swissness : un gage de qualité établi au fil du temps
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Suisse

Swissness : un gage de qualité établi au fil du temps

06.10.2024
par Léa Stocky

Une croix blanche sur un fond rouge associée à une montre et, d’emblée, on se dit que cette montre doit être de très bonne qualité. Mais que se cache-t-il derrière la marque Suisse ? Pourquoi les produits « Swiss made » sont-ils gages de qualité et pourquoi leur fait-on autant confiance ?

Premièrement, l’histoire. Il est bien connu que plus on pratique, plus on devient doué. Prenons l’exemple de l’horlogerie.

Aux origines de la montre suisse

L’horlogerie suisse naît au milieu du XVIe siècle à Genève lorsque le réformateur Jean Calvin prend la décision de bannir les objets ornementaux. Forcés de se réinventer, les joailliers se tournent vers l’horlogerie. L’histoire qui suit est faite de rencontres, d’échanges de savoir-faire et d’avancées techniques. La légende veut que l’industrie horlogère suisse naisse entre les mains d’un jeune artisan jurassien, Daniel Jean-Richard, dit « Bressel ». C’est en effet dans les montagnes jurassiennes que se répand la méthode de l’établissage, véritable témoignage du gage de qualité des horloges suisses. Il s’agit d’une technique de production rigoureuse reposant sur le savoir-faire des artisans qui mettent leur expertise au service de la réalisation de pièces très précises assemblées à la toute fin du processus de fabrication.

Le développement de l’horlogerie suisse est également à chercher du côté de l’influence des Huguenots, ces protestants français qui fuient les persécutions et s’installent en masse en Suisse au début du XVIIIe siècle. N’arrivant pas les mains vides, ils ont dans leur sacoche des innovations venues de leurs terres, mais aussi d’Angleterre et de Hollande.

Une qualité qui a su résister aux crises 

Très vite, les horlogers se font nombreux à Genève. En 1790, 60 000 montres sont exportées depuis Genève. La Suisse compte également son lot d’inventeurs et d’inventions. Ainsi, Abraham-Louis Perrelet est considéré comme l’inventeur de la montre à remontage automatique.

Plus tard, si l’industrialisation du secteur horloger commence aux États-Unis, la Suisse ne tardera pas à se tourner vers d’autres méthodes de production plus standardisées, lui permettant de ne pas perdre la main sur ce secteur si prometteur. La Suisse a en effet toujours réussi à relever les défis inhérents à l’évolution du secteur.

Ainsi, la Grande Dépression de 1929 et le coup d’arrêt de la production voient la création de deux groupes horlogers suisses, la Société Suisse pour l’Industrie Horlogère (SSIH) et l’Allgemeine Schweizerische Uhrenindustrie AG (ASUAG).

Dans les années 1970 et 1980, la crise du quartz, venue du Japon, oblige les horlogers suisses à se réinventer. Les montres en quartz, plus précises, sont en passe de détrôner les montres mécaniques. Cependant, les horlogers suisses ne se laissent pas faire. Les deux groupes horlogers suisses fusionnent pour former le futur Swatch Group et se positionnent sur le marché du quartz. Les marques helvétiques misent également sur le haut-de-gamme, ce qui se révèle être un pari gagnant. L’image de la montre suisse est celle d’un produit de luxe, fier de son histoire pluricentenaire et de son savoir-faire.

Ainsi, grâce à ses grands groupes horlogers et ses marques emblématiques qui se sont développés tout au long du XXe siècle, la Suisse a su rester sur le devant de la scène et bénéficier du regain d’intérêt pour les montres traditionnelles au début du troisième millénaire. Finalement, la qualité a primé sur la quantité et l’horlogerie suisse est ressortie grandie de toutes les épreuves qu’elle a dû surmonter. Peut-être est-ce là la recette du succès du Swiss made : la préservation d’un savoir-faire qui sait se réinventer.

Un contrôle essentiel de la provenance

La certification suisse est née dans l’horlogerie lorsqu’est créé en 1886 le poinçon de Genève, instauré par la République et Canton de Genève. Comme expliqué, Genève acquiert une place majeure dans l’industrie horlogère aux XVII et XVIIIe siècles. L’apposition du nom de la ville sur le mouvement de la montre est gage de qualité supérieure. Cependant, certains fabricants en abusent et utilisent le statut de Genève sur des montres non fabriquées dans la ville, ce que condamne la Société des horlogers de Genève. Afin de prévenir cette usurpation, le Grand Conseil finit par adopter une loi qui permet à un Bureau de contrôle des montres genevoises d’apposer le Poinçon officiel de l’État sur les montres élaborées par des fabricants résidant à Genève.

Dès les débuts, on note donc l’importance de la provenance des produits. S’ils sont de qualité, c’est parce qu’ils sont créés selon un savoir-faire qui dépend d’un pays, d’une région ou d’une ville particulière. Si la loi sur la protection des marques et des indications de provenance a évolué au fil des années, elle trouve son aboutissement le 1er janvier 2017 avec la nouvelle législation Swissness. Cette dernière encadre les critères qui permettent aux marques de se réclamer de l’appellation Suisse, perpétuant ainsi sa valeur et sa qualité.

Aujourd’hui, l’indication de provenance « Suisse » s’est étendue à de nombreux produits, dont dépendent les critères de l’appellation. Ainsi, si ces derniers varient en ce qui concerne les produits naturels, au moins 80 % du poids des matières premières utilisées doivent provenir de Suisse pour les denrées alimentaires, pourcentage qui monte à 100 % pour le lait et les produits laitiers. De même, l’étape de transformation des produits doit se faire en Suisse.

Pour les autres produits, qu’ils soient industriels ou non, au moins 60 % du coût de revient doit être effectué en suisse, de même que l’étape qui donne au produit sa qualité essentielle. Pour les services enfin, le siège de l’entreprise doit se situer sur le sol helvétique et celle-ci doit être administrée depuis la Suisse.

Une législation spéciale pour les montres

Encore une fois, on note le statut particulier des montres. Pour qu’une montre soit suisse, il faut que son mouvement soit suisse et emboîté dans le pays, que le fabricant effectue son contrôle final en Suisse, et qu’au moins 60 % de son coût de revient soit généré dans le pays. Pour sa part, un mouvement suisse est un mouvement qui a été assemblé en Suisse et contrôlé par un fabricant helvétique. Son coût de revient doit être généré à hauteur minimum de 60 % dans le pays, et au moins 50 % de la valeur de l’ensemble de ses composants, à l’exclusion du coût d’assemblage, doit être de fabrication suisse. Il s’agit ici de limiter les utilisations abusives de l’appellation et de maintenir la réputation des montres.

En effet, avec le renforcement de la désignation « Swiss made », la valeur positive associée aux produits suisses, dans le pays mais surtout à l’international, en ressort plus forte que jamais. Certains consommateurs sont prêts à payer 20 % à 50 % de plus pour une montre estampillée suisse, comme l’ont démontré des études menées par l’EPFZ et l’Université de St-Gall. La législation Swissness, bien plus qu’une simple appellation, est finalement un véritable gage de confiance. Une confiance qui s’établit dans les savoir-faire historiques qui ont su se réinventer pour être plus actuels que jamais.

Texte Léa Stocky

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