Le rejet, le harcèlement, le manque d’amour et le stress psychologique sont des épreuves que beaucoup de personnes sont amenées à vivre. C’est aussi le cas de Romana Gianotti. Originaire de Freienstein et âgée de 63 ans, Romana est née avec une malformation du visage. Dans l’interview qui suit, elle raconte les souffrances qu’elle a traversées, mais aussi les moments de joie.
Lorsqu’elle naît, les mâchoires supérieure et inférieure de Romana ne sont pas entièrement formées et son oreille droite manque complètement. Lors d’une de ses nombreuses opérations, une complication survient à cause d’un ulcère et la plus grande partie de son estomac est retirée. En plus de tous ses problèmes physiques, son père se suicide alors que Romana n’a que 25 ans. Elle-même a connu plusieurs tentatives de suicide ratées. Aujourd’hui, elle se considère comme une femme heureuse.
Une opération après l’autre
«La malformation que j’ai au visage s’appelle le syndrome de Goldenhar», explique d’emblée Romana. Les caractéristiques d’un tel syndrome sont diverses malformations du visage: «Chez moi, les mâchoires inférieure et supérieure droite n’étaient pas formées et le pavillon de l’oreille droite était absent». Au début, on lui avait promis de ne pratiquer que trois opérations, mais plusieurs autres ont suivi. «Après la première opération, je voulais rentrer immédiatement chez moi. Le médecin a toutefois réussi à me convaincre de rester à l’hôpital et la deuxième opération a duré 13 heures». Pour remédier à l’enflure après l’opération, on lui a donné de la cortisone. Cependant, personne ne savait à ce moment-là que Romana avait un ulcère duodénal. Celui-ci peut notamment se former en cas de stress. «Pendant mon enfance, j’ai souffert de maux d’estomac et de crampes constantes», explique Romana. Quelques jours après sa longue opération, l’ulcère lui perfore l’estomac, ce qui peut être fatal. Par chance, elle se trouvait à l’hôpital à ce moment-là, ce qui a permis aux médecins d’agir immédiatement. Les deux tiers de son estomac ont dû néanmoins être retirés.
Mon père était l’un des seuls à m’aimer et à m’accepter telle que j’étais.
Rejet de la famille
Pendant cette période difficile, la mère de Romana ne la prenait pas au sérieux et lui montrait régulièrement à quel point son apparence la dérangeait. Elle avait certes un père aimant et une jeune sœur qui la soutenait, mais elle était harcelée par sa mère et son frère. De plus, l’ouïe de Romana s’est détériorée. Par conséquent, elle a pris du retard à l’école. «J’étais très mauvaise en calcul, même si plus tard je suis devenue agente fiduciaire», explique-t-elle en riant. A cette époque, sa mère la punissait en raison de ses mauvais résultats scolaires et elle n’en parlait à la maison qu’à très peu de personnes. «J’avais peur de faire confiance aux gens», se souvient-elle.
Le suicide de son père
À partir de ses 20 ans, l’Assurance invalidité de Romana n’a plus pris en charge les frais liés à sa maladie. Cependant, Romana n’avait subi que trois des nombreuses opérations prévues à cause du retard dû à sa perforation de l’estomac. Elle a tenté se suicider car elle ne supportait plus son apparence. Lorsqu’elle n’avait que 25 ans, son père perd la vie. «Mon père était l’un des seuls à m’aimer et à m’accepter telle que j’étais. Au début, je l’ai trouvé courageux, mais ensuite, la tristesse m’a envahie et je me suis demandée pourquoi il s’était suicidé. J’ai alors tenté de me suicider une deuxième fois. Après avoir pris des pilules et de l’alcool, je voulais m’ôter la vie et j’ai foncé droit dans un mur en voiture. Lorsque les médecins m’ont ensuite demandé à l’hôpital où je voulais aller, j’ai répondu: «Chez mon père».
Une aide psychologique
Après cet événement, Romana décide de se faire aider psychologiquement. Elle reprend confiance en elle et en tous les rêves qu’elle n’avait pas encore pu accomplir. Sa vie professionnelle prend son envol et elle développe des compétences en tant que comptable au sein d’une entreprise. A cause de ses angoisses d’enfant, la jeune femme ne s’autorise aucune erreur. En effet, pendant de nombreuses années, Romana a affronté ses problèmes toute seule, ce qu’elle ne recommande pas: «Je conseille à tous ceux qui sont confrontés à des problèmes ou qui ont des idées suicidaires de demander de l’aide de toute urgence, n’essayez pas de surmonter cela tout seul, car cela ne ferait qu’empirer les choses».
Ce qui me rend belle, c’est ma joie, ma façon de vivre et mes relations avec les gens.
Le chemin vers la guérison et la paix
À 30 ans, Romana a pu laisser derrière elle ses pensées suicidaires et réalise un rêve de longue date: devenir enseignante en maternelle, ce qui n’était pas possible auparavant en raison de ses nombreuses visites à l’hôpital. Elle a donc décidé de s’investir dans ce métier et a suivi une formation. «C’est ainsi que j’ai trouvé le moyen de réaliser l’un de mes rêves: bricoler, chanter et mettre en scène des pièces de théâtre avec des enfants».
«Le plus beau moment de ma vie a été la naissance de ma fille», se confie Romana, les yeux brillants. Cette naissance lui donne une mission: être une bonne mère pour son enfant. «Je voulais prouver qu’on ne peut jamais donner trop d’amour».
Plus tard, elle a également tenté de soigner les blessures intérieures que sa mère lui avait infligées. Romana lui a souvent rendu visite en maison de retraite, où elle a été placée très tôt en raison d’une fracture de la hanche, et a ainsi pu faire la paix avec elle.
«Aujourd’hui encore, j’ai du mal avec mon apparence et je ne suis pas entièrement satisfaite. C’est pourquoi les compliments des autres sont difficiles à accepter», révèle Romana. Mais que signifie la beauté? Selon elle, «ce qui me rend belle, c’est ma joie, ma façon de vivre et mes relations avec les gens». Il faut savoir mettre en avant ce qui fait de nous de belles personnes pour priver le négatif de sa force. On dit souvent que ce sont les valeurs intérieures qui comptent. Romana répond: «Non, l’extérieur compte aussi, comme par exemple ce que dégage une personne et qui fait d’elle ce qu’elle est».
Texte Vanessa Bulliard
Laisser un commentaire