mois de l'histoire des femmes. des femmes d'âges, de nationalités et de religions différents s'unissent dans la lutte pour l'égalité des droits. affiche horizontale rose. vecteur.
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Société Femmes

Une femme que vous connaissez sûrement

15.04.2025
par SMA

C’est l’histoire d’une femme que vous connaissez. Peut-être parce que c’est vous. Ou votre femme. Ou votre amie. Ou votre collègue. Celles qui font tout, tout le temps. Les hyper-actives. Les hyper-sociables. Celles qui tiennent le monde à bout de bras, souvent sans qu’on s’en rende compte.

Nathalie Brodard,Fondatrice de Brodard Executive Search, de Brodiance de l´Association Hire Me I´m Fabulous et membre du comité du CSDA

Nathalie Brodard
Fondatrice de Brodard Executive Search, de Brodiance de l’Association Hire Me I’m Fabulous et membre du comité du CSDA

Je commencerai par parler d’elle, celle qui entre dans la vie active le cœur battant, pleine d’ambition et de volonté. Elle a envie de bousculer les choses, de se faire une place. Une belle place. Elle met la barre haut. Très haut. Pas seulement parce qu’on l’attend d’elle, mais parce qu’elle le veut aussi. Elle se sent prête à prouver sa valeur. Elle veut être irréprochable.

Alors elle s’investit, sans compter. Elle travaille dur, fait ses preuves, devient vite une référence dans son équipe, celle sur qui l’on peut toujours compter. L’alliée dans les urgences, la solution dans les imprévus.

Le vertige de la maternité

Et puis, elle tombe enceinte. Un moment d’intense bonheur, suivi presque aussitôt d’une boule dans la gorge : comment vais-je l’annoncer à mon employeur ?

Pas qu’elle doute de sa joie, mais parce qu’elle est devenue cette collaboratrice « parfaite », indispensable, presque irremplaçable. Celle qui décroche la lune quand il faut. Alors forcément, la question s’impose : comment vont-ils faire sans elle ?

Évidemment, ça se passe bien. On la félicite. On la soutient. Elle prend son congé maternité, devient maman. Puis, peut-être, une deuxième fois.

Et là encore, elle veut faire les choses bien. Très bien. Elle s’investit comme mère, comme on s’investit dans un projet vital. Elle cuisine, elle anticipe, elle crée des souvenirs. Elle pense à son couple aussi, essaie de maintenir l’équilibre, malgré les nuits courtes et l’énergie qui n’est pas toujours au rendez-vous. Elle veut être cette femme entière : disponible, rayonnante, organisée, aimante.

Et elle a décidé de ne pas mettre sa carrière entre parenthèses. Parce qu’elle compte, la carrière. Parce qu’elle fait partie de son identité. Parce que les années d’efforts, les victoires, les responsabilités, tout cela mérite de continuer à vivre. Son employeur l’a attendue, lui a renouvelé sa confiance, et elle ne veut pas le décevoir.

Alors elle retourne au travail avec la même exigence, la même détermination. Elle tente d’être présente partout, tout le temps. Sans jamais faillir.

Celles dont on parle trop peu

Et puis il y a celles dont on parle trop peu.

Celles qui ont voulu des enfants, mais à qui la vie ne l’a pas permis. Elles aussi connaissent la pression, mais d’une autre nature. Celle d’un idéal de vie qu’on n’a pas pu atteindre. Celle du silence, de la douleur cachée, de la sensation de ne pas « avoir coché toutes les cases ». Elles affrontent leur propre forme de perfectionnisme : celle de devoir faire bonne figure malgré le manque.

Et puis il y a celles qui ont choisi de ne pas être mères. Avec lucidité, avec courage, parfois avec incompréhension autour d’elles. Elles aussi sont confrontées à des attentes implicites, à des regards qui suggèrent qu’il manque quelque chose. On attend parfois d’elles qu’elles soient toujours disponibles, qu’elles donnent davantage, comme si leur vie devait justifier l’absence d’un rôle attendu. Elles se heurtent à d’autres injonctions, plus discrètes, mais tout aussi pesantes.

