En 2022 en Suisse, l’espérance de vie à la naissance était de 85,4 ans pour les femmes et de 81,6 ans pour les hommes. Si de façon globale les gens vivent plus longtemps, encore faut-il rester en bonne santé pour profiter de toutes ces années. Si l’âge apporte avec lui son lot de maladie et de problèmes de santé, une bonne hygiène de vie, une bonne alimentation et une pratique sportive permettent de réduire les risques et de se maintenir en forme, et ce à toutes les périodes de sa vie.

Dr Nathalie Beneroso
Biologiste médicale experte en Alimentation Santé et Micronutrition
Le Dr Nathalie Beneroso est biologiste médicale en biologie fonctionnelle et nutritionnelle, experte en micronutrition et santé, spécialisée dans la biologie « anti-ageing ». Au sein du laboratoire Synlab, elle dirige le centre de biologie fonctionnelle et nutritionnelle de Paris et s’occupe de la formation des biologistes et des médecins dans ce domaine. Dans cette interview, elle nous explique en quoi consiste la médecine nutritionnelle et quels sont ses bienfaits sur le vieillissement.
Nathalie Beneroso, parle-t-on encore de vieillissement ?
Aujourd’hui, on parle davantage d’être acteur de son vieillissement plutôt que de le subir. Une nouvelle médecine, dite de la longévité, peut nous accompagner dans ce processus, car l’enjeu est de taille. Il ne s’agit plus de vivre le plus longtemps possible mais de rester « en forme » et d’entretenir le mieux possible son capital santé : le « well-ageing ».
Quelles sont les causes du vieillissement ?
Les causes sont multiples, de la glycation à l’inflammation, des déficits aux dysfonctionnements. En 2009, le prix Nobel de médecine a récompensé des travaux sur le rôle des télomères et de la télomérase dans le vieillissement. La taille des télomères, protection à l’extrémité des chromosomes, donne un indice de longévité, car globalement leur raccourcissement s’intensifie au cours du vieillissement cellulaire. On remarque que le mode de vie (alimentation, activité physique…) et la micronutrition peuvent aussi influencer les télomères.
Quels sont les troubles fonctionnels qui peuvent prendre de l’ampleur avec l’âge ?
Avec l’âge, on entre dans une phase de « sénescence » ou l’on observe une diminution progressive de nos capacités fonctionnelles ainsi qu’une dégradation de tous nos systèmes, qu’ils soient immunitaire, rénal, cardiaque, articulaire, intestinal ou cérébral. La cinquantaine est une période charnière de fragilisation (ménopause chez la femme) qui fait le lit à de nombreuses pathologies. Plusieurs marqueurs biologiques permettent d’explorer ces processus sous-jacents qui peuvent s’altérer selon notre mode vie.
En quoi ces problèmes de santé peuvent-ils être prévenus par la médecine nutritionnelle ?
Au-delà du mode de vie et de l’activité physique, on a besoin de micro-nutriments pour fonctionner au mieux. Comparons notre organisme à une voiture. Plus il y a de kilométrage, plus elle s’use et nécessite un entretien vigilant. Si l’on n’utilise pas la bonne huile, elle n’ira pas loin. Quand je questionne mes patients de 50 ans ou plus : « Dans votre voiture à essence, mettez-vous du diésel ? » « Sûrement pas » me disent-ils. Pourtant, c’est ce que l’on fait avec notre cerveau si l’on ne mange pas des acides gras Oméga 3 qui sont l’huile du cerveau. Il est possible d’en apporter quotidiennement dans son assiette, tout comme les vitamines et les minéraux essentiels.
En quoi consiste concrètement cette médecine et quels sont ses bienfaits ?
La biologie fonctionnelle et nutritionnelle va apporter des réponses objectives fiables pour évaluer l’état de vieillissement de l’organisme et mettre en place une stratégie personnalisée préservant notre capital santé au quotidien.
Si l’on reprend l’exemple des acides gras oméga 3, ils favorisent un état de bonne santé, une bonne adaptation cardio-vasculaire, métabolique, immunitaire et cérébrale et agissent également sur le raccourcissement des télomères. Leur dosage est indispensable vu leur rôle majeur dans le vieillissement et dans de nombreuses pathologies liées à l’âge.
Existe-t-il donc des aliments ou des façons de manger à privilégier pour prévenir les risques de problèmes de santé liés à l’âge ?
On trouve des Oméga 3 dans les petits poissons gras comme la sardine, le flétan, le maquereau, ou encore dans l’huile de colza, de cameline ou de lin, dans le pourpier…
La surcharge en sucre à l’origine d’une glycation défavorable est une source majeure de vieillissement et d’addiction, c’est pourquoi il est conseillé de choisir des aliments à indice glycémique bas. On peut aussi compter sur le régime alimentaire de type méditerranéen connu pour réduire les fragilités liées à l’âge. On sait que les apports en fruits et en légumes (comme les caroténoïdes) aident à freiner la progression des fragilités et du déclin cognitif par action sur le microbiote, ces bactéries intestinales bénéfiques. On peut également mentionner le jeûne qui stimule la réparation et ralentit le vieillissement.
Quels sont les signes à surveiller qui pourraient indiquer une malnutrition chez une personne de plus de 50 ans ?
À 50 ans, il semble judicieux de repérer les dérives nutritionnelles comme la surcharge en sucre et les mauvaises graisses liées à une alimentation déséquilibrée, d’évaluer les déficits micronutritionnels en minéraux et vitamines et enfin d’identifier les troubles fonctionnels liés au stress de la cinquantaine, aux troubles hormonaux, métaboliques et cellulaires.
Finalement, comment l’alimentation peut-elle influencer la qualité de vie et le bien-être global des seniors ?
Cinquante ans en Europe ou en Afrique ne correspond pas à la même durée de vie en bonne santé au vu des fluctuations alimentaires et climatiques. Cependant, observer les centenaires des « zones bleues » sur la planète nous donne des exemples de vieillissement réussi et donc du « bien vieillir ». Les habitants mangent de façon frugale (alimentation méditerranéenne), chacun reste actif et s’occupe physiquement (jardinage, etc.) en gardant de bonnes relations sociales (contribution dans la communauté). La recette du vieillissement réussi serait donc sans doute de diversifier son alimentation, de rééquilibrer ses micronutriments, de respecter ses rythmes et sa chronobiologie (sommeil et jeûne), de maintenir une activité physique régulière, de gérer son stress et ses pensées positives orientant son fonctionnement vers la réparation et le ralentissement de la croissance (slow ageing).
Quelles sont les dernières recherches ou recommandations en matière de médecine nutritionnelle pour les personnes de plus de 50 ans ?
Il y a de nombreuses pistes comme celle du japonais Shinya Yamanaka, nobélisé en 2012 pour son travail sur les cellules souches, une reprogrammation cellulaire. Il ouvre la voie à des travaux montrant que le processus de vieillissement est un processus réversible. On peut ainsi se demander si vieillir est toujours une fatalité ou une maladie inévitable ?
D’ailleurs la notion de « sénescence » est définie dans la classification internationale des maladies CIM 11. Cette détérioration progressive de notre organisme ne serait-elle pas à l’origine de toutes les maladies ?
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