Est-ce vraiment possible de se reconvertir après 50 ans, uniquement grâce à une formation, sans expérience préalable ? « Absolument ! » affirme Nicolas Wirth, Directeur général de l’ifage. À 56 ans, Régine Demules a su transformer un licenciement en une nouvelle opportunité de carrière. Après plus de vingt ans dans l’esthétique et la parfumerie, elle se retrouve au chômage mais ne baisse pas les bras. Attirée par l’horlogerie, elle décide de se reconvertir et suit une formation intensive de deux ans à l’ifage, à Genève, qu’elle vient de terminer en 2024. Parcours d’une femme déterminée à se réinventer.

Régine Demules
Horlogère
Régine Demules, comment avez-vous vécu la transition et la formation en horlogerie après une carrière dans l’esthétique, et quels défis avez-vous dû surmonter ?
Je n’ai pas fait d’études longues et disposait seulement d’un CAP en esthétique. J’ai eu la chance de bénéficier d’une formation gratuite, entièrement financée par le chômage, alors qu’elle est normalement payante. J’ai dû me remettre à niveau en fournissant beaucoup de travail personnel à la maison. Nous avions des cours pratiques en horlogerie et de la théorie. Après les cours, je rentrais chez moi et révisais, car j’étais très motivée et impliquée. En vieillissant, on assimile les choses moins facilement que les jeunes, il a donc fallu que je reprenne tous mes cours et les apprenne par cœur. J’ai dû faire preuve de patience car au début, c’était un peu difficile.
Si vous n’aviez pas été licenciée, seriez-vous resté dans le domaine de l’esthétique ?
Par confort, oui. Je n’ai pas ressenti ce licenciement comme une épreuve. J’ai plutôt considéré cela comme une opportunité de changer de cap, de me réorienter professionnellement. Je l’ai très bien pris.
Avez-vous déjà eu l’occasion de travailler dans le secteur horloger à la suite de la formation ?
Après avoir passé les premiers modules en 2023, mes camarades de formation et moi avons eu des entretiens avec une agence d’intérim, qui nous a proposé un stage dans une entreprise pendant trois semaines. Durant cette période, nous étions immergés dans le monde professionnel de l’horlogerie, un domaine où je n’avais aucune expérience préalable. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que cela me plaisait. À la suite de ce stage de trois semaines, nous avons commencé à travailler chez Rolex.
Comment avez-vous vécu l’expérience chez Rolex ?
J’y suis toujours. C’est une expérience d’un an renouvelable, et je commence actuellement ma deuxième année car ils ont renouvelé mon contrat. C’est une chance incroyable. Nous bénéficions d’écoute exceptionnelle au niveau du personnel. Les gens sont attentionnés et très gentils. Nous travaillons dans un confort remarquable et avec d’excellents produits.
Était-ce dur de concilier vie de famille et reprise des cours ?
Familialement parlant, c’était compliqué pour tout le monde que je reprenne des cours. Il y avait un confort et des habitudes installées depuis des années qui ont été chamboulés. Avant, je rentrais à la maison, nous échangions beaucoup, nous prenions du temps ensemble et je cuisinais. J’ai dû leur expliquer que pendant au moins deux ans, il fallait un peu m’oublier. J’allais me concentrer sur ma reconversion et il était hors de question que je passe une heure et demie à faire à manger ou à regarder la télévision. Cela a été un peu compliqué et a créé des tensions, même au niveau du couple. Ce n’était pas simple, même pour les jeunes qui faisaient la même formation que moi. Nous étions tous contents de finir et d’avoir du temps pour nous, et nous sommes fiers de nous.
Il y a-t-il des choses que vous regrettez ou que vous auriez faites différemment ?
Non, pas du tout. Cela a finalement fait du bien à toute la famille.
Aviez-vous des appréhensions ou des doutes avant de commencer la formation ?
Non, j’étais très contente. Je suis manuelle. Dès les premiers jours où nous avons commencé à démonter un mouvement, j’ai immédiatement su que cela me plaisait. Ce qui me préoccupait un peu, c’était de me lancer dans le monde professionnel sans savoir à quel point la production serait intense. Je me demandais si je pouvais supporter la pression du travail. Finalement, tout s’est bien passé. Je suis enchantée et je ne regrette absolument pas ma décision.
Quelle était la moyenne d’âge en classe ?
Entre 25 et 30 ans. J’étais la doyenne mais je me sentais à l’aise car je suis entourée de jeunes à la maison et j’ai des amis de différentes générations. Pour moi, l’âge n’était pas vraiment un obstacle, même si je ressentais parfois un décalage.
Dans les médias, il est souvent montré que, lorsqu’une femme dépasse un certain âge, il est plus difficile pour elle de retrouver un emploi…
Oui, je pense que cela est plus difficile car la priorité est donnée aux jeunes, ce qui est tout à fait normal. Cependant, mes employeurs me disent clairement qu’ils ont besoin des seniors pour leur expérience et leur flexibilité d’esprit. Nous sommes différents. Par exemple, nous faisons très attention à l’absentéisme, tandis que les jeunes sont peut-être moins attentifs à ce genre de choses (rires). Au niveau de l’entente professionnelle, je ne me sens pas mise à l’écart. Bien sûr, lors d’un recrutement, je pense qu’un recruteur choisira une personne plus jeune. En ce qui concerne les salaires, un senior coûte aussi plus cher. Mais je suis vraiment positive car je m’aperçois que sur le marché du travail, si on est motivé et qu’on aime ce qu’on fait, cela se ressent. Je crois en mon parcours professionnel et je suis sûre qu’il y a de la place pour tout le monde. Je reste confiante, même à 56 ans et en reconversion. Je n’ai pas envie de partir à la retraite trop tôt. Je me vois bien travailler jusqu’à 65 ans, voire plus, peut-être avec un horaire différent.
Quels sont les aspects de votre nouvelle carrière que vous aimez le plus ?
On se crée assez rapidement un réseau où les échanges sont nombreux. Cela change beaucoup pour moi, car après des années en parfumerie, je suis très contente de découvrir un autre domaine et de rencontrer de nouvelles personnes. La parfumerie et les soins sont très intéressants, mais on y rencontre toujours le même monde.
L’horlogerie est un milieu différent où j’aurais plein d’opportunités et rencontrerai d’autres personnalités. Je pourrais travailler sur des cadrans, sur les mouvements d’une montre ou sur des aiguilles. Il y a aussi une grande satisfaction à travailler avec 130 petites pièces et de se dire qu’après trois heures, on peut monter une montre.
Quels sont les conseils que vous donneriez à des personnes comme vous qui souhaiteraient effectuer une reconversion professionnelle ?
Il ne faut ni hésiter ni attendre. Aujourd’hui, il est rare de ne pas connaître le chômage au moins une fois dans sa vie. Il ne faut pas le prendre de manière négative, mais comme une opportunité. Rien n’arrive par hasard. Si l’on a envie de faire autre chose ou de suivre d’autres formations, il ne faut pas rester dans sa zone de confort, il faut les entreprendre. Toutes les personnes qui ont été en reconversion me disent la même chose : elles sont contentes de leur nouvelle vie professionnelle et regrettent de ne pas l’avoir fait plus tôt.
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