l’innovation : une valeur fondamentale en suisse pour le futur
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Interview Suisse Innovation

L’innovation : une valeur fondamentale en Suisse pour le futur

26.06.2024
par Océane Ilunga

Roger Wüthrich-Hasenböhler, vice-président non-exécutif chez Swisscom, cumule plus de 30 ans d’expérience au sein de l’entreprise. Ayant occupé divers postes de direction, il a passé douze ans au sein du comité exécutif, avec une responsabilité particulière pour la division Small and Medium Enterprise (SME, ou PME en français). Expert en ingénierie électrique et en informatique, il a également exercé pendant six ans en tant que Chief Digital Officer, marquant ainsi son empreinte dans la transformation numérique de Swisscom. Dans cette interview, il dépeint sa vision de l’avenir de l’innovation en Suisse.

Roger Wüthrich-Hasenböhler,Vice-Président non-exécutif, Swisscom

Roger Wüthrich-Hasenböhler
Vice-Président non-exécutif, Swisscom

Roger Wüthrich-Hasenböhler, quelles sont, selon vous, les technologies émergentes les plus intéressantes à l’heure actuelle ?

Revenons en 2007, lors du lancement du premier smartphone par Apple. C’était une période d’innovation intense et, de la même manière, je pense qu’aujourd’hui il y a un engouement similaire face à la technologie de l’IA générative (GenAI) qui est passionnante. Je pense que l’IA va transformer l’avenir de manière radicale et très rapidement.

Comment ?

Un exemple concret où Swisscom est actif concerne la gestion des réclamations des clients. Nous sommes en mesure d’enregistrer les réactions des clients et les perturbations signalées. En connaissant ces éléments ainsi que les solutions précédemment mises en œuvre, nous pouvons anticiper et résoudre les problèmes avant même qu’ils ne surviennent à nouveau. Cela signifie que nous disposons déjà des solutions appropriées.

Comment envisagez-vous l’évolution du rôle de l’intelligence artificielle dans les années à venir, et quelles opportunités et défis cela présente-t-il pour des entreprises comme Swisscom ?

Je compare l’intelligence artificielle à l’émergence d’Internet dans les années 2000. Elle va changer beaucoup de choses à l’avenir car GenAi a pour fondation Internet, où toutes les informations sont désormais accessibles et où les algorithmes peuvent les combiner pour offrir de nouvelles solutions ce qui représentera une révolution et modifiera nos métiers ainsi que nos comportements de manière positive.

Mais il y a aussi un revers à la médaille, notamment concernant les droits de propriété intellectuelle et les droits en général, ainsi que des questions éthiques. L’IA peut être utilisée pour de bonnes et de mauvaises actions, et c’est un défi pour les années à venir. L’Union européenne a proposé un règlement sur l’IA pour répondre à cette question, mais le développement de l’IA est si rapide que nous sommes toujours en retard sur ces questions éthiques et sur la manière de l’utiliser correctement.

Il y a de nombreux avantages à tirer de l’IA, et elle créera de nouveaux emplois. Je ne crains pas que nous perdions nos emplois, je pense plutôt qu’ils évolueront.

Quelle importance revêt l’adoption d’une culture de l’innovation pour les entreprises et quels sont les facteurs clés du succès de cette innovation ?

Si l’on souhaite que son entreprise soit prospère à l’avenir, on doit réfléchir aux services dont ses clients auront besoin dans deux ou trois ans. S’il est parfois difficile d’anticiper les exigences des clients, on peut s’appuyer sur son cœur de métier et ses services actuels pour les développer. Pour cela, une culture de l’innovation est nécessaire, et cela est valable pour toutes les entreprises.

En examinant l’écosystème d’innovation en Suisse, notamment les start-ups, il est crucial de soutenir ces jeunes entreprises lorsqu’elles arrivent à maturité. Il est essentiel d’investir dans ces entreprises prêtes à se développer à l’international, car elles créent des emplois en Suisse et y génèrent de la valeur.

Comment la Suisse se positionne-t-elle en termes d’investissements dans l’innovation, et quels sont les principaux défis à relever pour commercialiser ces innovations et en tirer pleinement parti ?

Nous avons un écosystème d’innovation solide et, lorsqu’on regarde les classements internationaux de l’innovation, la Suisse est toujours en tête. Je pense que notre système éducatif est parmi les meilleurs grâce aux excellentes universités qui le composent. Mais le plus important, lorsqu’on a de l’innovation, c’est de la commercialiser, de créer des emplois et de la valeur. Et dans ce domaine, nous avons un manque. Nous investissons 20 milliards de francs suisses par an mais seulement environ 3 millions sont consacrés à la commercialisation. Comparé à d’autres pays, notamment les États-Unis ou certains pays asiatiques, nous sommes assez en retard ; nous devons investir davantage si nous voulons rester au sommet.

