bim la sous-traitance de l’expertise bim à l’étranger, un risque pour l’avenir de la construction en suisse
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Construction et Immobilier

La sous-traitance de l’expertise BIM à l’étranger, un risque pour l’avenir de la construction en Suisse

26.09.2024
par SMA

Le BIM (Building Information Modeling) s’impose progressivement comme un standard incontournable dans le secteur de la construction. À l’horizon 2025, il deviendra obligatoire pour certains projets de la Confédération helvétique, tels que ceux des CFF ou de l’Armée suisse. Cependant, la sous-traitance BIM à l’étranger soulève de sérieuses inquiétudes quant à la perte de compétences et d’expertise sur le territoire suisse. Cet article explore les risques associés à cette pratique, les enjeux pour la Suisse, et les solutions potentielles pour sécuriser l’avenir du BIM dans le pays.

La sous-traitance BIM, une pratique courante mais risquée

La sous-traitance de services BIM de modélisation notamment, à des entreprises situées à l’étranger comme en Inde, à Madagascar ou en France, est de plus en plus courante sur le marché suisse, certaines entreprises établies en Suisse ne réalisent pas elles-mêmes les mandats, mais les délèguent discrètement à l’étranger, exposant leurs clients à divers risques sans leur consentement.

Gouvernance des données, transparence et responsabilité

Le premier risque majeur est d’ordre juridique, car les données BIM, par leur nature sensible, sont soumises à des lois strictes sur la protection des données en Suisse. Leur transfert à l’étranger peut non seulement enfreindre ces lois, mais aussi violer les termes du contrat initial. En outre, la gestion des données devient plus compliquée lorsqu’elles sont traitées hors des frontières, ce qui accroît les risques de fuite ou d’utilisation non autorisée. Un autre enjeu crucial réside dans le manque de transparence- si les sous-traitants ne précisent pas clairement que le travail est externalisé à l’étranger, cela peut entraîner des conflits de responsabilité. En cas de problème, le client peut rencontrer des difficultés à identifier qui est responsable de la production et de la sécurité des données BIM.

Les risques économiques et industriels de la sous-traitance BIM

La sous-traitance à l’étranger, bien que financièrement attractive, représente un risque industriel majeur pour la Suisse. En externalisant des compétences, le pays freine le développement de son expertise locale en BIM, créant une dépendance à long terme envers des prestataires étrangers, ce qui pourrait affaiblir la compétitivité suisse sur le marché global. De plus, cette pratique à bas coût menace directement les entreprises suisses qui, soumises à des exigences locales strictes, doivent maintenir des standards élevés. La compétition déloyale qui en résulte, basée sur des coûts réduits grâce à l’externalisation, peut déséquilibrer le marché et fragiliser l’industrie locale.

Face à ces enjeux préoccupants, il est essentiel de se demander quelles sont les solutions d’amélioration possibles pour protéger l’expertise suisse en BIM et assurer la pérennité de l’industrie locale. Des mesures concrètes doivent-elles être mises en place ? Plusieurs pistes peuvent être envisagées pour contrer ces risques et renforcer la position de la Suisse sur le marché global.

Normes et réglementations renforcées

Une partie de la solution réside dans l’établissement de normes et de réglementations plus strictes. À partir de 2025, le BIM sera obligatoire pour certains projets publics suisses, il est donc crucial que ces réglementations incluent des clauses précises concernant la localisation des services BIM afin de garantir que les données restent sur le territoire suisse.

Blockchain et technologies de suivi

L’utilisation de la blockchain pourrait également jouer un rôle clé dans la gestion et la sécurisation des données BIM. La blockchain, en tant que registre décentralisé et inviolable, permettrait de tracer de manière transparente où et comment les données BIM sont traitées. Chaque transaction ou transfert de données pourrait être enregistré de manière immuable, assurant ainsi une traçabilité complète tout au long du cycle de vie du projet. Cela offrirait une garantie supplémentaire de conformité aux normes suisses et une protection renforcée contre les risques de fuite ou de manipulation des données. En cas de non-conformité des sous-traitants ou de transfert non autorisé des données à l’étranger, cette technologie pourrait servir de preuve indiscutable, renforçant ainsi la confiance des parties prenantes dans la gestion de leurs projets.

Structuration des appels d’offres

Enfin, il est essentiel de revoir la structuration des appels d’offres pour s’assurer qu’ils dissuadent la sous-traitance non déclarée à l’étranger. Actuellement, les exigences en matière de localisation des données dans les appels d’offres sont souvent insuffisantes ou trop vagues, ce qui laisse une marge de manœuvre aux entreprises pour externaliser sans transparence. La grande quantité d’échanges de données dans un projet BIM rend encore plus crucial le besoin d’un contrôle strict sur leur localisation. Malheureusement, sans des exigences précises, les données peuvent facilement sortir du pays, et le contrôle sur celles-ci peut se perdre. Pour pallier ces faiblesses, il est nécessaire que les appels d’offres intègrent des critères clairs et contraignants concernant la gestion des données. Les normes en vigueur devraient être revues et renforcées pour imposer des conditions strictes de localisation et de protection des données, garantissant ainsi que toutes les informations sensibles restent sous juridiction suisse et protégées des lois et pratiques étrangères potentiellement moins rigoureuses.

Conclusion

La sous-traitance de l’expertise BIM, notamment à l’étranger présente des risques considérables pour la Suisse, tant sur le plan juridique que sur celui de la compétitivité économique. Pour sécuriser l’avenir du BIM et protéger l’expertise locale, il est impératif que les acteurs de la construction, qu’ils soient experts ou novices, prennent conscience de ces enjeux et adoptent des mesures pour garantir que les compétences et les données restent sur le territoire suisse. Le développement et l’adoption des technologies comme la blockchain, combinés à une réglementation renforcée, pourraient être des solutions efficaces pour répondre à ces défis.

Texte Marco Mari, Co-fondateur – Directeur associé elitis

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