virtuel
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Digitalisation

« Le virtuel ne remplace pas le réel, mais est complémentaire »

05.07.2023
par Léa Stocky

Il n’est plus rare aujourd’hui de lire l’affiche d’une exposition proposant une expérience de réalité virtuelle. Depuis quelques années, cette technologie a connu une forte expansion. Afin de comprendre ses rouages, il est temps d’enfiler son casque et de se propulser dans un nouvel univers, celui de la réalité virtuelle. 

Fabien Barati
Co-fondateur et directeur général d’Emissive

Fabien Barati est co-fondateur et directeur général d’Emissive, société créée en 2005 qui a pour objectif de réaliser des expériences virtuelles en utilisant les technologies immersives que sont la réalité virtuelle et la réalité augmentée. L’entreprise s’est spécialisée dans les « expéditions immersives », de véritables aventures à la découverte de notre patrimoine culturel. 

Fabien Barati, comment le secteur des expériences de réalité virtuelle se développe-t-il ? 

Le secteur, dont les acteurs sont les constructeurs d’équipements et les créateurs de contenus, se développe grâce aux évolutions de la technique. Aujourd’hui, de grosses entreprises comme Meta, HTC ou Sony investissent pour généraliser l’adoption des casques de réalité virtuelle. En parallèle, il faut développer des usages et donc des contenus qu’on va pouvoir expérimenter avec ces casques, ce qui est notre rôle. Ils peuvent avoir de nombreuses utilités : divertissement, formation, communication, marketing, prévisualisation ou encore médiation culturelle. 

La réalité virtuelle est utilisée dans le domaine de la culture, grâce notamment à des expéditions immersives qui permettent de mieux comprendre l’histoire et de découvrir des lieux époustouflants qu’on ne découvrirait peut-être jamais en vrai. Dans quelle mesure la réalité virtuelle devient-elle une réelle plus-value dans le domaine
de l’éducation ? 

La réalité virtuelle ne remplace pas d’autres formes d’éducation, elle les complète. Nous remarquons qu’elle permet de contextualiser des savoirs dans lesquels il est souvent difficile de se projeter. Elle nous immerge dans un décor. Nous avons actuellement une expédition immersive nommée « L’horizon de Khéops » à Confluence, à Lyon, dans laquelle le visiteur voyage dans le temps pour rejoindre l’Égypte ancienne et visiter la pyramide de Khéops. La réalité virtuelle permet de marcher dans la pyramide comme si on y était et de rencontrer des personnages eux-mêmes acteurs de ce moment. En attirant des personnes de tout âge, la réalité virtuelle permet de démocratiser la culture. Par le divertissement, on propose une nouvelle forme de médiation culturelle à vivre en famille, entre amis, en couple ou encore entre collègues. 

En 2019, lors d’une exposition au Louvre, vous avez fait revivre la Joconde en trois dimensions. Pouvez-vous nous parler de
ce projet ? 

Ce projet s’appelle « En tête-à-tête avec La Joconde ». Il a été produit par HTC avec le musée du Louvre et réalisé par Emissive. Le but premier était d’emmener La Joconde dans l’exposition du musée consacrée à Léonard de Vinci, dans laquelle le tableau n’apparaissait pas. Nous voulions aller au-delà du simple selfie devant le tableau et faire connaître le modèle, Léonard et son art aux visiteurs grâce à cette expérience d’une dizaine de minutes. En rentrant dans le tableau, on comprend qui elle est, pourquoi elle est habillée comme cela, que dit sa pose et le décor dans lequel elle se trouve. L’aspect narratif est très important. La réalité virtuelle permet de créer une véritable histoire et forge un lien émotionnel entre l’œuvre et le spectateur qui est transporté dans un autre univers. Le virtuel ne remplace pas le réel, mais est complémentaire. Les personnes équipées d’un casque peuvent toujours télécharger l’expérience gratuitement sur internet. 

Pouvez-vous nous parler de tout le travail que nécessite une exposition comme celle-ci ? 

Le travail se divise en deux grandes phases qui nécessitent des compétences très variées. L’après-production concerne la conception du projet : la scénarisation, le travail avec les experts pour savoir quel message on veut faire passer, rapatrier les sources. Cela nous permet d’avoir un cahier des charges précis. Les métiers impliqués sont directeur artistique, scénariste, auteur ou encore designer. 

La deuxième étape est la production. Il s’agit de réaliser les décors, les personnages, les faire parler et les faire bouger. Cette phase comprend notamment les artistes 3D, les animateurs et les développeurs. 

Quelles sont les éventuelles limites de la réalité virtuelle? 

On a tendance à dire qu’en réalité virtuelle on peut tout faire car il n’y a pas de limite dans le casque. On mobilise principalement deux sens : la vue et l’ouïe. L’odorat et le toucher sont très rares, mais c’est possible de les utiliser dans certaines expériences. On a tous envie d’aller encore plus loin et de toucher tous les sens, mais il existe des limites techniques. 

Un autre sens très important avec lequel nous travaillons est la proprioception, qui est notre faculté de connaître la position de notre corps et ses mouvements. On utilise notre corps naturellement en réalité virtuelle, et c’est ce qui fait que l’immersion est décuplée. 

La réalité virtuelle peut également être utilisée dans des buts marketing. Que cherchent à véhiculer les marques en utilisant cette technique ? 

Il s’agit de promouvoir un produit ou une marque en faisant vivre aux gens une expérience de qualité qui transmet les valeurs de la marque et dont le public va se rappeler. 

Comment voyez-vous l’évolution de ces techniques ?  

La réalité virtuelle permet aux entreprises de faire des économies et d’être plus efficaces. Il n’y a donc aucune raison que le développement de ces technologies s’arrête. Pour les musées, on sent qu’il y a une appétence pour trouver un nouveau public. Ils cherchent à exporter les collections hors les murs grâce à des expériences dans le monde entier basées sur l’expertise d’une institution culturelle donnée. Cela leur permet aussi d’avoir un nouveau flux de revenus.

Interview Léa Stocky 

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