Ces rois en proie à la démence et à la déraison
Si la folie se définit souvent comme un trouble mental, elle se manifeste par différents symptômes. Combinée au pouvoir, elle a pu pousser certains dirigeants aux pires atrocités. Pour d’autres en revanche, l’absence de raison se traduit par des comportements insensés. Lorsqu’elle touche des empereurs, des rois ou des présidents, la folie entre dans l’Histoire car elle est au cœur des récits qui racontent la vie de celles et ceux qui ont un jour été à la tête d’un pays.
Les dirigeants et les souverains ne sont jamais sûrs de l’image qu’ils laisseront à la postérité après leur mort. Pour certains malheureusement, c’est de leur folie qu’on se souvient même des siècles plus tard. Qu’ils soient réels ou exagérés, leurs comportements extravagants sont la raison pour laquelle on en parle encore aujourd’hui.
Néron, un empereur contesté
Le nom de Néron, empereur romain qui régna sur Rome de 54 à 68 après J.-C., est souvent associé au grand incendie qui ravagea la capitale de l’Empire en 64. En effet, Néron est soupçonné de l’avoir provoqué. S’il accuse plutôt les Chrétiens, qui subiront par la suite leur première persécution, il en profite néanmoins pour organiser des travaux de reconstruction de la ville, dont un magnifique palais, la «Domus Aurea».
Cet épisode n’est pas le seul à nous être parvenu. Les premières années de Néron en tant qu’empereur sont plutôt paisibles. Passionné par la poésie, le chant ou encore les jeux de cirque, ses mesures sont plutôt bien acceptées par le peuple. Les événements commencent à se corser lorsqu’il prend pour maîtresse une femme du nom de Poppée et assassine en 59 sa propre mère, Agrippine la Jeune. Il craint en effet que celle-ci ne veuille l’évincer, après avoir tout fait pour mettre son propre fils à la tête de l’Empire. Démesure, ambition, cupidité, brutalité, l’empereur multiplie les actes de cruauté. Il aurait par exemple donné un coup de pied dans le ventre de Poppée alors que celle-ci était enceinte. Certains historiens estiment que sa mort, survenue peu de temps plus tard, est due aux complications de sa grossesse. Peu à peu, des conspirations naissent contre lui. Sénèque sera par exemple obligé de se suicider, accusé d’avoir fait partie des conjurés. Finalement, abandonné de tous et déclaré ennemi public, il demande à son secrétaire Épaphrodite de le tuer. C’est à ce moment qu’il aurait prononcé sa célèbre phrase: «Quel artiste meurt avec moi!»
Son histoire nous est racontée par des historiens antiques tels que Suétone et Tacite. De ce fait, il est important de garder une certaine prudence et nuance quant à l’énumération de tous ses défauts, que certains historiens ont tendance aujourd’hui à remettre en question.
Ibrahim Ier, le sultan extravagant
Ibrahim Ier naît en 1615. Surnommé Ibrahim le fou, ce sultan de l’Empire ottoman est aujourd’hui considéré comme une personne instable, ambitieuse et cruelle. Il grandit d’abord confiné alors que son frère Mourad IV occupe le trône. Ce dernier avait en effet fait exécuter plusieurs de ses frères.
Le règne tumultueux d’Ibrahim Ier, de 1640 à 1648, est marqué par des guerres et des rébellions dans l’Empire ottoman. Très influencé par les femmes de son harem et ses ministres, des proches qu’il place aux postes les plus importants, on le dit excentrique et imprévisible. Il aurait eu une vie sexuelle débridée et aurait même jeté à la mer ses 280 concubines à cause de certaines rumeurs d’infidélité colportées par sa favorite. En 1648, un soulèvement le destitue et il est étranglé une semaine plus tard.
Charles II d’Espagne, victime des tares de sa famille
Si Charles II devient roi d’Espagne à quatre ans en 1665, il ne gouvernera jamais vraiment: la régence est d’abord assurée par sa mère pendant de nombreuses années, puis ses ministres l’aident également à gouverner. Et pour cause, le jeune roi est atteint malgré lui de nombreux troubles. En effet, sa mère Marie-Anne d’Autriche n’est autre que la nièce de son père, Philippe IV.
Ce lien à la fois marital et familial n’est pas le seul dans la famille et le jeune Charles est le résultat de la consanguinité qui fait loi chez les Habsbourg d’Espagne depuis de nombreuses années. De ce fait, Charles II souffre de plusieurs anomalies génétiques. Dès son enfance, il apparaît faible et chétif. Ce n’est que vers l’âge de quatre ans qu’il commence à parler, et à huit ans qu’il se met à marcher. Il souffrait également de crises d’épilepsie. En plus d’une déficience intellectuelle, les historiens lui attribuent aussi une certaine laideur. Charles II se marie deux fois, mais aucun enfant ne naît de ces deux unions. Toutes ses particularités lui valent le surnom de «el Hechizado», l’Ensorcelé. Sa mort en 1700 signe ainsi la fin de la dynastie des Habsbourg d’Espagne, qui régnait sur le pays depuis 1516.
Paul Deschanel, un président en pyjama
Paul Deschanel est élu président de la République française en 1920. La même année, il présente des premiers symptômes de troubles mentaux. Atteint très sûrement de dépression et de démence, il passe une grande partie de son temps à l’Élysée à l’abri des regards. Même si son pouvoir est finalement limité, le surmenage que lui confère sa fonction aggrave ses crises d’angoisse et ses insomnies.
Des rumeurs circulent sur le fait qu’il reçoit des invités imaginaires ou qu’il se prend pour un corbeau. Il prend également l’habitude de signer des décrets du nom de Napoléon. L’épisode le plus marquant de sa folie et qui fait la une des journaux concerne une aventure qui lui est arrivée dans la nuit du 23 au 24 mai 1920 alors qu’il était en déplacement. Dans un train de nuit qui doit le conduire à Montbrison pour inaugurer une statue, il tombe de la fenêtre du train en marche. À peine blessé, il longe ensuite les rails en pyjama et à pied avant de tomber sur un ouvrier qui l’emmène à un poste de garde-barrière. Il s’avère que le président souffre du syndrome d’Elpénor, trouble qui peut entraîner une confusion spatiale et temporelle et des comportements semi-automatiques. Le lendemain, Paul Deschanel préside toutefois le conseil des ministres. Cependant, la nouvelle s’est déjà répandue et des chansons reprennent même cet épisode.
Son état de santé ne s’améliore pas et le pousse à démissionner en septembre 1920 après sept mois de présidence. Il meurt deux ans plus tard.
Texte Léa Stocky
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