Interview par Océane Ilunga

Nager entre médailles et études

À 24 ans, Roman Mityukov, nageur spécialiste du dos crawlé, a récemment marqué l’histoire du sport suisse en décrochant une médaille olympique à Paris. En parallèle de sa carrière sportive, il poursuit des études de droit à l’Université de Genève, réussissant à allier avec brio ses deux passions. Dans cette interview, il revient sur son parcours, ses défis et ses rêves pour l’avenir, tout en livrant des conseils précieux aux jeunes qui aspirent à suivre ses pas.

À 24 ans, Roman Mityukov, nageur spécialiste du dos crawlé, a récemment marqué l’histoire du sport suisse en décrochant une médaille olympique à Paris. En parallèle de sa carrière sportive, il poursuit des études de droit à l’Université de Genève, réussissant à allier avec brio ses deux passions. Dans cette interview, il revient sur son parcours, ses défis et ses rêves pour l’avenir, tout en livrant des conseils précieux aux jeunes qui aspirent à suivre ses pas.

Roman Mityukov, quelles ont été tes premières émotions après cette victoire ?

Le premier mot qui me vient à l’esprit, c’est « soulagement ». J’ai tellement travaillé pour ça que je voulais absolument réussir. En dos crawlé, surtout sur le 200m, quand on touche le mur à la fin de la course, on a le résultat juste devant soi. Au début, je ne vois pas tout de suite le chiffre. J’aperçois un petit « 2 » devant mon nom, ce qui veut dire médaille d’argent. Ensuite, je retire mes lunettes parce qu’il y avait un peu d’eau, et, là je me rends compte que je suis finalement troisième. Mais honnêtement, c’était quand même super (rires). Voir ce « 3 » à côté de mon nom, c’était un énorme soulagement.

Comment gères-tu la pression lors d’une compétition comme les Jeux Olympiques ?

Il y a énormément de pression, car les Jeux n’ont lieu que tous les quatre ans. Tu passes des années à t’entraîner pour ce moment et l’enjeu est énorme. Mais avec le temps et l’expérience des grandes compétitions, tu apprends à gérer cette pression. Ma première compétition internationale était en 2019 aux championnats du monde. Ça a été difficile, même si à l’époque, je n’étais encore personne. Avec les années,les années, on apprend à se canaliser. Les Jeux de Tokyo ont été une expérience précieuse pour m’aider à mieux aborder ceux de Paris.

Quels sont tes prochains objectifs ?

Mes prochains objectifs incluent les Championnats du monde l’été prochain, ce qui me laisse le temps de reprendre progressivement les entraînements. À plus long terme, je vise les Jeux Olympiques de Los Angeles en 2028. D’ici là, il y aura plusieurs compétitions importantes, notamment des Championnats d’Europe et deux autres Championnats du monde. Côté académique, je souhaite réussir mon master et passer le barreau afin de devenir avocat un jour.

Comment t’es venue ta passion pour la natation ?

C’est simple, mes parents m’ont inscrit à l’école de natation pour apprendre à nager. En parallèle, je faisais un peu d’athlétisme. Mais ce qui m’a fait choisir la natation, c’est que j’avais plus d’amis dans ce groupe (rires). J’aimais bien les deux sports, mais l’amitié a fait pencher la balance vers la natation.

Comment fais-tu pour concilier tes études de droit avec ta carrière de sportif professionnel ?

Au début ce n’était pas évident, mais on finit par s’y habituer avec une bonne organisation. J’ai eu la chance d’intégrer un programme sport/études à l’université, ce qui m’a permis d’aménager mon emploi du temps. Par exemple, je n’ai pas pu terminer mon Bachelor en trois ans comme les autres, mais en six ans, ce qui était beaucoup plus réaliste avec ma carrière sportive. Faire les deux en trois ans aurait été impossible. J’ai pu suivre des cours en ligne, ce qui est indispensable quand on est souvent en déplacement pour des compétitions ou des entraînements. Tout était bien structuré pour que je puisse gérer ces deux aspects de ma vie, mais cela demande beaucoup d’organisation et une hygiène de vie rigoureuse. Sans cela, réussir dans les deux domaines serait impossible.

À quoi ressemble une journée type pour toi ?

