
François Aubert
Président, Arfor
Pour nous tous, qui avons eu le privilège de pouvoir bénéficier d’un système scolaire de qualité, la première expérience de la formation s’est déroulée sur des bancs d’école. Là, pas de question à se poser, pas de choix à faire : apprendre ce que le maître ou la maîtresse nous indiquait, de la poésie à la leçon d’histoire, de la table de multiplication au nom des fleuves était notre quotidien. La première grande décision, parfois contrainte, arrive à la fin de l’adolescence, synonyme de fin d’obligation scolaire : Continuer des études gymnasiales ? L’école de culture générale ? Faire un apprentissage ? Entrer directement dans le monde du travail ? Un choix certes lourd, mais pas définitif dans un pays qui offre un système de formation continue de qualité. Cela étant posé, et quel que soit le choix effectué, nous entrons tôt ou tard dans le marché du travail, avec un emploi. Mais est-ce là la fin de notre formation professionnelle ?
Dans un monde en constante évolution (selon les domaines nos connaissances deviennent obsolètes en quelques années à peine), ce n’est en fait que le début ! Nous n’avons assurément d’autres choix que de nous former toute au long de notre vie.
Nous n’en sommes pourtant pas à notre première révolution (en faits « évolution », mais n’aimons-nous pas dramatiser ?). Les années 50 ont vu l’arrivée des premiers ordinateurs, et des craintes qui vinrent avec une telle nouveauté. Nous nous sommes adaptés. Le WWW, l’accès généralisé à Internet, est devenu connu du grand public en 1995, et n’a cessé de se développer. Nous nous sommes adaptés. 2005 a vu émerger un monde ultra-connecté, entre autres grâce à la blockchain. Nous nous sommes adaptés. C’est désormais au tour de l’intelligence artificielle, que nous ne maîtrisons que partiellement et qui peut susciter des craintes pour l’emploi. Nous devons donc nous adapter là encore. Est-ce possible ? Bien sûr. Mais cela passe par le développement et la formation professionnelle.
Souvent se former se fait dans un cadre informel, à la place de travail, (on parle alors de FEST, Formation en Situation Travail). Parfois cependant un cadre plus formel de formation continue est nécessaire. Dans certains cas, il faut même passer des examens pour prouver telle ou telle compétence. C’est notamment le cas lorsqu’une obligation réglementaire existe (comme dans le domaine de la santé ou de la finance) ou lors de la recherche d’un nouveau poste de travail.
Cela est d’autant plus vrai en cas de réorientation de sa carrière, parfois indispensable du fait de la disparition ou quasi-disparition de certains métiers (l’allumeur de réverbère n’existe plus que dans le Petit Prince). Plus généralement, nous devons toutes et tous gérer nos carrières et notre employabilité, dans un pays qui est construit sur la responsabilité individuelle.
Cela n’est pas forcément simple. Heureusement, des outils de bilan de carrière existent, certains étant même gratuits. C’est le cas du « Check-up employabilité » de la Fondation Qualife. De nombreux acteurs sont aussi actifs dans ce domaine, qu’ils soient étatiques ou privés.
Cette évolution amène un chômage dit structurel. En termes clairs, il est le fruit d’un décalage entre les compétences demandées par les entreprises et celles offertes par les candidats. Là encore, faire un bilan nous permettant de réaliser quelles sont les compétences qui sont déjà les nôtres et celles dont l’acquisition est nécessaire à la suite de notre carrière est indispensable. Le choix de la formation adéquate ne sera ensuite que la conséquence de cette analyse.
Or nous avons la chance en Suisse de pouvoir bénéficier d’un système de formation continue exceptionnel, fait entre autres de brevets (13’000 décernés en 2020) et de diplômes fédéraux mais aussi de formations académiques courtes, telles que les CAS (Certificate of Advance Studies). De plus nous bénéficions d’aides financières de la part de la Confédération et des Cantons.
Depuis quelques années cependant (2018), ces financements sont axés sur la personne. Il nous appartient donc de gérer notre développement professionnel.
Or cela n’est pas forcément simple à mettre en oeuvre. Alors qu’en 2016, 62 % des adultes, en moyenne, se formaient en cours d’année, ils n’étaient plus que 45 % en 2021, une baisse de 27 % (Office fédéral de la statistique). De plus le fossé se creuse un peu plus entre personnes qualifiées et peu qualifiées, les premières continuant à se former beaucoup plus. La Confédération comme les Cantons, ou des associations comme l’ARFOR (Association des Professionnels de la Formation d’Adultes), communiquent autant que faire se peut sur ces possibilités de financement (50 % sont remboursés par la Confédération une fois que les examens sont passés, même en cas d’échec, en plus des aides cantonales). Mais force est de constater que le message n’est pas encore connu de toutes et tous.
Dans un monde connecté, d’autres possibilités de se former existent, souvent à prix abordable. La plus importante en nombre d’utilisateurs est Khan Academy dont la mission est de fournir un contenu éducatif de qualité, gratuit, accessible à tous et toutes, partout, et ce, dès les premières années scolaires. Mais les adultes y trouveront aussi leur compte ! Coursera, co-fondée par de grandes universités américaines, est la plus importante plateforme destinée aux adultes avec environ 120 millions de membres. Aujourd’hui il est possible non seulement d’y suivre des programmes courts (certifiants), mais aussi des cursus plus longs allant jusqu’à des masters universitaires à distance. Il existe par ailleurs d’autres plateformes similaires, et notamment Edx fondée par Harvard et MIT. Plus près de nous, l’EPFL a créé son « Extension school » offrant des cours en ligne avec un soutien personnalisé.
Dans un pays comprenant quatre langues nationales, il convient de ne pas oublier leur apprentissage ! Là aussi, nombre d’outils en lignes sont disponibles, en plus bien sûr des nombreuses écoles existant en Suisse et à l’étranger.
La Constitution Suisse, dans son préambule, mentionne « que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ». Il nous appartient donc à toutes et tous non seulement de nous informer et de nous former, mais aussi de soutenir nos proches, nos collègues et nos connaissances dans leur développement. Et partager ce dossier spécial pourrait être une bonne première étape !
Texte François Aubert, Président, Arfor
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