L’artisanat attire-t-il encore les jeunes? Nous l’avons demandé à Robin Haefeli, artiste sculpteur et bijoutier à Genève.
Robin, peux-tu te présenter en quelques mots?
Bonjour! Je m’appelle Robin Haefeli et je suis artiste sculpteur et bijoutier à Genève. Je pense que je suis avant tout quelqu’un de créatif, persévérant et rêveur.
Quand et pourquoi as-tu décidé de te diriger vers la création de bijoux?
Après mon retour des États-Unis où j’ai étudié l’art à l’institut de Boston, j’ai eu la chance de rejoindre l’atelier familial de création de bijoux. Après quelques créations, j’ai compris qu’il fallait que je lance ma propre marque de bijoux avec ma propre identité visuelle. J’ai donc commencé à réaliser quelques prototypes en argent qui ont énormément plu. À partir de là je me suis mis à mon compte et réalise depuis deux ou trois collections par an.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier?
Le sentiment de liberté lorsque je sculpte un nouveau projet et que je le vois prendre vie étape par étape. La création de bijoux et de sculptures en général me permet vraiment de m’exprimer pleinement. La notion de trois dimensions et de volume dans l’espace me permet vraiment de m’exprimer pleinement et de travailler avec toutes sortes de techniques et de matière.
Qu’est-ce qui fait de ton métier un travail extraordinaire selon toi?
La possibilité de combiner des techniques traditionnelles ancestrales à des processus plus technologiques mélangeant le digital et l’impression 3D et de pousser mes créations toujours plus loin dans leur finesse et leur complexité. Grâce à chacune des techniques que j’ai pu apprendre ces dernières années, je n’ai plus de limite dans ma création ce qui rend mon travail vraiment extraordinaire. Je peux vraiment créer tout ce qu’il me plait.
Peux-tu nous raconter une de tes journées type?
Je travaille souvent sur plusieurs projets en même temps. Je commence habituellement mes journées par travailler sur des choses qui me font plaisir: élaboration de nouvelles idées, dessins de croquis et mise en marche des machines de 3D. Ensuite, je continue simplement à travailler sur les différentes commandes et sculptures en cours de modélisation.
Qu’est-ce qui caractérise tes bijoux?
Mes bijoux sont la plupart du temps réalisés en argent brut. J’aime y laisser un certain nombre d’imperfections ce qui donne une impression de vécu à chacune des pièces. J’y ajoute souvent d’intéressants détails tels que des filigranes ornementaux ou des symboles généralement liés à des cultures, à l’Histoire ou aux diverses mythologies et légendes.
Comment les crées-tu et quels outils et techniques utilises-tu?
Comme expliqué plus haut, j’utilise une panoplie de techniques afin de réaliser mes bijoux. Il se peut que je crée un bijou à l’aide de techniques traditionnelles telles que la cire perdue que l’on transforme ensuite en argent ou en or. Mais, depuis quelques années, j’utilise aussi les techniques de modélisation 3D et d’impression 3D contemporaine, ce qui me permet aussi de simplifier certaines étapes tout en rajoutant encore plus de détails dans mes créations. Une fois imprimées en résine castable, mes créations sont ensuite fondues dans l’alliage demandé par le client.
Comment les technologies t’aident-elles dans ton quotidien?
Les technologies telles que la modélisation 3D ainsi que l’impression 3D me permettent d’explorer de nouvelles approches de création. Il est important de comprendre que ces techniques sont à la fois utiles car elle simplifient certaines étapes, mais elles sont aussi très difficiles à gérer. Il faut beaucoup de patience et trouver les meilleurs machines et outils compatibles avec ce que l’on veux créer. L’avantage de ces nouvelles technologies est le fait qu’elles donnent à l’artiste une infinité de possibilités pour la réalisation de la pièce finale. La seule limite est l’imagination!
Je pense que la premiere compétence nécessaire dans ce domaine est la persévérance.
Quelles sont les compétences nécessaires pour travailler dans ce secteur et quels sont les défis que l’on peut rencontrer?
Je pense que la premiere compétence nécessaire dans ce domaine est la persévérance, car le chemin de la sculpture 3D est semé d’embûches et sa complexité est souvent sous-estimée. La seconde est la patience, car il n’est pas simple de prendre en main toutes les techniques nécessaires du premier coup. Il est aussi assez difficile de se former car il y a peu de bonnes formations dans ce domaine. Chacun doit dénicher le tuto qui lui convient le mieux sur internet!
Qu’as-tu appris sur toi-même grâce à ton travail?
