Pourquoi pense-t-on qu’il existe des métiers réservés aux hommes? Quels défis rencontrent les femmes qui souhaitent s’imposer dans un secteur dans lequel les femmes sont sous-représentées?
Après avoir réalisé un bachelor en communication, ethnologie et géographie à l’Université de Neuchâtel, la lausannoise Cassandre Berdoz est devenue cheffe de projet pour une agence de communication. Aujourd’hui, à 27 ans, elle est aussi la guette de la Cathédrale de Lausanne, un métier qui, depuis le Moyen Âge, était réservé aux hommes.
Cassandre Berdoz, vous êtes récemment devenue la guette de la Cathédrale de Lausanne. Mais qu’est-ce qu’un.e guet.te exactement?
Au Moyen Âge comme son nom l’indique, un guet devait guetter sur la ville et signaler les départs d’incendie, sonner les cloches chaque heure et les crier. L’automatisation, l’électrification et l’arrivée des pompiers ont mis fin au métier de guet à travers l’Europe. Néanmoins, à Lausanne, cette tradition est restée un patrimoine immatériel de la Ville. Ainsi, encore aujourd’hui, de 22h à 2h du matin, le.a guet.te crie les heures, veille sur les habitants.es et organise des visites de nuit pour partager cette tradition avec les visiteurs.
La société dans laquelle nous vivons est pleine de stéréotypes et de préjugés.
Pourquoi avez-vous choisi d’assumer ce rôle?
J’ai toujours été passionnée par ma ville. En 2007, j’ai participé au spectacle de la réouverture du portail peint de la Cathédrale. J’ai découvert la loge du guet et j’ai eu le déclic: je devais devenir la guette de Lausanne. Plus tard, s’est calquée à ce rêve une dimension plus engagée et symbolique. Je suis fière d’avoir pu réaliser un rêve d’enfant et d’avoir l’honneur d’être la première femme en haut du beffroi. À ma façon, je crie pour toutes celles qui ne le peuvent pas.
Aujourd’hui, on pense encore que certains métiers sont plutôt réservés aux hommes. Pourquoi? Qu’en pensez-vous?
La société dans laquelle nous vivons est pleine de stéréotypes et de préjugés. Des fois sans en être conscient.es, on perpétue des gestes et des dires qui ont un réel impact sur l’évolution des femmes et des hommes. Ces soit-disant différences ne sont pas innées, mais malheureusement acquises. On dit parfois: «les femmes sont plus minutieuses, mais aussi plus sensibles et ne seraient donc pas à l’aise en occupant un poste avec d’importantes responsabilités», «les hommes sont plus solides et mettent leur carrière avant leur vie de famille, ils doivent donc être haut placés pour utiliser au mieux leur potentiel». Malheureusement, je pense que nous sommes éduquées pour coller à cette pensée…
Selon vous, qu’est-ce qu’une femme moderne en 2021?
C’est avoir confiance en soi, en ses capacités et compétences, ne pas avoir peur d’essayer, de proposer des idées. Je pense que cela signifie aussi ne pas s’oublier et devenir une personne que nous ne sommes pas. Il y a toujours une première à tout et il ne faut pas s’arrêter à «Ah, je ne vais jamais être engagée parce qu’ils ne voudront pas d’une femme et privilégieront un homme». C’est en persévérant qu’on ouvre des portes pour les suivantes et que les choses bougent.
Mère et grande passionnée de cuisine, Hanny Weissmüller est aussi la première femme présidente de l’association des mécaniciens de locomotive. Bien installée dans un univers considéré comme très masculin, la valaisanne donne des conseils aux femmes qui aimeraient exercer un métier dans lequel les femmes sont sous-représentées.
Hanny Weissmüller, pourquoi avez-vous choisi de devenir pilote/mécanicienne de locomotives?
Mon grand-père et mon père travaillaient déjà dans les locomotives et toutes les histoires dans la famille tournaient autour des trains. Toute jeune, j’ai donc décidé que je voulais en conduire. Mon père voyait cela d’un mauvais oeil car, selon lui, je devais exercer un «vrai métier». J’ai donc poursuivi une carrière dans le secteur de la comptabilité et de l’administration. Ce n’est qu’à 40 ans que j’ai décidé de passer tous les tests nécessaires pour devenir mécanicienne de locomotive.
Aujourd’hui, on pense encore que le secteur dans lequel vous êtes active est plutôt réservé aux hommes. Qu’en pensez-vous?
Les gens pensent encore que le travail de mécanicien de locomotive est un métier très technique qui demande de la force physique. Néanmoins, aujourd’hui, une bonne partie de la mécanique a été remplacée par l’électronique. Une femme peut donc aussi l’exercer sans problèmes.
En tant que femme, quels défis avez-vous rencontrés dans votre carrière professionnelle?
Le seul défi que j’ai rencontré concerne les préjugés de mon entourage au sujet de mon métier.
Vous êtes également la première femme à la tête du personnel de locomotives au sein du Syndicat du personnel des transports (SEV). Quels sont les enjeux liés à ce rôle?
Mes collègues me demandent souvent: «Vas-tu seulement représenter les intérêts des femmes auprès des entreprises?». Je réponds simplement que je ne représente ni les hommes ni les femmes, mais un métier. Ce que je demande, ce sont des améliorations des conditions de notre métier et une meilleure reconnaissance auprès des employeurs.
De manière générale, pensez-vous que l’on donne aux femmes tous les moyens nécessaires pour s’épanouir dans n’importe quel métier?
Je pense que nous sommes encore confrontées à des inégalités. Pour le même emploi, une femme n’est souvent pas rémunérée comme un homme qui rencontrera moins d’obstacles dans sa carrière. Il faut, dès le plus jeune âge, aussi bien à l’école qu’en famille, encourager filles et garçons à choisir le métier qui correspond avant tout à leurs aptitudes et intérêts.
Que diriez-vous aux femmes qui voudraient exercer un métier dans lequel les femmes sont sous-représentées?
N’ayez pas peur! Quand on fait un métier qu’on aime, peu importe que l’on soit une femme ou un homme. Faites ce que le coeur vous dit! Il est absolument primordial de s’épanouir dans son travail, cela se ressentira aussi bien dans l’exercice de votre profession que dans la sphère privée.
Interviews Andrea Tarantini
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