digital
IStock/nadla
Digitalisation Éditoriaux

Bien utilisé, le digital représente un vecteur de paix et prospérité !

05.07.2023
par SMA

Prof. Jean-Pierre Hubaux
Directeur académique du Center for Digital Trust (C4DT), EPFL
Co-fondateur de Tune Insight SA

Au cours des dernières décennies, les domaines de l’électronique, de l’informatique et des télécommunications ont connu des avancées absolument spectaculaires. Nous en avons tiré des bénéfices considérables, en matière de productivité et de loisirs notamment. 

Le domaine de l’Intelligence Artificielle (IA) offre des perspectives particulièrement remarquables. Le principe de fonctionnement en est relativement simple : il consiste le plus souvent à alimenter un ordinateur avec un grand nombre de données, de manière à lui apprendre à utiliser ensuite ce « savoir » pour traiter de nouvelles données. Ainsi par exemple, on peut alimenter la machine avec des millions d’images médicales et indiquer pour chacune s’il y a présence ou non de tumeur. Ensuite, on présentera à la machine une nouvelle image en lui demandant s’il y a ou non une tumeur. Par ses capacités massives d’apprentissage, un tel système peut être un outil puissant d’aide au diagnostic.

Mais l’IA va plus loin : des systèmes tels que ChatGPT et DALL-E permettent de « créer » des textes ou des tableaux. Connectés à un système d’impression 3D, la machine pourra également produire des sculptures nouvelles à un rythme surhumain. On peut débattre à l’infini pour savoir s’il s’agit là de vraies créations ou non, mais le fait est que ces productions vont envahir notre quotidien. Les mondes virtuels addictifs, tels que les jeux 3D et les réseaux sociaux, auxquels nos adolescents en particulier consacrent déjà beaucoup de temps, vont également fortement bénéficier de ces techniques.

Tout ceci a des conséquences, positives et négatives. D’une part, nous sommes de mieux en mieux équipés en matière de puissance de calcul et de connectivité pour répondre aux grands défis de notre temps, tels que la modélisation du climat et l’optimisation des ressources énergétiques. De plus, bien utilisé, le digital permet à chacun d’entre nous de s’engager plus facilement dans la vie associative, de nous cultiver et de nous former.

Nous sommes de mieux en mieux équipés en matière de puissance de calcul et de connectivité pour répondre aux grands défis de notre temps

D’autre part, notre dépendance croissante au digital représente une vulnérabilité. Ainsi on observe actuellement un risque d’érosion de la confiance, dû notamment à l’augmentation en nombre et en sophistication des cyberattaques et des fake news, ainsi qu’au risque de cybersurveillance. 

Enfin, le digital concentre le pouvoir dans les mains d’un petit nombre de très grandes entreprises : les GAFAM aux USA et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) en Chine. Ces entreprises offrent des services nombreux et appréciés, mais sont extrêmement difficiles à réguler, tant les services offerts sont complexes. Elles sont parfois concurrentes (par exemple dans la fourniture du service cloud), mais souvent monopolistiques dans leur cœur de métier. Les autorités américaines, qui se voulaient les apôtres des lois anticartel, se montrent très laxistes à l’égard de leurs champions nationaux, probablement pour ne pas nuire à leur rayonnement planétaire.

Bien que disposant de grandes compétences en recherche, l’Europe a clairement raté le coche industriel du digital. Mais l’UE est parvenue à offrir un cadre législatif important et utile par le Règlement Général de la Protection des Données (RGPD), en vigueur depuis cinq ans. En Suisse, la Loi sur la Protection des Données entrera en vigueur en septembre. L’UE poursuit son effort de régulation par le « AI Act », en cours de finalisation au Parlement Européen. Au vu de la complexité du sujet, il reste à voir si cette règlementation est efficace et si elle n’est pas nuisible à la compétitivité européenne.

Face à ces opportunités et ces défis, il est important d’avoir une stratégie à long terme. Ainsi, l’EPFL forme des ingénieurs dans les domaines de l’informatique en général, de l’IA, de la cybersécurité et des systèmes de communication. Il y a cinq ans, nous avons mis sur pied le Centre pour la confiance numérique (C4DT.epfl.ch) pour fédérer l’écosystème sur ce sujet. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLE PRÉCÉDENT
ARTICLE SUIVANT