À travers les années, j’ai surtout appris à fonder ma propre entreprise ainsi que toutes les choses associées au bon fonctionnement d’un studio de création artistique. J’ai aussi, à travers chacun de mes projets, appris à améliorer et à repenser ma manière de travailler pour proposer des créations toujours plus poussées.
Quel a été le plus beau bijou que tu as créé?
Dernièrement, j’ai participé à un concours de bijoux à Genève sur le thème du Japon qui m’a poussé à réaliser ma plus belle pièce. En forme de cloche, celle-ci illustre la vie qui reprend au printemps après un long hiver. On retrouve une sélection de symboles et d’animaux tout autour de la pièce comme un paysage qui prend vie. Sur les deux pôles tout autour du bijou on retrouve une série de grenats mandarine qui crée un joli contraste avec la structure du pendentif en argent oxydé.
En Suisse, il y a une grande concurrence dans le domaine de la bijouterie et joaillerie de luxe.
Et quel a été jusqu’ici le moment marquant de ta carrière?
L’un des plus beaux moments dans ma carrière a été le jour où j’ai eu la chance de pouvoir exposer mes créations au musée national du Danemark. C’était vraiment une chance énorme pour moi de pouvoir montrer mes créations.
Y-a-t-il beaucoup de concurrence au niveau de la création artisanale de bijoux en Suisse?
Oui, je pense qu’en Suisse il y a une grande concurrence dans le domaine de la bijouterie et joaillerie de luxe. Toutefois, personnellement, j’aime travailler avec les imperfections, la notion d’objet unique et je ne me soucie pas de la concurrence. J’utilise les mêmes types de matériaux que de grandes marques de luxe, comme l’argent, l’or et les pierres précieuses. Je me distingue toutefois d’elles car j’aime l’échange avec le client et j’essaie de proposer des prix abordables. Parfois, d’autres créateurs m’inspirent mais je ne me pose pas vraiment la question d’une éventuelle concurrence. J’expérimente sans cesse afin d’être unique à ma manière. Par ailleurs, comme dans d’autres domaines de création, la concurrence se joue surtout sur internet où la notion de territoire n’est donc plus vraiment la même.
Est-il difficile aujourd’hui de se faire connaître au niveau international?
Je pense qu’il n’est pas facile de se faire connaître internationalement. Cela ne se joue pas toujours au mérite, il faut aussi beaucoup de chance. Cependant, à travers les réseaux sociaux ou en visant les bonnes personnes ou célébrités, il est possible d’atteindre une certaine notoriété. C’est à l’artiste d’utiliser au mieux les outils qu’il ou elle a à disposition pour faire son marketing. Cependant, la conquête des réseaux sociaux peut être très frustrante: les algorithmes changent constamment et il n’est pas facile de jongler entre les moments de création et ceux de stratégie marketing. Il est important que chacun trouve son rythme de croisière.
Si tu pouvais changer quelque chose de ton parcours professionnel, le ferais-tu?
Je ne changerais rien à mon parcours professionnel car, jusqu’ici, j’ai eu la chance de pouvoir intégrer une superbe école d’art aux États-Unis, ce qui m’a ouvert énormément de portes dans le domaine de l’art. Je dois à présent faire mes preuves à travers ma marque de bijoux et mon atelier de créations et j’ai hâte de pouvoir vous faire découvrir mes prochaines créations.
Ton secteur fascine-t-il les jeunes selon toi? Si oui ou non, pour quelles raisons?
La possibilité de créer son propre bijoux est quelque chose que les jeunes raffolent en ce moment. Ils viennent à la boutique avec une idée ou un croquis, comme ils le feraient chez un tatoueur. Nous réalisons ensuite le bijou ensemble et étape par étape. C’est une chance pour eux de pouvoir vraiment réaliser les bijoux qu’il désirent à un prix abordable à Genève.
Comment vois-tu l’avenir de la création de bijoux en Suisse?
En parcourant les réseaux sociaux et Internet, je découvre chaque semaine de nouveaux créateurs très intéressants. Je pense donc que les choses vont dans le bon sens et qu’il est important que les bijoutiers suisses se rencontrent et se soutiennent afin de créer des pièces toujours plus intéressantes.
Et qu’en est-il de ton avenir?
De mon côté, je continue chaque jour d’explorer toutes sortes de nouvelles technologies et techniques de création afin de réaliser mes projets, que ce soit en réalité virtuelle, en réalité augmentée ou encore en scannant des objets de la vie de tous les jours et de les transformer en bijoux. J’ai hâte que vous puissiez découvrir toutes mes prochaines collections qui seront sans doute de plus en plus intrigantes.
Interview Andrea Tarantini
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