ville
Développement durable Mobilité

Vers un avenir sans voitures grâce à «la ville en 15 minutes»?

24.01.2022
par Akvile Arlauskaite

Efficace, respectueuse de l’environnement et plus saine – voilà à quoi devrait ressembler la vie urbaine de demain grâce au concept de la ville en 15 minutes. Coup d’œil sur ce scénario d’avenir.

Qu’est-ce qu’une ville en 15 minutes? Tout ce qui est nécessaire à la vie, qu’il s’agisse du lieu de travail, des possibilités d’achat, des autorités ou des offres de loisirs, doit être accessible à pied ou à vélo en 15 minutes depuis son propre domicile. Ce concept a été développé par Carlos Moreno, professeur à l’Université de la Sorbonne à Paris. Il plaide pour le remplacement des villes avec des quartiers d’habitation, de loisirs et de travail séparés par un réseau de quartiers vivants qui réunissent ces domaines et fonctionnent comme une mini-ville à part entière.

Une ville sans voitures promet de multiples avantages

«La principale caractéristique d’une ville en 15 minutes est la brièveté des distances à parcourir sans moteur – principalement à pied ou à vélo», explique Rahel Marti, journaliste spécialisée dans l’aménagement du territoire et l’architecture pour le magazine Hochparterre.

Le fort recul du trafic automobile qui en résulterait promet d’importantes conséquences positives. «En accord avec les objectifs climatiques 2050, les émissions de CO2 diminueraient massivement», poursuit Rahel Marti. Il y aurait moins de pollution atmosphérique et de bruit de circulation, ce qui aurait un effet positif sur la qualité de vie des habitants. La journaliste voit un autre avantage pour la santé: l’augmentation de l’activité physique. De plus, l’individu gagnerait du temps puisqu’il n’aurait plus à faire la navette sur de longues distances.

«Si moins de voitures sont nécessaires parce que l’on parcourt des distances plus courtes, nous gagnons de la place», poursuit Rahel Marti. Sur les routes, il y a plus d’espace pour les cyclistes et les trottoirs pour les piétons peuvent être plus larges. Les rues ainsi réduites pourraient servir de terrains pour le sport et les loisirs le soir et le week-end. Les places de parking supprimées pourraient devenir des jardins et des lieux de jeu ou être utilisées pour la végétalisation de la ville et l’agrandissement des logements.

Il en résulterait également des effets positifs sur le plan social. Selon Rahel Marti, les quartiers d’une ville en 15 minutes, qui ressemblent à des villages, contribueraient en effet à une plus forte cohésion communautaire et à une identification avec le lieu de vie, et donc à ce que l’individu prenne davantage soin de son environnement.

De nombreux défis

La création d’une ville en 15 minutes nécessite une restructuration en profondeur. La taille de la ville joue un rôle déterminant dans ce processus. «Si la mise en œuvre de cette idée est réaliste dans les grandes villes, elle est difficile dans les agglomérations et les villages. Pour une ville vivante en 15 minutes, il faut une une offre suffisante de tout ce qui est nécessaire à la vie quotidienne», fait remarquer la journaliste.

Dans un premier temps, la planification urbaine et les transports doivent être pensés différemment, avec pour objectif de réduire le trafic motorisé. «Pour cela, il faut en premier lieu encourager la circulation à pied et à vélo», constate Rahel Marti. «Le vélo est de plus en plus utilisé. C’est pourquoi l’extension du réseau d’itinéraires cyclables est essentielle. Pour protéger les cyclistes, il est également important de réduire la vitesse sur les routes. Avec une limitation à 30km/h, les voitures et les vélos réussissent à se côtoyer». Les piétons devraient également être davantage pris en compte lors de la planification des itinéraires. «Des chemins piétonniers directs et attrayants, par exemple à travers des quartiers ou des parcs plutôt que le long d’une route principale, incitent les gens à se déplacer plus souvent à pied». Il faut toutefois veiller à ne pas basculer dans l’autre extrême: «Nous ne pouvons bien sûr pas nous passer totalement des véhicules à moteur, ne serait-ce qu’à cause des camions qui approvisionnent la ville en marchandises. Le commerce est en partie tributaire de la voiture et nous avons besoin de place pour les véhicules d’entretien et de secours».

Les surfaces logistiques ou même les rues et les parkings pourraient être accessibles le week-end pour la culture, le sport et les loisirs.

Un autre aspect important est l’optimisation de l’utilisation de l’espace. Aujourd’hui, la plupart des bâtiments n’ont qu’une seule fonction. Afin de proposer une offre aussi large que possible sur un même site, les surfaces devraient pouvoir être utilisées de manière multifonctionnelle. «Selon qu’il fasse jour ou nuit, qu’il s’agisse d’un jour de travail ou d’un week-end, certains espaces sont libres. Si l’on y réfléchit, ils pourraient être utilisés à plusieurs fins en l’espace de 24 heures», explique Rahel Marti. Les surfaces logistiques ou même les rues et les parkings pourraient être accessibles le week-end pour la culture, le sport et les loisirs. De la même façon, les nouvelles constructions pourraient servir aussi bien pour le travail que pour l’habitat.

Le facteur humain représente également un défi central. «Le système de travail en Suisse est fortement axé sur la mobilité pendulaire. Il est tout à fait possible d’habiter à Berne et de travailler à Zurich. En raison des bonnes liaisons entre les villes, la Suisse pourrait même passer pour une ville en une heure», souligne Rahel Marti. Mais cela ne correspond pas au projet de Carlos Moreno. Une solution possible est la flexibilisation du temps et du lieu ainsi que la décentralisation du travail dans les branches où cela est possible, par exemple sous la forme d’un bureau à domicile temporaire.

La popularité croissante des achats en ligne constitue une autre difficulté. Selon Rahel Marti, ce modèle d’achat affaiblit actuellement les efforts en faveur de la ville en 15 minutes. «L’idéal serait de s’éloigner de l’idée de se faire livrer les marchandises sur le pas de sa porte. Pour concilier le commerce en ligne et la ville en 15 minutes, il faudrait par exemple des lieux de retrait, d’essai et d’échange dans les quartiers, peut-être même combinés avec des offres de prêt, c’est-à-dire de partage».

En outre, un changement fondamental est nécessaire dans le domaine des loisirs. Selon la journaliste, les habitants des grandes villes en particulier parcourent des centaines de kilomètres le week-end pour se rendre à la montagne ou dans une autre ville. Pour contrer cela, les villes en 15 minutes devraient offrir des lieux propices à la détente et des possibilités d’activités physiques, de sorte qu’il ne soit pas nécessaire de parcourir de longues distances pour décompresser de sa semaine et vivre de nouvelles expériences.

La ville en 15 minutes – la ville du futur?

Dans l’ensemble, la ville en 15 minutes représente un concept judicieux. «Les villes européennes classiques ont autrefois été construites selon ce principe». Selon Rahel Marti, on observe déjà en Suisse quelques évolutions dans ce sens, comme la stagnation ou la baisse de l’utilisation de la voiture dans les grandes villes – sachant que jusqu’à présent, ce sont surtout les transports publics qui ont augmenté en compensation, et pas encore forcément la marche et le vélo.

Toutefois, on ne sait pas comment les besoins de la population évolueront à l’avenir. «Peut-être que dans 30 ans, nous en serons à un autre point et que nous trouverons la ville en 15 minutes trop contraignante. Mais il m’est difficile d’imaginer une telle évolution pour le moment», résume la journaliste.

Texte Akvile Arlauskaite

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLE PRÉCÉDENT
ARTICLE SUIVANT