« on connait tous une personne qui a de l’endométriose »
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Maladie Santé

« On connait tous une personne qui a de l’endométriose »

22.06.2023
par Léa Stocky

L’endométriose est une maladie dont on entend de plus en plus parler dans les médias, et c’est tant mieux, puisque près de 1 à 2 femmes sur 10 sont touchées. Provoquant de très fortes douleurs, sa reconnaissance est essentielle pour mieux la comprendre et la traiter.

Alexy Choffel, Gynécologue obstétricien à Genève, spécialisé en chirurgie mini-invasive

Alexy Choffel
Gynécologue obstétricien à Genève, spécialisé en chirurgie mini-invasive

Alexy Choffel est gynécologue obstétricien à Genève, spécialisé en chirurgie mini-invasive. Dans cette interview, il nous explique les causes, les symptômes et les traitements de l’endométriose.

Alexy Choffel, qu’est-ce que l’endométriose ?

L’endométriose est une maladie complexe, inflammatoire, chronique, fréquente, qui touche entre 10 et 15 % des femmes qui ont leurs règles. Elle se définit par l’implantation de cellules endométriales dans la cavité abdominale, et donc en dehors de l’utérus. Normalement, ces cellules sont uniquement présentes dans l’utérus et on les perd pendant les règles. Dans le cas de l’endométriose, elles peuvent s’implanter sur les ovaires, le péritoine, les intestins, la vessie et plus rarement dans d’autres localisations telles que le diaphragme ou les poumons.
Les cellules endométriales réagissent de la même façon aux hormones dans la cavité abdominale que dans l’utérus. Cela signifie qu’à chaque fois qu’on a ses règles, on a des saignements hors de l’utérus qui créent une inflammation, des douleurs et potentiellement de la fibrose avec des nodules.

Il existe l’endométriose superficielle et profonde, en fonction de la taille de l’infiltration des lésions.

On ne connaît pas les causes exactes de la maladie. Bien qu’il existe plusieurs théories pouvant expliquer la survenue de l’endométriose, aucune ne fait l’unanimité. À l’heure actuelle, la théorie de la « régurgitation tubaire » ou « menstruations rétrogrades », qui postule que du sang reflue pendant les règles par les trompes utérines dans la cavité abdominale formant alors des lésions d’endométriose, est celle qui est le plus fréquemment citée.

Quels sont les symptômes et les facteurs de risque ?

Les symptômes phares sont les règles douloureuses. La majorité des patientes ont des douleurs intenses cycliques, c’est-à-dire qui reviennent avant et pendant les règles. Pour l’endométriose profonde, il peut aussi y avoir des douleurs pendant les rapports sexuels. Quand la maladie atteint l’intestin ou la vessie, on peut souffrir de douleurs lors de la défécation et de la miction.

Si une autre personne de sa famille est touchée, on a plus de risques de souffrir de la maladie. Le fait de ne pas avoir d’enfants, d’avoir un indice de masse corporel faible, d’avoir des règles abondantes et des cycles courts sont d’autres facteurs de risque.

Quels sont les impacts de l’endométriose sur le quotidien, la santé et la sexualité des personnes touchées ?

Les impacts sont très variables. Certaines femmes atteintes de la maladie n’ont aucun symptôme. Cela n’est pas lié au type de lésions : des patientes ont des endométrioses importantes et asymptomatiques, d’autres ont de faibles lésions mais de grosses douleurs. Il peut y avoir une altération de la qualité de vie avec un absentéisme scolaire ou professionnel. La douleur peut aussi entraîner une surconsommation de traitements antalgiques et un épuisement psychologique, avec un risque d’isolement et de dépression. Certaines patientes ne peuvent plus avoir de sexualité. Dans un certain nombre de cas, l’endométriose peut aussi avoir un impact sur la fertilité.

Pourquoi le diagnostic met-il autant de temps à être posé ?

Le diagnostic est posé avec un délai de sept ans en moyenne, ce qui est trop long. Cela est dû au fait que la maladie est complexe et aussi à l’idée préconçue que les règles douloureuses sont normales, surtout à l’adolescence. On ne devrait pas ressentir des douleurs au point de ne plus pouvoir aller à l’école et de devoir rester dans son lit toute la journée. La maladie était connue, mais on ne s’y intéressait pas assez. Il existe en effet un problème de sensibilisation des soignants, ce qui est cependant en train d’évoluer grâce à la médiatisation, à certains politiques et à des associations qui agissent auprès de la population.

Tout comme la maladie, le diagnostic n’est pas simple. Personne n’a tout de suite envie de mettre une étiquette sur une patiente, d’autant plus qu’il n’est pas forcément évident d’apprendre ce genre de nouvelles à un jeune âge.

Comment pose-t-on le diagnostic ?

Le diagnostic se fait en cas de douleurs grâce à un examen gynécologique effectué par un médecin qui connaît la maladie. On peut aussi faire une échographie gynécologique par voie vaginale et pousser l’examen avec un IRM pour localiser les lésions d’endométriose profondes.

Existe-t-il d’autres causes aux règles douloureuses ?

La réponse est un peu délicate, car la douleur est subjective. Des douleurs peuvent être fonctionnelles et non handicapantes. Certaines femmes ne ressentent même rien. La douleur peut aussi être due à des fibromes ou de l’adénomyose, qui est de l’endométriose de l’utérus.

Quels sont les traitements pour soulager l’endométriose ?

Dans un premier temps, on essaie un traitement médical qui a pour but d’arrêter les règles. En général, il s’agit d’une pilule contraceptive. Dans des cas assez rares, souvent avant une opération, on peut proposer pendant quelques mois des injections qui créent une ménopause artificielle. La maladie est dépendante des œstrogènes. Ainsi, tout ce qui favorise le climat progestatif, tel que la grossesse, l’allaitement ou la pilule contraceptive, diminue les symptômes.

Si le traitement médical ne fonctionne pas, s’il y a un problème de fertilité associée ou dans certaines situations, un traitement chirurgical peut être envisagé. Il s’agit d’une opération de chirurgie mini-invasive, la laparoscopie, qui consiste à insérer une caméra dans le ventre pour faire le bilan de la maladie et traiter les lésions. On n’essaie de ne faire qu’une seule opération dans la vie de la patiente, le plus souvent avant le désir de grossesse. Cela permet de faire un état des lieux de l’état de la maladie dans le corps et également de stimuler la fertilité. Parfois, il arrive que les lésions reviennent même après les avoir enlevées.

Comment voyiez-vous l’évolution de sa prise en charge ?

Je pense que l’endométriose sera de plus en plus appréhendée dans des centres multidisciplinaires avec des médecins très bien formés en chirurgie gynécologique, collaborant avec des spécialistes de la douleur, des psychologues, des ostéopathes, des physiothérapeutes. J’ai espoir qu’à l’avenir, la recherche permette de mieux comprendre la physiopathologie et de trouver des molécules ciblées, capables de faire régresser la maladie.

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