Le célèbre auteur et historien Yuval Noah Harari affirme que ce que nos enfants apprennent aujourd’hui n’aura bientôt plus aucun sens. Dans cet article, le philosophe Diego De Nicola, spécialiste de ce sujet depuis plus d’une décennie, explique dans quelle mesure cette affirmation est vraie et ce à quoi pourrait ressembler le système scolaire à l’avenir.
Avant que l’école n’existe, les enfants apprenaient ce qu’il fallait savoir de leurs parents et poursuivaient ensuite pour la plupart la même carrière. «À un moment donné, on s’est rendu compte qu’il fallait une main-d’œuvre spécialisée pour certaines tâches. C’est ainsi que le système scolaire a été introduit dans le but de préparer les enfants à leur future fonction dans la société par le biais de procédures de sélection», raconte le philosophe, entrepreneur et conférencier.
Un marché du travail en pleine mutation
«Depuis, le système a radicalement changé. Pourtant, les enfants continuent d’apprendre des choses qui sont déjà souvent insignifiantes aujourd’hui». Pour Diego De Nicola, le défi réside dans l’évolution rapide de notre monde. «Parmi les métiers actuels, seuls 20 à 30% environ resteront pertinents à l’avenir. Il est tout sauf judicieux d’enseigner aux enfants à l’école des connaissances de base spécifiques pour leur future carrière si nous ne connaissons même pas les exigences de métiers qui n’existent pas encore».
Diego De Nicola s’attend en outre à une transformation continue du marché du travail: «Les travaux répétitifs sans facteur de plaisir seront automatisés partout où cela sera possible». L’extinction des métiers qui en résulte devrait toutefois être considérée comme une chance: «D’une part, cela nous donne la liberté de faire davantage ce qui nous caractérise en tant qu’êtres humains, par exemple dans des domaines artistiques ou scientifiques. D’autre part, le système de travail devra être redéfini. Il est possible qu’à l’avenir, nous ne soyons plus obligés de travailler 40 heures par semaine et que nous ayons ainsi un niveau de vie plus élevé. Mais cela présuppose que nous trouvions le courage de repenser le système», explique-t-il.
Un scénario d’avenir possible
«Autrefois, l’école était la source du savoir. Il était nécessaire d’apprendre des informations par cœur pour pouvoir les restituer plus tard. Entre-temps, le savoir est devenu accessible de manière pratiquement universelle grâce à Internet. C’est pourquoi le rôle de l’école ne devrait plus se limiter à la transmission du savoir», postule le philosophe. Or, les modèles d’apprentissage actuels sont encore généralement basés sur la mémorisation d’informations selon un schéma standardisé et strict. «L’enfant doit se plier entièrement aux directives de l’école. S’il ne rentre pas dans ce schéma prédéfini, il lui sera difficile, voire impossible, de développer son plein potentiel», explique le philosophe. En ce sens, l’école doit se redéfinir complètement du point de vue de son rôle.
«Dès le début, les enfants se développent dans des directions très différentes. Dans un premier temps, nous devrions, en tant qu’adultes, accepter cela et leur faire confiance», explique Diego De Nicola. L’école devrait offrir un environnement personnalisé pour l’enfant afin de soutenir ce développement individuel. Selon lui, il est essentiel de s’éloigner de la pensée standardisée des matières scolaires.
Au lieu de matières fixes dans lesquelles chaque détail doit être appris par cœur, il serait plus judicieux de suivre un schéma «Project-Based-Learning». Si l’enfant s’occupe par exemple d’un projet sur le thème de la durabilité, d’autres matières sont automatiquement intégrées, de la physique à la géologie en passant par les mathématiques, l’éthique et le français. En travaillant de manière autonome sur un thème, l’enfant acquiert donc également des connaissances dans d’autres domaines. «Dans ce schéma, l’enseignant doit lui aussi se redéfinir. Il n’est plus là principalement pour transmettre des connaissances. Il joue plutôt un rôle de mentor et aide l’enfant, qui est au premier plan en tant qu’individu, à trouver des solutions de manière autonome», explique le philosophe. Ce nouveau rôle exige de la part des enseignants une ouverture, une flexibilité et un intérêt intrinsèque à se développer en permanence.
Le développement de la personnalité en ligne de mire
Dans ce scénario, le développement de la personnalité de l’enfant occupe une place centrale. Dans l’école du futur, les caractéristiques humaines, qui ne peuvent pas être remplacées par des machines, deviennent de plus en plus importantes. «Nous devons promouvoir un <Growth Mindset> afin de soutenir la curiosité innée ainsi que l’apprentissage tout au long de la vie. On part du principe que tout peut être appris par chacun, même dans des domaines qui ne font pas partie des points forts de l’enfant», indique Diego De Nicola.
L’intelligence de l’enfant et les valeurs importantes pour sa personnalité ne peuvent pas être mesurées par des notes.
L’apprentissage devrait donc être passionnant et ne pas être uniquement associé à l’effort. Pour cela, il est essentiel d’encourager la curiosité, la créativité et l’autonomie. La résilience est également importante pour que les enfants apprennent à ne pas abandonner, même dans les situations difficiles. «En outre, leur confiance en eux doit être renforcée. Ce n’est que lorsque les enfants prendront conscience de leurs points forts qu’ils pourront les développer dans presque tous les domaines et qu’ils les utiliseront de manière ciblée», ajoute-t-il.
Il est aussi important de se détacher de l’idée de compétition permanente. Le besoin de tout mesurer et de tout comparer est particulièrement contre-productif. Selon le philosophe, l’intelligence de l’enfant et les valeurs importantes pour sa personnalité ne peuvent pas être mesurées par des notes. «Il faut remplacer la concurrence par la coopération. Dans le cadre d’un travail de groupe basé sur des projets, les enfants apprendraient non seulement comment créer quelque chose d’autant plus précieux grâce aux différences entre eux, mais aussi comment fonctionnent la responsabilité personnelle, la communication et le leadership. Cela permettrait également d’acquérir des compétences sociales importantes».
Si l’enfant dispose de suffisamment de liberté, il peut donc apprendre de manière autonome, efficace et intrinsèquement motivée, et acquérir les compétences clés mentionnées, importantes pour l’avenir, dès les premières années d’école. «Si l’enfant développe une forte personnalité ainsi qu’un <Growth Mindset> et qu’il ne perd jamais sa curiosité et son plaisir d’apprendre, peu importe la voie professionnelle qu’il souhaite suivre, il aura acquis une base solide pour chaque voie», résume Diego De Nicola.
Texte Akvile Arlauskaite
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