« l’innovation, c’est ne jamais oublier de réfléchir »
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« L’innovation, c’est ne jamais oublier de réfléchir »

14.03.2024
par Léa Stocky

La construction de demain est une construction urbaine, tel est le constat que font Olivier Cochard et Perrine Bruyas. Dans cette interview, deux des associés de Tekhne SA nous expliquent donc pourquoi leur métier est plus important que jamais : il faut réussir à coordonner tous les acteurs des projets architecturaux pour développer un bâti intelligent, durable et qui s’implante parfaitement dans son espace. 

Olivier Cochard

Olivier Cochard
Associé Tekhne SA

Perrine Bruyas

Perrine Bruyas
Associée Tekhne SA

Tekhne SA est une société de services qui accompagne les maîtres d’ouvrage, les architectes et toutes les parties prenantes des projets de construction. Spécialisée dans le management des projets, elle est implantée sur quatre sites : Genève, Lausanne, Fribourg et Berne. Elle a fêté l’année dernière sa vingt-cinquième année. 

Olivier Cochard et Perrine Bruyas, quelles sont les missions de Tekhne ? 

Notre rôle principal est la gestion de projets. Nous mettons en œuvre une organisation adaptée aux projets et nous nous assurons d’identifier et de solliciter les compétences nécessaires. Ensuite, nous pilotons et gérons toute cette équipe. 

Nous travaillons sur des ouvrages d’une certaine envergure et/ou d’une certaine complexité. Par complexes, c’est par exemple le nombre important d’acteurs sollicités sur un même projet, et ce peu importe sa taille et son budget. Nous comptons les maîtres d’ouvrage, les architectes et urbanistes, les autorités, mais aussi les utilisateurs et futurs usagers, et tous les spécialistes nécessaires aux spécificités du projet.

Avec qui travaillez-vous ? 

En interne, nos collaborateurs sont architectes ou ingénieurs de formation, mais aussi directeurs de travaux avec une excellente connaissance du terrain. Certains sont également économistes de la construction et permettent de consolider les compétences en la matière au sein du bureau. 

Nous développons beaucoup de partenariats, que ce soit avec des architectes, des bureaux d’ingénieurs ou des spécialistes divers et variés. La complexité dont nous parlions nécessite de plus en plus de collaboration et de coordination. Nous nous démarquons grâce à notre capacité à coordonner des équipes qui sont extérieures à notre entreprise. La cohésion d’équipe est pour nous centrale : nous cherchons avant tout à faire avancer tout le monde dans le même sens pour le bien d’un projet. 

Nos clients sont variés : il s’agit de tous ceux qui ont des projets de construction, tels que les investisseurs privés ou publics, les collectivités publiques, les organisations internationales, les propriétaires institutionnels comme les banques et assurances. Ces dernières ont des parcs immobiliers conséquents qui devront être rénovés dans les années à venir, notamment pour raisons énergétiques.

Pouvez-vous nous parler plus en détail de vos chantiers et du travail que cela nécessite ? 

Sur les quatre sites, nous avons une quarantaine de projets en cours, qu’ils soient en phase d’étude ou en phase de chantier.  

À Lausanne par exemple, nous avons tenu le rôle de planificateur général pendant la phase d’exécution du nouveau campus de l’Ecole hôtelière, qui est un projet de très grande envergure. Nous avons aussi contribué à construire la nouvelle passerelle de la gare de Renens. Si ce chantier est beaucoup plus petit, il a nécessité une coordination beaucoup plus complexe avec notamment les CFF, les TL et les Communes. 

Avenue Eugène Rambert, Lausanne, surélévation de 4 niveaux d’un immeuble de logements.Maître d’ouvrage : Bâloise Assurance. Architecte : Magizan SA, Lausanne. Prestations Tekhne : Coordination générale et Direction des travaux. Photographe : Dom Smaz

Avenue Eugène Rambert, Lausanne, surélévation de 4 niveaux d’un immeuble de logements. Maître d’ouvrage : Bâloise Assurance. Architecte : Magizan SA, Lausanne. Prestations Tekhne : Coordination générale et Direction des travaux. Photographe : Dom Smaz.

