trois traditions suisses qui fêtent le printemps
Culture Lifestyle Printemps

Trois traditions suisses qui fêtent le printemps

11.03.2020
par Laetizia Barreto

Les jours se rallongent, l’air se fait plus doux et les oiseaux chantent, le printemps arrive! Depuis des centaines d’années, nos ancêtres accueillent la saison du renouveau avec différentes coutumes, parfois surprenantes. En voici trois traditions qui ont lieu sur le sol hélvétique. 

Le Eierläset ou chasse aux oeufs en Argovie

Selon la légende, c’est le lapin de Pâques qui ramène les œufs en chocolat pour le plus grand plaisir des gourmands. En effet, prolifique à cette saison, le lapin symbolise la nouvelle vie qu’apporte le printemps. Le Eierläset, ou la course aux œufs, sert à chasser l’hiver. Les clubs de gym des cantons d’Argovie, Soleure et Bâle-Campagne organisent la journée idéale de cette tradition suisse.

Pour l’occasion, l’on prépare deux pistes l’une à côté de l’autre. Chacune d’entre elles est jalonnée de 80 à 100 tas de sciure où repose un œuf. La compétition oppose deux équipes qui représentent respectivement, l’hiver et le printemps. Les deux groupes concurrents sont composés de plusieurs coureurs et d’un ou deux gardiens. Le principe est simple. Chaque coureur doit se rendre jusqu’à l’œuf le plus éloigné, le ramasser, revenir très vite et le lancer délicatement dans le panier du gardien.

Attention! L’œuf ne doit pas tomber sur le trajet du retour, sinon le coureur doit recommencer le parcours; mais en guise de pénalité, il ne peut pas ramasser un nouvel œuf. Parfois, les coureurs doivent faire face à des difficultés en plus, tel un déguisement encombrant ou un récipient peu stable pour rapporter le précieux œuf. De plus, une épreuve supplémentaire s’ajoute à chaque dixième œuf récolté. La première équipe qui dépose tous les œufs chez son gardien remporte la partie! Il est fréquent que l’équipe représentant l’hiver soit désavantagée pour garantir la victoire au printemps.

Le Feuillu, une tradition romande

Cette fête populaire marque le retour du printemps genevois, chaque premier dimanche de mai. Selon le site de la Confédération sur les traditions vivantes, la célébration du Feuillu proviendrait d’une tradition païenne celtique. On peut la retrouver dans de nombreuses communes du canton.

Généralement, les enfants défilent en cortège et se coiffent de couronnes florales. Ils entourent un roi et une reine de mai qui trônent sur une charrette, ainsi qu’une construction de branchages, appelée la «bête» ou le «feuillu». Les joyeux bambins ponctuent leur marche de danses et de chants. Et pour terminer la journée en beauté, les genevoises et genevois se retrouvent autour d’une collation.

Historiquement, Calvin interdit la coutume au XVIème siècle, elle n’a repris vie qu’au XIXème. «Ce qui est vrai, mais l’interdiction n’a pas empêché la tradition de perdurer. Puisqu’en 1614, le Consistoire, qui était l’organe de contrôle des mœurs, se plaint de nouveau <des jeunes filles qui recommencent à faire des épouses du mois de mai>», commente Isabelle Brunier, historienne au département du territoire, à l’office du patrimoine et des sites à Genève. Les villages catholiques situés dans les environs avaient tendance à perpétuer plus fortement les cortèges des jeunes «faux mariés».

Selon l’experte, il a existé, dans la campagne genevoise, une autre tradition printanière appelée «les failles (parfois nommée les brandons)». Cette dernière consistait à faire le tour des maisons des villages avec une sorte de perche dont le bout garni de paille ou autre servait à nettoyer les maisons.

«La tournée se terminait par un feu de purification et de joie. […]Au XVIème siècle, dans les années 1545-1547, cette coutume est encore dénoncée, dans les villages de Genthod et du Grand-Saconnex», détaille Isabelle Brunier.

Le Sechsläuten, des pétards à Zürich

Si l’un des bonhommes hiver suisses les plus célèbres s’appelle le Böögg et brûle, chaque année, à Zürich, en avril, la tradition s’étend ailleurs en Suisse. À Fribourg, c’est le Rababou qui s’enflamme lors du carnaval. Dans les grisons, c’est dans la région d’Engadine que l’on célèbre une tradition similiaire: l’Hom da strom. Ce pantin-là se confectionne à partir de paille, d’où son nom.

Le Sechsläuten, littéralement «quand résonnent six heures»- une référence au changement d’heure de la fin du travail à la belle saison- remonte à 1818. «La coutume zürichoise du XIXème siècle se développe par paliers dès 1818. Elle trouve sa forme finale vers 1900», explique François Guex, l’historien qui accompagne Jean-Marc Richard à la RTS lors de la diffusion du défilé en direct.

«À cette époque les corporations avaient perdu leur dernière fonction politique (1866). Pour rester en vie, elles se transforment en associations patriotiques enracinées dans des riches traditions datant de leur création en 1336», détaille François Guex. D’ailleurs, selon l’expert ces dernières ont inspirés de «nouvelles corporations de quartier» à rejoindre celles déjà existantes. Après le rattachement de nombreuses communes voisines à la ville de Zürich (en deux séries, 1893 et 1934), ces petites nouvelles s’assemblent aux anciennes corporations issues du Moyen-Âge. Ainsi, elles organisent ensemble des cortèges suivis de banquets le jour du Sechseläuten.

L’image de l’hiver ne s’est imposée définitivement qu’à partir de 1901. – François Guex, historien

Le Böögg

Le Böögg, cet énorme bonhomme hiver de quatre-vingts kilos et de plus de trois mètres de haut n’apparaît qu’en 1862. «D’abord repris sous une forme carnavalesque, le mannequin à brûler était une fois le Déficit, une autre fois l’Influenza (la grippe) ou une personnification des guéguerres partisanes. L’image de l’hiver ne s’est imposée définitivement qu’à partir de 1901», explique l’historien.

Aujourd’hui rempli de pétards et de feux d’artifices, le Böögg est allumé à dix-huit heures tapantes. Il marque la fin officielle de l’hiver. La tradition veut que s’il s’enflamme très rapidement, l’été sera long et chaud et au contraire, s’il met du temps à prendre, l’été s’annonce mauvais.

Selon François Guex, la date du troisième lundi du mois d’avril est déjà fixée dans les années 1870. Et ceci «dans l’espoir de profiter d’un temps plus printanier qu’en mars». Les costumes deviennent importants pour les associations qui paradent dans le courant du XXème siècle, pourtant au fil des ans, les traits carnavalesques sont laissés de côté.

Texte Laetizia Barreto

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLE PRÉCÉDENT
ARTICLE SUIVANT