réinventer la ville d’aujourd’hui pour un futur plus durable
Archiplein-LeoFabrizio
Smart City

Réinventer la ville d’aujourd’hui pour un futur plus durable

26.02.2024
par SMA

Le secteur du bâtiment, responsable aujourd’hui de 43 % des consommations énergétiques annuelles, compte 8 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) attribuées à l’industrie du ciment. Ces chiffres sont importants, mais n’oublions pas que nous passons une très grande partie de notre journée dans un bâtiment et que nous avons tous besoin d’un logement. Ainsi, la dépense d’énergie est inévitable, reste à évaluer dans quelle proportion elle est insoutenable.

Depuis les années 50, la production urbaine s’emballe pour des solutions reproductibles, accessibles, omniscientes. Ainsi, fut la grande force du béton armé, facile à produire – la recette est simple, la matière première diffuse -, facile à mettre en œuvre – liquide, le béton prend la forme que l’on souhaite – et indifférent à l’environnement – résiste à l’eau, aux écarts de climat. Mais désormais, trop énergivore et grand émetteur de CO2, il est temps de remercier le « tout » béton armé pour les années d’indolence qu’il a offert, il est temps qu’il cède sa place… Mais à quoi ? Son substitut miracle qui fonctionne pour tout et tout le temps n’existe pas. Il est alors nécessaire d’agir avec nuances, de proposer des solutions hybrides, d’employer des matériaux plus exigeants, des matériaux naturels vraisemblablement, mais surtout d’opérer un déplacement de valeurs. Faisons l’hypothèse que la ville existante est à envisager comme un « gisement » où ce qui est – facile, rapide, reproductible – s’estompe au profit de ce qui sera – sobre, hospitalier et pérenne-.

La qualité de vie au centre de la ville de demain

Proposons deux axes d’évolution du paradigme de l’aménagement du territoire en général et de la construction – infrastructures et bâtiments – en particulier qui permettraient de se projeter plus sereinement dans la ville de demain. Un premier glissement de valeurs serait de considérer le potentiel d’une rue, d’une place ou d’un bâtiment, non pas à travers le prisme de sa parfaite adéquation à un usage et programme particulier, mais plutôt à travers son potentiel culturel, sa désirabilité et le bien-être qu’il procure. Le grand dôme du pavillon Sicli illustre bien le propos, il ne répond à aucune des conditions idéales pour accueillir des évènements culturels, on a trop froid, on a trop chaud, on est ébloui et pourtant quel plaisir d’y séjourner quelques heures. Par extension, la ville désirable de demain ne sera peut-être pas la plus pratique, celle où l’on se déplace le plus vite, celle où l’on consomme des biens et des loisirs, mais celle où l’on se sent bien, où l’on trouve des refuges quand il fait trop chaud, celle où l’on croise son voisin, celle où l’on rencontre l’altérité. Ainsi, la ville de demain saura inventer le lien fragile entre la ville, l’architecture et l’environnement au sens large. Ce printemps, la fondation Pavillon Sicli se saisie de la notion de l’hospitalité des villes, via l’exposition « Soutenir ». Cette manifestation – exposition, tables rondes et visites guidées – interroge l’histoire des lieux et des architectures qui nous tiennent et nous soutiennent, plutôt qu’ils nous détiennent ou nous contiennent. Finalement, la ville de demain pourrait tout simplement être une ville hospitalière et accueillante. 

La ville du futur est une ville qui dure 

Un second glissement de valeurs pourrait se focaliser sur les potentiels de la matière construite. Un bâtiment peut être rénové ou démantelé et devenir un gisement de matériaux de réemploi. Ici, encore, l’omniprésence du béton armé dans les constructions de la seconde moitié du 20e siècle freine le réemploi massif et l’acte de « spoliation » jusqu’alors usuel. Pourtant, un consensus s’esquisse autour de la nécessité de l’économie des ressources telles que la matière première, le sol et l’énergie. Un matériau réemployé produit incontestablement moins de CO2 qu’un matériau créé, aussi performant et intelligent soit-il. De ce fait, un glissement de valeurs pourrait être de se focaliser sur les potentiels de tout type d’interventions construites comme futurs gisements de matériaux. En somme, de concevoir aujourd’hui un édifice pour qu’il puisse être une source de réemplois aisées pour demain. Comme illustration, prenons les quatre immeubles en pierre massive du quartier des Sciers à Plan-les-Ouates, aujourd’hui, 68 logements, demain, ils représentent une carrière de 10 000 blocs de pierres taillées. Dans ce cas précis, construire en matériaux naturels est d’une part l’occasion de questionner le mode de production actuel du bâtiment à l’aune des problématiques environnementales et climatiques mais aussi de chercher des alternative possibles qui visent à répondre à l’urgence de la refonte des modèles actuels et de s’inscrire dans un continuum des cultures du bâti et savoir-faire constructifs et culturels. En effet, les matériaux industriels, même ultra performants, sont dépendants de l’énergie fossile, tandis que les matériaux naturels découlent d’une temporalité qui, malgré nos efforts d’abstraction, dépasse notre compréhension – qu’il s’agisse du temps nécessaire au renouvellement d’une exploitation forestière ou de celui du temps géologique d’une carrière. En écho à ce constat, un bâtiment devrait être construit pour toujours, presque indépendamment de sa fonction première. Il devrait pouvoir résister au temps et se soumettre aux évolutions nécessaires ou se laisser dépecer au bénéfice de nouvelles constructions.

Une grande diversité de glissements de valeurs, de nouvelles démarches et expériences que l’on peut observer sur le territoire démontrent leurs potentiels et leurs crédibilités. Elles font preuve de perpétuelles adaptations et de micro-innovations aux grés des blocages institutionnels et contraintes normatives, souvent sourdes aux nouvelles aspirations et désirs collectifs.

Texte Marlène Leroux, Architecte, partenaire Atelier Archiplein & Présidente de la commission de programmation Fondation Pavillon Sicli

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