Quel rôle jouent les données dans la promotion de l’innovation, et comment Swisscom les utilise-t-elle pour rester compétitive ?

Les données jouent un rôle crucial dans l’innovation. Au cours des dernières décennies, nous avons créé un environnement technologique où elles sont fondamentales, et Swisscom les exploite de manière stratégique. Voici comment :

  1. Insights clients : Nous analysons les données de nos clients et de notre réseau pour améliorer leur expérience.
  2. Optimisation du réseau : Les données sont essentielles pour améliorer la qualité de notre réseau, notamment via la maintenance prédictive pour anticiper les pannes.
  3. Analytique prédictive : Utilisée dans divers cas, elle nous permet d’anticiper les événements et d’optimiser les coûts et l’efficacité.
  4. Internet des Objets (IoT) : Les données sont indispensables pour gérer à distance les appareils et systèmes, facilitant ainsi les opérations.
  5. Sécurité des données : Nous accordons une importance primordiale à la sécurité et à la confidentialité des données, cruciales pour préserver la réputation de l’entreprise.

Pouvez-vous nous donner des exemples de projets d’innovation réussis chez Swisscom et comment ils ont impacté l’entreprise et ses clients ?

Tout d’abord, les cartes SIM prépayées, lancées il y a près de 30 ans, ont rapidement conquis le marché mondial des télécommunications, devenant un standard reconnu. Ensuite, pour faire face aux défis de connectivité, Swisscom a introduit avec succès une carte de données mobiles, permettant aux utilisateurs d’accéder facilement à internet en insérant la carte dans leur ordinateur. Enfin, malgré les doutes initiaux, Swisscom a démontré son expertise en devenant un leader du marché de la télévision avec Swisscom TV (IPTV). L’introduction du replay a également révolutionné nos habitudes en offrant la flexibilité d’accéder aux émissions à tout moment. Ces trois innovations sont, à mon avis, des exemples impressionnants d’innovation par Swisscom dans le passé.

Quels sont les plus grands défis auxquels les entreprises sont confrontées lorsqu’il s’agit d’adopter de nouvelles technologies, et comment peuvent-elles surmonter ces défis ?

Il existe de nombreux exemples comme Kodak, Blackberry ou Nokia. À leur apogée, ces entreprises étaient des leaders du marché, mais elles n’ont pas su anticiper le développement des nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle aujourd’hui. Il est crucial de comprendre le pouvoir de l’IA dans son cœur de métier pour rester compétitif à l’avenir.

Je pense que le défi pour les entreprises réside dans le fait qu’elles ont souvent un cœur de métier très performant et ne ressentent pas le besoin de se préparer aux évolutions. Le défi consiste à identifier les nouvelles technologies, à comprendre les exigences des clients et à développer ses produits et services pour les cinq prochaines années.

Comment voyez-vous la relation entre l’innovation et la durabilité, et comment Swisscom intègre-t-elle la durabilité dans sa stratégie d’innovation ?

L’innovation et la durabilité sont étroitement liées. Lorsqu’on prend du recul, on constate que l’innovation apporte des solutions pour le monde, comme Climeworks, une organisation environnementale basée à Zürich, qui peut extraire le dioxyde de carbone de l’air. La durabilité est un sujet qui préoccupe Swisscom depuis plus de 20 ans. L’objectif central de l’entreprise pour 2025 est de réduire nos émissions directes de 90 %. Nous mettons ainsi en place différentes mesures dans ce domaine, telles qu’une application que nous avons développée pour permettre à chacun de voir son empreinte carbone. Je pense qu’il est crucial d’avoir des objectifs de durabilité au plus haut niveau, car le risque aujourd’hui est de perdre des clients, la durabilité étant devenu un point décisif dans le choix de leurs services.

Enfin, quels conseils donneriez-vous à d’autres entreprises désireuses d’innover et de rester compétitives dans le paysage technologique en rapide évolution d’aujourd’hui ?

De nouvelles technologies émergent et elles peuvent être très compétitives pour votre cœur de métier. Il est essentiel de vérifier si votre proposition de valeur actuelle sera toujours pertinente dans cinq ans. Soyez vigilant face aux technologies disruptives qui pourraient perturber votre propre entreprise et gardez un œil attentif sur celles-ci.

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