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Famille Femmes

« Être assez » : le vrai défi des mères actives

15.04.2025
par Laurane Saad

Entrepreneuse engagée, maman de deux enfants, fondatrice et Présidente de l’Association Working Moms, Virginie Polla-Jacquier milite pour un changement de regard sur la place des mères actives dans notre société. À la croisée de l’humain et de l’économique, elle œuvre pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle, personnelle et familiale. Son credo : faire tomber le mythe de la superwoman et rappeler qu’on ne construit pas une société durable sans prendre soin de celles qui la portent au quotidien.

Virginie Polla-Jacquier,Fondatrice et Présidente de l’Association Working Moms

Virginie Polla-Jacquier
Fondatrice et Présidente de l’Association Working Moms

Virginie Polla-Jacquier, vous parlez souvent des nombreuses casquettes que portent les Working Moms au quotidien. Quelles sont, selon vous, les plus difficiles à concilier, et pourquoi ?

En effet, les Working Moms portent plusieurs casquettes : professionnelle engagée, maman disponible, logisticienne du foyer, conjointe, amie, fille, sœur… mais surtout, ce sont des femmes avant tout. Chaque casquette est précieuse, mais leur accumulation peut devenir épuisante si elle n’est pas reconnue et partagée. D’où l’importance de répartir les rôles, de lever le tabou de la « superwoman » et d’accepter que l’on ne puisse pas tout porter seule.

Mais les casquettes qui sont, pour moi, les plus difficiles à concilier sont celles de « professionnelle engagée » et de « maman disponible ». Le monde du travail valorise la performance, la flexibilité et la disponibilité, tandis que la maternité exige de la présence, de l’écoute et une implication souvent sous-estimée. Devenir maman n’est pas banal, et concilier les deux peut vite devenir un véritable numéro d’équilibriste.

Quels impacts observez-vous chez les femmes qui peinent à trouver cet équilibre entre vie professionnelle, familiale et personnelle ?

Les conséquences peuvent être multiples : fatigue chronique, culpabilité permanente de « mal faire » quelque part, isolement social, symptômes physiques, voire perte de confiance en soi – ce qui peut nourrir un sentiment d’échec, même chez des femmes compétentes et accomplies. Certaines nous confient ne plus savoir qui elles sont vraiment, avec les différents rôles qu’elles jouent. Le surmenage mental est réel, et malheureusement encore trop banalisé, voire méconnu du monde du travail.

Existe-t-il des signaux d’alerte qui devraient inciter une Working Mom à repenser son organisation ou à demander de l’aide ?

Oui. Le stress constant est souvent l’un des premiers signes, lorsque les journées s’enchaînent sans véritable pause et que la fatigue s’accumule. Lorsque l’on perd son enthousiasme, que l’irritabilité augmente ou que l’on a l’impression d’être en « pilotage automatique », ce sont des signaux à ne pas négliger. Ne plus trouver de plaisir dans les petites choses du quotidien ou s’éloigner de ses propres besoins sont aussi des signes d’alerte importants. La solitude est également un facteur marquant, car elle contribue à amplifier le sentiment d’être « seule au monde » à porter toutes ces responsabilités, alors même que l’on est entourée.

Quelles sont les principales pistes de solutions ou stratégies que vous conseillez pour réussir à mieux jongler avec toutes ces responsabilités ?

La première chose est de prendre conscience, sans se dévaloriser, qu’il n’est humainement pas possible de tout faire seule, et surtout de tout faire parfaitement. Il est indispensable de revoir ses exigences à la baisse. Si la maison n’est pas impeccable et que les repas ne sont pas toujours bios et équilibrés, c’est OK.

Apprendre à déléguer est une autre piste. Poser ses limites et répartir les tâches de manière équitable avec le ou la partenaire, voire impliquer les enfants dans certaines responsabilités (ranger leurs affaires, débarrasser la table, etc.), peut réduire considérablement la charge. Le plus important est de demander de l’aide lorsque cela est nécessaire – et de le faire sans culpabiliser.

Un élément essentiel est de se réserver des moments pour soi uniquement : marcher dans la forêt, bouquiner, faire du sport, se faire masser, méditer, etc. Ce temps dédié à soi est une nécessité, et non un luxe, pour recharger ses batteries et être en mesure de continuer à donner.

D’autres pistes existent : s’entourer d’une communauté bienveillante, utiliser une application pour la gestion des tâches, pratiquer des techniques de recentrage, réapprendre à faire une chose à la fois, et se reconnecter à ses envies profondes. Tout cela peut considérablement améliorer le bien-être des Working Moms.

Comment l’Association Working Moms aide-t-elle concrètement ces femmes dans leur quotidien ?

L’Association Working Moms a été fondée dans le but de créer et d’offrir une communauté bienveillante de mamans actives qui vivent les mêmes difficultés au quotidien. Le partage d’expériences, le mentorat ou simplement des espaces d’écoute sans jugement permettent de prendre du recul et de se ressourcer.

Nous proposons plusieurs événements annuels sur des thématiques spécifiques répondant aux besoins des Working Moms, comme la charge mentale, les relations intimes, le recentrage, la fiscalité, etc. Ces événements leur permettent de repartir avec des ressources pratiques qu’elles peuvent directement implémenter pour faciliter leur quotidien.

Notre objectif est de briser l’isolement en ouvrant un dialogue sincère et authentique, afin d’aider les Working Moms à créer un meilleur équilibre dans leur vie, et surtout de leur mettre à disposition un espace solidaire et bienveillant.

Selon vous, les entreprises prennent-elles aujourd’hui suffisamment en compte les besoins spécifiques des mères actives ?Comment celles-ci peuvent-elles encore s’améliorer ?

Des progrès ont été faits, notamment avec le télétravail ou les horaires flexibles. Mais il reste encore du chemin. Trop souvent, les mères sont pénalisées dans leur évolution professionnelle, car elles sont perçues comme « moins disponibles ». Les entreprises gagneraient à valoriser leur efficacité, leur sens de l’organisation et à créer une culture réellement inclusive, où les parcours non linéaires sont reconnus et respectés. La sensibilisation des entreprises aux besoins des Working Moms est essentielle pour permettre une évolution constructive.

Pour terminer, quel message aimeriez-vous transmettre à toutes celles qui ont parfois l’impression de ne jamais en faire assez ?

Vous êtes déjà assez. Assez compétentes, assez aimantes, assez courageuses. La société vous pousse à en faire toujours plus, mais vous avez le droit de ralentir, de demander de l’aide, de dire non. Et surtout, vous avez le droit d’exister pleinement, en dehors des rôles que vous assumez pour les autres. Soyez vous-même, vous pouvez enlever vos masques, car tout est OK.

Image d’en-tête Virginie Polla-Jacquier, Rafaella Martinez, Mara Pasquali, Larissa Aldosari-Dicker et Tatiana Carruzzo

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