Notre travail consiste donc d’abord en une phase d’organisation, le client a besoin de soutien pour piloter le déroulement du projet : il faut aller chercher les compétences, étudier le déroulement des travaux, estimer les coûts nécessaires etc. Il y a aussi tout l’aspect légal à respecter. L’intérêt de notre métier est de mettre en cohérence le tout sachant que tous les métiers que nous côtoyons tendent à se spécialiser. Nous avons le rôle du chef d’orchestre d’un orchestre symphonique. 

Quel est l’état actuel du secteur du bâtiment suisse ? 

Actuellement, il y a beaucoup d’instabilité dans le secteur. Les projets sont arrêtés puis redémarrés. On sent que, pour les maîtres d’ouvrage, les prises de décisions sont plus complexes à prendre qu’il y a dix ou quinze ans. Les clients ont aussi plus de mal à se projeter, car les prix ont augmenté en raison de l’inflation. 

Tout cela, mêlé aux préoccupations écologiques, nous fait dire qu’il y aura certainement de nombreux bouleversements à venir dans le secteur suisse de la construction, nous ne savons pas encore lesquels, mais nous avons les outils pour les surmonter.

Le secteur du bâtiment est l’un des plus grands consommateurs de CO2. Quelles sont les solutions pour le rendre plus durable ? 

La première chose à faire est de réfléchir et de se poser
les bonnes questions. 

Il y a beaucoup d’innovations, mais toutes ne sont pas  forcément synonymes d’avancées dans le secteur de l’environnement. La domotique a par exemple le vent en poupe. Mais avant de vouloir refroidir un bâtiment en été, on devrait d’abord faire attention à ce qu’il s’échauffe moins, par exemple en se protégeant du soleil, en évitant la création d’ilots de chaleur, etc. 

Ensuite, les matériaux constituent un enjeu énorme. Cependant, une fois encore, avant de se lancer trop vite, il faut réussir à se poser pour garder une vue globale. Si le bois est considéré comme un matériau plus durable que le ciment, n’utiliser que ce matériau ne serait pas très rationnel non plus. On observe aussi un retour en force du bois dans la structure porteuse des bâtiments, plutôt qu’en façade, car son utilisation à l’abri des intempéries est plus durable. 

La tendance qui se renforce aussi de plus en plus est celle de considérer tous les déchets que l’on produit comme des matériaux. Cela commence déjà par le fait de récupérer la matière extraite des excavations par exemple. Nous allons certainement devoir inventer des filières qui n’existent pas encore aujourd’hui pour certains matériaux.

Enfin, nous pouvons aussi imaginer réutiliser des éléments finis de construction, tels qu’une porte ou une cuisine par exemple. Mais cela pose aussi d’autres questions, comme celles du respect des normes atuelles ou même s’ils ont la même valeur que du neuf. Finalement, c’est toute une façon de penser qu’il faut changer. 

Comment intégrez-vous le respect
des normes environnementales dans vos projets de construction ? 

Les sujets de la durabilité et de la rénovation énergétique sont aujourd’hui soumis à des effets de mode et passablement de greenwashing. Ceci dit, en tant que professionnels de la construction, nous avons une mission : réfléchir avant de nous lancer tête baissée dans une demande qui ne fait que suivre la tendance. Par exemple, une directive qui demanderait de mettre des panneaux solaires sur toutes les façades, y compris la façade nord n’aurait pas de sens. Nous pouvons au contraire nous pencher sur l’examen de toutes les options et la recherche d’autres économies d’énergie, telles que la réduction des besoins. Il faut savoir prendre du recul pour voir la situation dans son ensemble, et c’est bien là tout l’intérêt de nos missions. 

