Si certains rois ont marqué l’Histoire par leurs victoires ou leurs réformes, d’autres au contraire sont connus pour leur folie. Démence, tyrannie, meurtre, hallucinations, certains souverains ont terrorisé leurs sujets ou mis en danger l’exercice du pouvoir. Focus sur cinq rois qui restent dans les mémoires pour leur comportement délirant.
Tandis que certains rois semblent agir par vengeance comme c’est le cas pour Ivan le Terrible en Russie, d’autres comme le roi Louis II de Bavière cherchent juste à échapper à leur quotidien grâce à la folie des grandeurs. Si folie ne rime pas toujours avec violence, dans le cadre de la royauté, le pouvoir peut mener aux pires atrocités.
L’empereur Caligula, un tyran à Rome
L’empereur Caligula est aujourd’hui considéré comme l’un des pires tyrans de Rome. Son histoire est notamment racontée par l’historien antique Suétone. Caligula naît en 12 après J.-C. Sa famille est tuée par l’empereur Tibère, grand-oncle du jeune homme, à qui il succède à sa mort en 37. Caligula est décrit comme une personne mégalomane, perverse, ivre de sang et de pouvoir. Il était cruel envers les citoyens romains et les sénateurs, dont il dénonçait le pouvoir. En effet, sa pratique démagogique du pouvoir ne considérait aucun intermédiaire entre lui et peuple. On raconte par exemple qu’il serait à l’origine d’assassinats de sénateurs et de tortures envers des magistrats. Un jour de grande chaleur dans un amphithéâtre, il aurait interdit de déployer le vélum, une grande toile qui permet de protéger les spectateurs du soleil. Il aurait également défendu à quiconque de partir. On lui reproche aussi sa vie sexuelle dépravée et ses relations incestueuses avec sa sœur Drusilla qu’il traitait comme une impératrice. Enfin, Suétone a rapporté que Caligula voulait nommer son cheval Incitatus consul, insulte suprême envers les sénateurs et leur travail. En 41, un peu moins de quatre ans après être devenu empereur, des tribuns de la garde prétorienne, une unité d’élite de l’armée romaine, l’assassinent.
Cependant, il existe peu de preuves de ses agissements, hormis les récits qui en ont été faits. En raison de ses mauvaises relations avec le Sénat, il est très possible que les rumeurs sur l’empereur aient été colportées dans le but de lui nuire.
Charles VI, un règne instable
Charles VI naît en 1368. Lorsque son père le roi meurt en 1380, il n’a que 12 ans. Ses deux oncles assurent donc la régence en attendant sa majorité. En 1388, le jeune roi les révoque en les accusant notamment de s’être enrichis grâce au rétablissement d’anciens impôts.
S’il est d’abord surnommé le «Bien-Aimé», Charles VI finira par obtenir le surnom «Le Fou». Le 5 août 1392, il fait face à sa première crise de folie. Ce jour-là, il traverse avec ses hommes la forêt du Mans. La troupe croise sur son chemin un illuminé qui crie au roi «Arrête, noble roi, tu es trahi!». Plus tard, alors que Charles VI s’est assoupi en raison de la chaleur, un bruit de lance le réveille en sursaut. Il est alors pris d’une fureur incontrôlable et tue plusieurs de ses compagnons. Selon les versions, il est aussi raconté que c’est le cri du vieillard qui l’aurait réveillé. Six mois plus tard, un nouvel épisode sème le doute sur sa capacité à régner. À l’occasion d’un bal, appelé par la suite le Bal des sauvages ou le Bal des ardents, le roi et quelques princes qui l’accompagnent décident de se déguiser en créatures mythologiques nommées sauvages. Pour ce faire, ils utilisent de la poix – mélange collant à base de résine et de goudron – et des plumes. Un des costumes prend feu à cause d’une torche apportée par le frère du roi, le duc d’Orléans, et un incendie se déclare. Si le roi échappe à la mort, ce n’est pas le cas de quatre des nobles déguisés qui s’enflamment. Charles VI est marqué par ce spectacle choquant et atroce.
Tout au long de sa vie, ses crises s’enchaînent. Pendant celles-ci, il ne reconnaît plus ni sa femme ni ses enfants. Il fait des danses obscènes et dit s’appeler George. Les membres de son entourage doivent recourir à la force pour le laver. Le roi pense également qu’il est fait de verre et qu’il peut se briser à tout moment. Il interdit donc à quiconque de le toucher. Puisqu’il est incapable de gouverner à ces moments-là, son frère le duc d’Orléans le remplace.
