La définition de la folie à travers les époques
Malédiction, fatalité, maladie, la notion de folie a évolué au fil des siècles. Aujourd’hui, le terme folie est utilisé à tort et à travers. Mais pour quelles raisons? Pouvons-nous fournir une définition précise de la folie?
La signification de la folie n’a jamais vraiment été claire. Les sociétés ont toujours été partagées entre fascination, crainte, répulsion et envie de protection et de guérison envers les fous. Ce qui rapproche les différentes époques et leurs attitudes est le fait que les personnes considérées comme folles ont toujours été celles qui présentaient des comportements qui n’étaient pas adaptés à la vie en société. Entre passé et présent, plongeons nous dans la folle Histoire de la folie.
Un passé fou: la «folie mentale»
Au Moyen Âge, les fous étaient emprisonnés dans ce qu’on appelait les «tours de fous», des donjons étroits dans lesquels il était à peine possible de bouger, et encore moins lorsqu’on était enchaîné sur des lits de paille. À cette époque, nombreuses étaient les personnes qui liaient la folie aux démons et aux malédictions.
Dès le XIVème siècle, les hôpitaux ont commencé à consacrer des espaces aux personnes considérées comme folles. Loin de l’image que l’on a aujourd’hui des hôpitaux, ces établissements faisaient à la fois office de prison et de zoo/musée. En effet, de nombreux centres permettaient aux gens d’aller observer les fous pendant leur temps libre, le dimanche par exemple. Parfois, les visiteurs payaient même le billet d’entrée. Cela illustre autant la crainte que la fascination qu’inspiraient les fous à cette époque.
C’est au XVIIIème siècle que l’on voit apparaître des établissements dédiés aux fous. Les familles – souvent les plus aisées – pouvaient y faire interner leurs proches malades. Synonyme de maladie mentale, la folie était étudiée au travers des hommes et des femmes à qui on en attribuait les traits, les aliénés. Que ce soit par des bains froids, des électrochocs, de la lobotomie, des chaises tranquillisantes ou des contentions chimiques, les médecins essayaient à tout prix de guérir les malades. Le fou était alors déshumanisé, considéré comme un problème à régler ou à éliminer, comme c’était aussi le cas plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale.
À l’époque victorienne, la folie était associée à la démence et elle était comprise comme un danger et une menace pour la rationalité. C’est alors que naissent de nombreux questionnements à ce sujet, et notamment à travers les livres. Questionner la définition de la folie et le danger que représentaient les fous était devenu en effet courant au XIXème siècle. C’est notamment ce que fait Lewis Carroll dans Alice aux Pays des Merveilles. Désormais fameux, le dialogue suivant le souligne clairement:
Chapelier Fou: Suis-je devenu fou?
Alice: Oui je pense Chapelier. Mais je vais te dire un secret: la plupart des gens biens le sont.
C’est néanmoins plus tard, dans la période de l’après-guerre, que la folie est comprise comme une partie intégrante de la condition humaine. Ceci était notamment dû au grand nombre de «fous de guerre», autrement dit les soldats qui présentaient des symptômes de stress post-traumatique suite aux atrocités dont ils avaient été témoins. Ainsi, à cette époque, on s’intéresse particulièrement aux fous et à la possibilité de les guérir à travers des méthodes contestées, telles que la lobotomie, mais aussi grâce aux psychothérapies et aux médicaments psychotropes. Mais comment est comprise la folie aujourd’hui?
Un présent confus: entre «folie mentale» et «folie sociale»
Aujourd’hui, la folie est un concept polysémique qui, de manière générale et comme c’était déjà le cas dans le passé, adresse des comportements communément considérés comme anormaux. Mais quelle est la cause de ces attitudes? Les définitions que l’on trouve dans les dictionnaires comme le Larousse ou Le Petit Robert expliquent que la folie est un «dérèglement mental, [une] démence», «un trouble mental», «un manque de jugement» et «une absence de raison».
Ainsi, comme le suggère le sociologue canadien Marcelo Otero dans Le fou social et le fou mental: amalgames théoriques, synthèses empiriques et rencontres institutionnelles, la folie aujourd’hui est inscrite entre deux facteurs: «le mental pathologique» et «le social problématique». L’auteur explique en effet que «Les univers de la «folie sociale» (de la vulnérabilité sociale extrême proche de la désocialisation au comportement déviant proche de la criminalisation, en passant par les comportements ambigus, inquiétants, déplacés, proches de l’immoralité, etc.) et de la «folie mentale» (de la pathologie mentale formellement répertoriée en psychiatrie aux états psychologiques flous momentanément ou durablement perturbés, incohérents, souffrants, etc.) semblent ainsi indissociables».
La définition de la folie a donc évolué à travers les époques. Ce qui rapproche les époques? L’opposition communément admise entre folie et raison. Aujourd’hui, si l’on peine à en trouver la définition la plus adéquate, on a pourtant réussi à changer le regard que l’on porte aux personnes considérées comme folles: nous restons certes dans la confusion, mais nous sommes aussi plus humains.
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