Comment gérez-vous les aspects sociaux de la durabilité, tels que l’inclusion et l’accessibilité, dans vos projets architecturaux ?

Les normes régissent déjà la plupart des questions d’accessibilité. Concernant les questions sociétales, elles se discutent en général avec le client notamment avec les collectivités et les investisseurs privés qui vont garder et exploiter leurs immeubles longtemps. Par exemple, dans l’une des écoles que nous construisons à Genève, le client se demandait si les toilettes devaient être genrées ou non. Mais au-delà d’une réponse à ces questions actuelles, notre rôle est de proposer des solutions qui permettent le choix, la flexibilité et l’évolution dans le temps. 

La rénovation des bâtiments est un sujet de plus en plus d’actualité, pourquoi ? 

Généralement, la rénovation est une demande des clients. Notre rôle est de comprendre les besoins, et de les conseiller. Nous leur montrons parfois un panel de propositions avec une vue globale et sur le long terme et le choix ne sera pas forcément celui qui était pensé au départ. Généralement, lorsqu’un bâtiment existe et qu’il est en plutôt bon état, il est préférable de chercher à le réutiliser autant que possible. Mais il est vrai que si l’immeuble a été construit au mauvais endroit ou s’il est trop petit, il faudra peut-être plus raisonnablement le démolir. Nous avons une approche au cas par cas. 

Ce qui serait innovant dans nos métiers, c’est de pouvoir concevoir des bâtiments qui permettent une flexibilité et un changement d’affectation dans les 20, 30 ou 40 prochaines années, tout en gardant le cœur du bâtiment. Il faut en effet réussir à voir plus loin que les besoins immédiats pour envisager une possible future utilisation. En Suisse, de nombreux immeubles de bureaux se sont vus abandonnés dans les villes, remplacés par d’autres lieux de travail souvent mieux placés. Il devient donc intéressant de penser à les reconvertir en logements par exemple. 

Quels facteurs considérez-vous comme étant les principales causes de la pénurie de logements ?

La principale cause est l’accroissement de la population. Les modes de vie changent aussi, les familles décomposées occupent deux logements au lieu d’un seul. La surface occupée par une personne dans un logement augmente aussi chaque année : une personne occupe désormais plus du double de surface de ce qu’elle occupait dans les années 1950. Les nouveaux modes de travail entraînent également des changements. Avec le télétravail, on a envie de logements un peu plus grands. 

De plus, le territoire en Suisse est relativement exigu. On ne peut pas construire partout et on doit veiller à protéger les espaces naturels. Ce n’est pas en déclassant des zones agricoles qu’on va régler le problème sur le long terme. 

La solution se trouve peut-être dans le fait de penser à habiter les villes autrement. Cela nous mène par exemple à revaloriser des endroits délaissés tels que les friches industrielles et à réfléchir comment y vivre et y habiter mieux. Cela représente un véritable défi, et c’est là que nous entrons en jeu : étant chargés de l’organisation des projets, nous coordonnons et pilotons tous les acteurs qui auront la capacité d’effectuer cette transformation. 

Les surélévations sont aussi une bonne solution pour lutter contre la pénurie de logement sans étendre l’emprise du bâti.

Enfin, on observe aussi une certaine lenteur politique en ce qui concerne la planification. Or, les grandes mesures viennent toujours des décideurs. Les 35 mesures du Conseil Fédéral apporteront peut-être des solutions concrètes !

Avez-vous de nouveaux projets ? 

Nous avons plusieurs nouveaux projets. Si nous devions n’en citer qu’un, peut-être celui du nouvel Hôpital des enfants de Genève dont les études démarrent. Ce projet est complexe, avec une multitude de collaborateurs concernés. Situé en plein cœur de la ville, il nécessitera l’intégration d’un grand hôpital dans un environnement déjà urbanisé, au milieu de nombreuses installations hospitalières voisines. Cette complexité d’organisation et de planification illustre bien notre champ d’action et notre domaine de compétences.

www.tekhne.ch

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