Je commence ma journée en mangeant puis je me rends à l’entraînement vers 7 heures. Je nage jusqu’à 10h-10h30, puis je rentre chez moi pour prendre un deuxième petit-déjeuner et faire une sieste. Après le déjeuner, je repars m’entraîner de 14h à 17h-17h30. Ensuite, je rentre et je fais mes cours si j’en ai, sinon je me repose. Si je suis trop fatigué, je reporte mes cours au week-end. Le reste de la journée est consacré à la récupération et je me couche vers 21h. Mes semaines sont très remplies, je m’entraîne dix fois par semaine dans l’eau, plus trois séances de musculation, ce qui fait environ 30 heures d’entraînement par semaine. Quand il me reste du temps, je vois mes amis ou ma famille et je travaille sur mes cours.

As-tu le temps d’avoir une vie sociale ?

Ce n’est pas toujours facile. En semaine, c’est quasiment impossible à cause des entraînements et des cours. Mais j’essaie quand même de maintenir une vie sociale, car j’en ai besoin pour mon équilibre mental. Sans ces moments, je finirais par craquer. Quand je suis à Genève et que je n’ai pas de compétition ni d’entraînement le samedi soir, je prends le temps de voir des amis, de partager un repas. Ces moments sont importants pour moi.

Pourquoi avoir choisi de poursuivre des études en parallèle du sport ?

Je me donne à fond dans les deux. Le fait d’étudier à temps partiel me permet de me consacrer pleinement à ma carrière sportive tout en avançant dans mes études. Cela m’aide aussi à sortir de ma bulle “natation”. Avoir ces deux activités me permet de me déconnecter de l’une et de l’autre : quand je suis dans mes études, je ne pense plus à la natation, et vice versa. Et puis, une fois ma carrière sportive terminée, j’aurai un diplôme de droit, ce qui est essentiel pour préparer l’après-natation.

Quels étaient tes rêves d’enfant ?

Depuis tout petit, j’ai toujours été très compétitif. Même quand je marchais à côté de quelqu’un, je voulais toujours arriver avant lui au carrefour ! À l’école, je voulais être le premier à finir les examens. J’ai toujours aimé le sport et j’ai suivi toutes sortes de disciplines. Je n’avais pas vraiment de grands rêves, j’étais un enfant assez ordinaire, mais j’avais ce goût inné pour la compétition et l’envie d’être le premier.

Pourquoi as-tu choisi d’étudier le droit ?

Pour devenir avocat (rires) ! En fait, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire avant le collège. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à aimer le droit et l’économie, car j’avais pris une option spécifique dans ces deux domaines. À la base, je pensais m’orienter vers l’économie, mais je me suis retrouvé dans le droit, que j’apprécie aussi beaucoup. Un peu comme le choix entre l’athlétisme et la natation, finalement. Je vais bientôt commencer un Master en droit économique, ce qui me permettra de combiner les deux domaines.

Que t’a apporté le sport sur le plan personnel ?

Le sport m’a permis de rencontrer des amis, de rire et de passer de bons moments tout en prenant soin de ma santé physique. C’est une source de bien-être pour moi.

Selon toi, le sport est-il important pour la jeunesse ?

Oui, le sport est essentiel pour les jeunes générations, surtout pour celles qui passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux. Si ces nouveaux outils peuvent les démotiver ou les enfermer dans une bulle, le sport permet de sortir, de se déconnecter, de passer du temps avec des amis et de se défouler. C’est bon pour la santé et cela aide à sortir de sa zone de confort.

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes athlètes qui rêvent de participer aux Jeux Olympiques ?

Il faut d’abord comprendre que ce n’est pas facile à atteindre. Ce n’est pas parce que quelqu’un y est arrivé en Suisse que tout le monde peut le faire. Il faut croire en soi, être très organisé et ne pas se mettre trop de pression. L’essentiel est de faire ce que tu aimes. Il y a des sports où il est impossible de réussir si tu n’y prends pas de plaisir. Je vois beaucoup de jeunes nageurs qui sont là parce que leurs parents les y obligent, et ça ne fonctionne jamais. Il faut être passionné, car la natation demande beaucoup de sacrifices.

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26.09.2024
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