Ivan le Terrible, quand la folie se manifeste par la cruauté
Si la folie ou la démence n’impliquent pas nécessairement des meurtres, certains rois n’ont cependant pas hésité à user de violences physiques et psychologiques lorsqu’ils étaient sur le trône. C’est notamment le cas d’Ivan IV en Russie, surnommé «Ivan le Terrible». Au XVIème siècle, la Russie telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existe pas. Il s’agit plutôt d’un vaste territoire occupé par une multitude de peuples. Ivan naît prince de Moscou en 1530 dans la principauté du même nom. Le jeune garçon vit une enfance traumatisante. Il perd son père à trois ans, sa mère lorsqu’il en a huit et grandit entouré de boyards, nom donné aux nobles russes. Cependant, ces boyards vont lui faire vivre un enfer: il est humilié, battu et persuadé qu’il peut être assassiné à tout moment. À 17 ans, il se proclame tsar et devient ainsi la première personne à occuper ce titre en Russie. Pendant son règne, il se livre aux pires actes de cruauté. Emprisonnements, viols, exécutions de masse, tortures à la fois physiques et mentales… Ivan IV ne semble pas avoir de limites. Une de ses plus grandes craintes est la trahison et il punit les personnes qu’il pense être des traîtres. En 1570, il fait massacrer les habitants de Novgorod parce qu’il pensait que les boyards de cette ville conspiraient contre lui. Autre exemple de massacre: Ivan IV a fait enfermer des moines et a lâché des ours sur eux. Pour se défendre, les moines n’avaient qu’un pieu et un chapelet. En 1581, Ivan le Terrible tue son fils aîné et héritier dans un accès de violence à la suite d’une dispute. Il meurt trois ans plus tard à 53 ans.
George III, un enchaînement de crises
Outre-Manche, l’Angleterre a également connu un roi sujet à des crises de folie. George III naît en 1738. De 1760 à 1820, il est roi de Grande-Bretagne et d’Irlande puis du Royaume-Uni à la création de celui-ci en 1801. Son règne est notamment marqué par la révolte des colonies américaines et leur indépendance en 1783. Les premiers symptômes de sa maladie apparaissent dès octobre 1788 lors d’une crise qui dure jusqu’en février 1789. Sa maladie mentale se manifeste par des délires, des hallucinations, des convulsions etc. Il est également raconté qu’il pouvait parler pendant des heures jusqu’à ce que sa bave mousse dans sa bouche. En 1811, son fils le Prince de Galles devient régent. Beaucoup de diagnostics sont posés après sa mort pour tenter d’expliquer son comportement. Une des hypothèses les plus connues est qu’il aurait été atteint de porphyrie, maladie qui peut se traduire par des douleurs abdominales et des troubles psychiques. Certains chercheurs ont également trouvé une dose importante d’arsenic dans ses cheveux, ce qui aurait pu entraîner ses problèmes de santé.
Louis II de Bavière, une vie de rêves
Louis II de Bavière a lui aussi été surnommé le «Roi Fou». Cependant, sa folie est un peu différente. Né en 1845, Louis II devient roi à 19 ans. Il n’a jamais vraiment accepté ce rôle et ne se passionne ni pour la vie politique ni pour ses citoyens. Pour échapper à ses obligations, il se réfugie dans un monde imaginaire et exalté. Il idolâtre Richard Wagner et décide donc de financer les nouveaux projets du compositeur qu’il aime d’un amour passionné. Le roi se fascine pour de nombreuses légendes et histoires et s’identifie à certains personnages notamment celui de Parsifal de Wagner. Louis II est également passionné d’architecture. Il fait construire des châteaux dignes des contes de fées: le château de Neuschwanstein dont l’architecture a inspiré Walt Disney pour le château de la Belle au Bois dormant, le palais d’Herrenchiemsee inspiré de Versailles et le palais Linderhof.
Louis II de Bavière possède une grande imagination, un esprit romantique et rêveur, et un caractère mélancolique. Il a aussi une vision divine de la royauté et de ses origines. C’est un personnage excentrique, également victime de paranoïa. Il dépense beaucoup d’argent pour la réalisation de ses divers projets architecturaux et artistiques. En 1886, ses ministres le déclarent en incapacité de régner et d’exercer le pouvoir en raison de son aliénation mentale. Il est interné au château de Berg situé sur la rive du lac de Starnberg en Bavière. Le lendemain de son internement, il est retrouvé mort dans le lac avec son psychiatre. Des traces de lutte ont été découvertes mais, même à ce jour, personne ne sait vraiment ce qu’il s’est passé.
Texte Léa Stocky
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