Être une femme complète, coûte que coûte

Sa carrière progresse, elle jongle, mais y arrive avec succès. Et puis, juste au moment où l’on croit pouvoir enfin souffler un peu – les enfants ont grandi, le couple retrouve un nouvel équilibre, la carrière est bien installée – une autre étape de vie s’invite. Presque en silence. Parfois à pas feutrés, parfois avec fracas.

La périménopause, puis la ménopause. Les émotions se déchaînent sans prévenir. L’anxiété s’installe sans raison apparente. Alors difficile, dans ces moments-là, de continuer à cultiver cette perfection qui nous colle à la peau. Mais on y va, parce que c’est comme ça qu’on fonctionne.

Quand le corps dit stop

Mais à force de vouloir être parfaite à tous les étages de sa vie, le corps finit par parler. Discrètement d’abord. Puis plus fort. Des acouphènes. Une fatigue persistante.

L’impression de courir sans fin, sans arriver nulle part. Elle serre les dents, avance malgré tout, parce que ralentir, ce serait avouer qu’elle ne tient pas la cadence. Et cette idée lui est insupportable.

Une pression devenue système

Ce récit est celui de milliers de femmes. Il nous parle parce qu’il nous ressemble à un moment ou à un autre. Et pourtant, il soulève une question essentielle : pourquoi voulons-nous tant prouver ? À qui ? Et surtout, à quel prix ?

Ce besoin de performance absolue ne vient pas de nulle part. Il est ancré en nous depuis longtemps. Nourri par des modèles, des injonctions, des attentes implicites. On nous apprend qu’il faut réussir, mais sans déranger. Être compétente, mais modeste. Parler plus fort, mais pas trop quand même. Brillante, mais discrète.

Et dans cette injonction contradictoire permanente, « être assez » finit par ressembler à un échec.

Mais si ce perfectionnisme n’était pas le problème en soi ? S’il était le signal d’un système à repenser ?

Un monde du travail à reconstruire

Et si les entreprises, au lieu de célébrer l’hyper-efficacité et l’épuisement silencieux, choisissaient de créer des environnements de travail plus humains, plus justes ? Des lieux où l’authenticité aurait sa place. Où l’on pourrait travailler à temps partiel tout en continuant à progresser, sans se sentir coupable à chaque rendez-vous chez le pédiatre ou chaque course à l’école.

Imaginez une culture du travail qui valorise la progression, pas la perfection. L’effort, pas l’image. La coopération, pas la compétition.

Les femmes leaders ont le pouvoir de redéfinir les règles. Celles qui osent dire : « Je suis imparfaite, et c’est ma force » ouvrent la voie à un leadership plus humain. Elles montrent qu’on peut être ambitieuse sans renoncer à sa vulnérabilité.

Le monde du travail doit suivre : créer des environnements où les femmes peuvent briller sans s’épuiser, réussir sans se justifier, exister sans se conformer.

Un message pour toutes, et tous

Alors à vous, les femmes perfectionnistes. À vous qui portez tant, tout le temps. Qui cherchez à bien faire, pour tout le monde, sans jamais vous accorder de pause. À vous qui doutez, en silence, mais continuez d’avancer avec force.

Et si, au fond, ce besoin d’exigence vous convient ? Alors parfait. Vous aimez aller plus loin, plus vite, viser plus haut ? Faites-le. Tant que c’est votre choix, tant que ça vous nourrit.Mais souvenez-vous aussi de ceci : vous avez le droit de ralentir. Le droit de ne pas tout gérer. Le droit de ne pas être parfaite. Vous êtes déjà assez. Exactement comme vous êtes.

Et vous, messieurs… Ce texte parle de la vie des femmes, c’est vrai. Mais à chaque étape, on avance côte à côte. On a besoin les uns des autres. Ce qui fait la richesse de nos vies, ce sont les liens, les regards échangés, les épaules sur lesquelles on peut compter. Alors parlons-nous. Écoutons-nous. Et continuons à avancer, ensemble.

Texte Nathalie Brodard
Portrait Jean-Baptiste Morel / La Liberté

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