement du secteur d’activité, mais surtout de la volonté du top management à faire évoluer les pratiques internes. Les entreprises qui avancent le plus vite sont souvent celles dirigées par des leaders engagés qui considèrent l’égalité salariale non pas comme une contrainte, mais comme un levier de performance et de compétitivité. On observe ainsi que certaines entreprises prennent des mesures concrètes pour se démarquer, parer à la pénurie de main d’œuvre qualifiée et se prémunir de problèmes de discrimination potentiels.

Vous entendez souvent des réticences de la part des entreprises. Quelles sont les plus fréquentes et comment les désamorcer ?

La réticence la plus fréquente est la peur de communiquer sur le sujet, par crainte de mettre en lumière d’éventuelles inégalités. Certaines entreprises redoutent qu’une analyse des salaires révèle des disparités embarrassantes, pouvant nuire à leur réputation. Pourtant, l’expérience montre que les effets d’une démarche Equal-Salary sont toujours positifs. Lorsque les entreprises s’engagent activement pour l’égalité salariale et communiquent ouvertement sur leurs efforts, les employé.e.s se sentent valorisé.e.s, ce qui améliore leur engagement, leur performance et leur confiance. Il faut retenir que ces initiatives ont un impact profond sur la culture d’entreprise : elles favorisent un climat de confiance, renforcent la cohésion interne et attirent des talents soucieux de travailler dans un environnement équitable. À terme, les entreprises réalisent que s’engager dans cette démarche leur apporte un avantage concurrentiel significatif et améliore leurs performances grâce à des équipes soudées, productives et motivées.

Quels seraient selon vous les changements concrets qui feraient enfin bouger les lignes en Suisse ?

Pour que l’égalité salariale progresse, un changement profond est nécessaire dans les entreprises et dans les politiques publiques. Un meilleur équilibre des congés parentaux et une offre accrue de places d’accueil pour les enfants sont essentiels pour permettre aux femmes de rester actives et d’évoluer professionnellement sans pénalités. Aujourd’hui, le manque de structures de garde et des modèles de travail rigides alimentent le phénomène du « leaky pipeline », où les talents féminins disparaissent progressivement dans les plus hauts échelons de la hiérarchie des entreprises. Parallèlement, il faut renforcer l’égalité salariale et l’égalité des chances en encourageant les entreprises à adopter des mesures volontaires. Seule une approche holistique permettra de faire de l’égalité salariale une réalité durable en Suisse.


Portrait Raphael Moser

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