« Le but de la gériatrie n’est pas de faire vivre les gens le plus longtemps possible à n’importe quel prix, mais dans le meilleur état de santé possible ». Formée en gériatrie, Nicole Doser est médecin à l’hôpital de Morges. En 2014, elle y créé une unité de soins aigus aux seniors dans laquelle sont soignées les personnes atteintes de problèmes fonctionnels ou cognitifs.
Dans cette interview, elle montre en quoi l’intégration sociale et l’autonomie sont déterminantes dans la qualité de vie des personnes âgées.
Nicole Doser, de façon générale, quel est l’état de santé des personnes âgées en Suisse ?
Une étude de 2018 montre que 85 % de la population des plus de 65 ans se dit en bonne santé, 15 % en détresse psychologique moyenne ou élevée et 13 % présente des limitations légères ou complètes. En 2021, l’espérance de vie pour les hommes était de 81,6 ans et de 85,7 ans pour les femmes. L’espérance de vie en bonne santé était quant à elle de 69,8 ans pour les hommes et de 70,8 ans pour les femmes.
Quelles sont les maladies non-transmissibles qui touchent le plus les personnes âgées ?
Les plus fréquentes sont les maladies cardio-vasculaires, qui sont la première cause de décès et la troisième cause d’hospitalisation, dans lesquelles on peut également compter le diabète et l’arthrose. Pour les décès en 2020, la deuxième cause est le cancer, la troisième la Covid-19 et la quatrième la démence.
Existe-t-il des différences entre les femmes et les hommes ?
En ce qui concerne les maladies cardio-vasculaires, les femmes sont moins touchées que les hommes avant leur ménopause, puis les chiffres se rejoignent. Les cancers liés au tabac concernaient davantage les hommes, tandis qu’aujourd’hui ils sont de plus en plus fréquents chez les femmes. Les données sont toutefois à nuancer. En effet, les femmes vivent plus longtemps, il y a donc une plus grande proportion de femmes atteintes de maladies, ce qui fausse un peu les chiffres.
Quelle est l’influence de ces maladies sur la qualité de vie des personnes ?
L’arthrose et les maladies cardio-vasculaires ont une atteinte fonctionnelle, avec pour conséquence une perte de muscle et une difficulté à se déplacer. Toutes les maladies ont d’abord un impact sur un organe, avant d’atteindre tout le corps, pour ensuite avoir des répercussions sur l’état fonctionnel et la vie sociale des individus.
Un certain nombre de critères nous permettent d’évaluer l’autonomie d’une personne à la maison. Les limitations fonctionnelles concernent les six activités de la vie quotidiennes qui permettent de vivre seul chez soi. Il s’agit par exemple de rester continent, d’aller aux WC, de sortir de son lit, de s’habiller ou de manger. On compte aussi les huit activités de la vie quotidienne instrumentale telles que les courses, les finances, le transport, les repas, la gestion des médicaments, le téléphone ou encore la lessive.
Comment réussir à conjuguer autonomieet problèmes de santé ?
En 2045, il y aura 2,5 millions de personnes de plus de 65 ans et un million de plus de 80 ans. Le fait de vieillir ou non en bonne santé résulte d’un parcours individuel et de caractéristiques personnelles. Cela dépend des maladies qu’on peut accumuler et de nos habitudes de vie. En 2010, une motion nommée Via a été mise en place afin de promouvoir une image positive de la vieillesse et de prévenir les différents risques, tels que les chutes.
Au niveau de la prévention, il faut privilégier l’activité physique, et si possible en groupe pour favoriser l’intégration sociale. L’alimentation équilibrée est aussi un élément essentiel à prendre en compte pour garder une masse musculaire et un bon transit, de même que limiter les abus de substances telles que l’alcool, le tabac, les drogues ou même certains médicaments.
Selon une publication de l’Office fédéral de la santé publique, la qualité de vie des personnes âgées, et donc leur santé, dépend largement de leur degré d’intégration et de participation communautaire. Comment cela s’explique-t-il ?
Si on a tendance à voir le verre à moitié vide, on finit par se replier sur soi-même. Le risque est de se dire qu’on n’a plus d’utilité dans la société et de vivre ses dernières années comme une fatalité et non pas une opportunité. On peut citer en exemple la fracture numérique : si on veut faire partie de la société, on est obligé d’avoir un smartphone. Sinon, on peut avoir l’impression d’être laissé sur le bord de la route. Ce n’est souvent pas évident de s’adapter aux évolutions numériques, sociétales ou encore architecturales : il faut avoir les capacités cognitives et être accompagnés.
Aujourd’hui, 15 à 25 % des personnes en âge d’être à la retraite présentent une maladie psychologique. L’initiative Promotion santé et personnes âgées a pour but de trouver des solutions pour apprendre à gérer les événements critiques de la vie par les ressources internes, telles que l’estime de soi ou ses caractéristiques physiques, et externes telles que sa vie sociale. Il ne faut pas seulement investir dans son identité mais aussi dans ce dont on croit afin d’avancer. Il s’agit de renforcer l’individu avec la résilience et l’estime de soi, diminuer les barrières structurelles et augmenter l’intégration sociale.
Quels sont les problèmes de santé que peuvent rencontrer les personnes âgées en été ?
La canicule est le principal risque. L’été 2022 a été une année particulière car elle a duré de la mi-juin à la mi-septembre. La conséquence a été une surmortalité des plus de 65 ans. Les personnes âgées ont plus tendance à se déshydrater car avec l’âge, la sensation de soif diminue. Il en découle des problèmes rénaux et d’hypotension. On entre encore une fois dans un cercle vicieux d’un problème qui en entraîne plein d’autres. Les recommandations sont de boire au moins un litre et demi d’eau par jour, d’aérer son logement la nuit et de baisser les rideaux le jour. Il faut aussi pratiquer une activité physique lors des moments les plus frais de la journée et rester à l’intérieur l’après-midi.
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