D’infirmier à sage-femme
À 33 ans, Lionel Tical, originaire de la Martinique, a quitté sa carrière d’infirmier après six ans pour suivre sa véritable vocation de sage-femme. Diplômé en 2021 de l’école HESAV à Lausanne, il exerce aujourd’hui en salle d’accouchement au CHUV, apportant son expertise aux futurs parents.
Lionel Tical , vous êtes-vous déjà senti confronté à des stigmatisations liées à votre métier de sage-femme ?
En tant qu’homme dans un métier perçu comme féminin, il faut parfois prouver un peu plus ses compétences, mais pour moi, un métier n’a pas de genre. Ce qui compte, c’est de bien faire son travail. Pendant mes études, je n’ai pas rencontré de difficultés, et au travail, il est rare que des patientes préfèrent être accompagnées par une femme. Tout dépend de la manière d’aborder les choses. Les patientes disent souvent que les hommes sont plus à l’écoute, plus patients, probablement parce que nous ne vivrons jamais directement cette expérience. Le rapport est donc différent, sans être maternant.
Étiez-vous le seul homme dans votre promotion ?
Nous étions trois, mais c’est assez rare. Cela faisait cinq ou six ans que l’école n’avait pas accueilli autant d’hommes dans une même volée.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le métier de sage-femme ?
Je pense que l’adrénaline joue un rôle clé. Une fois qu’on y a goûté, il est difficile de s’en passer. J’ai choisi de travailler en salle d’accouchement au CHUV parce que, tout comme les urgences où j’ai exercé en tant qu’infirmier, c’est un service où l’action est omniprésente. Quand l’accouchement ne suit pas le déroulement habituel, il est crucial de réagir rapidement et de manière précise. Ce qui rend le métier de sage-femme fascinant, c’est que même en cas de complications, il faut savoir intégrer les principes naturels de la physiologie dans le processus de soins. Malgré les complications possibles, l’arrivée d’un enfant reste un moment de joie. J’aime rappeler aux futures mamans que, quelle que soit la situation, cela reste leur accouchement.
Quelles sont les trois qualités essentielles pour travailler en tant que sage-femme ?
Respect, parce qu’on entre dans l’intimité physique et psychologique des patientes. Empathie, indispensable pour bien exercer. Et enfin, la prise de décision rapide : un accouchement peut basculer à tout moment, il faut savoir réagir et assumer.
Comment se passe une journée type en salle d’accouchement ?
Nos gardes, de douze heures, se déroulent de jour ou de nuit. À 7 heures, nous sommes six sages-femmes dont une pour les provocations et une responsable horaire. La journée débute par un rapport pour faire le point sur les patientes et les césariennes.
Nous essayons de suivre les mêmes patientes, mais il n’y a pas de journée type. Les salles peuvent passer de vides à pleines en un rien de temps, et nous avons nos petites superstitions, comme les changements de temps ou les phases de la lune, qui semblent parfois influencer le rythme des naissances.
Cela varie-t-il vraiment avec la lune ?
Certaines observations suggèrent que oui. On note souvent plus de ruptures de la poche des eaux autour des pleines lunes, probablement en raison de la gravité qui affecte les liquides dans l’utérus, similaire aux marées. Les gardes peuvent également être plus intenses avec les changements de temps. Ces observations ne sont pas scientifiquement prouvées, mais elles se confirment souvent avec l’expérience.
Quelles sont les qualités qu’un homme peut apporter à cette profession et pourquoi devrait-on encourager ces derniers à y entrer ?
Je crois que la mixité dans une équipe est essentielle pour trouver un équilibre. La présence d’hommes dans un service peut parfois apaiser certaines situations qui pourraient devenir tendues. Cela contribue à une atmosphère moins électrique. Il y a des préjugés sur les hommes en salle d’accouchement, comme l’idée qu’ils y sont par voyeurisme, mais il est crucial de se rappeler que c’est un métier avant tout, et un métier qu’on ne fait pas sans passion. Les hommes peuvent apporter une approche différente, qui vient compléter celle de leurs collègues féminines.
Y a-t-il des aspects de la profession qui vous surprennent encore aujourd’hui ?
Oui, la question du genre reste surprenante. Il arrive encore fréquemment que certaines patientes montrent un étonnement marqué lorsque je fais mon entrée en salle d’accouchement. Beaucoup ne s’attendent pas du tout à rencontrer un homme dans ce contexte.
Que vous a appris votre métier sur le plan personnel ?
Sur le plan personnel, mon métier m’a appris la résilience. Peu importe combien nous planifions ou préparons les choses à l’avance, ce qui doit arriver finira par se produire. J’ai appris à accepter que nous n’avons pas toujours le contrôle total et qu’il est important de lâcher prise, même si cela peut être difficile. Face à la nature, nous sommes parfois impuissants.
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