Laetitia Casta, qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier et quels rôles aimez-vous jouer ?
Le cinéma est un moyen de parler de la vie. Ce que j’aime le plus est la recherche des personnages et d’une histoire à raconter. Il s’agit tout d’abord d’aller chercher des choses assez intimes chez quelqu’un qui est parfois assez différent de nous afin d’y trouver des points communs et de tisser des liens comme avec un ami que l’on rencontre.
C’est aussi une manière de mieux se connaître soi-même et d’essayer de comprendre pourquoi les êtres humains réagissent de telle ou telle manière. J’aime raconter des histoires.
Quel est le rôle qui vous a plu le plus ?
Au moment où je joue, je ne peux pas me dire que j’ai préféré un autre personnage car je suis très engagée dans ce que je fais. Je ne suis ni dans le passé ni dans le futur mais dans le moment présent. Dans le cas contraire, j’aurais l’impression de ne me donner qu’à moitié. Quand on incarne un personnage, il faut se laisser totalement immerger par celui-ci.
À chaque fois, j’entre dans un univers que je ne connais pas et j’y laisse quelque chose d’intime.
Quels sont les moments les plus mémorables de votre carrière ?
Mes premiers pas dans le cinéma ont été importants pour moi : la découverte de ce métier et la première fois où j’ai mis les pieds sur un plateau et sur une scène. Ces moments sont inoubliables car j’ai ressenti la même chose qu’à 12 ans, quand j’ai fait du théâtre pour la première fois. Il s’agissait d’une classe de théâtre amateur avec des enfants. Les professeurs.es nous mettaient en rond et chacun.e devait se placer au milieu pour effectuer un exercice théâtral ou d’improvisation.
Pour moi, cela a été le premier ressenti de quelque chose qui était très exalté et libre. Il s’agissait d’une découverte profonde de tous les sentiments que je pouvais avoir et dont j’ignorais l’existence. Je ressens encore aujourd’hui ces mêmes sensations.
Quels défis avez-vous rencontrés ?
Ce métier n’est fait que de défis qui s’enchaînent les uns après les autres. À chaque fois, j’entre dans un univers que je ne connais pas et j’y laisse quelque chose d’intime. Je vais vers l’inconnu, avec des metteurs.ses en scène différents et c’est ce challenge que je recherche. Dans ce métier, il faut à chaque fois recommencer de zéro car rien n’est jamais acquis.
Vous jouez dans La Croisade, film dans lequel des parents décident de suivre le combat de leur fils de 13 ans qui veut sauver la planète. Est-il important pour vous d’informer ses enfants au sujet de la crise climatique ?
Oui bien sûr. Par ailleurs, croire les enfants, c’est comme croire à l’enfant qui est en nous, mais aussi en l’humanité. Si on ne croit plus en l’humanité, on ne croit plus en rien.
Pensez-vous que la sensibilité des enfants d’aujourd’hui sur les enjeux climatiques et contemporains est différente de celle d’il y a 20 ou 30 ans ?
Les enfants ont une conscience beaucoup plus élevée aujourd’hui car on ne les épargne pas face aux informations qu’ils reçoivent, notamment sur les réseaux sociaux. Ils sont informés de tout alors qu’à mon époque on était quand même très protégés. Cela crée des enfants-adultes avec une conscience très dramatique et assez angoissée. On n’épargne pas du tout cette jeunesse qui est une jeunesse sacrifiée et condamnée. Face à la Covid, on leur a demandé beaucoup trop pour leur âge.
En tant que parents, comment peut-on rassurer son enfant face à l’avenir, et notamment par rapport à la crise climatique ?
Il faut croire à l’avenir et leur dire que la vie est belle et intéressante malgré tout et qu’il n’y a pas que la motivation de l’argent et la recherche de résultats qui gouvernent le monde. Il y a aussi le désir d’être soi, de faire quelque chose que l’on aime même si l’on est moins payé. Il ne faut pas leur vendre un monde pessimiste et perdu d’avance en étant trop alarmiste. Je trouve qu’aujourd’hui, tout ce qu’on renvoie à l’être humain est assez noir. Même si c’est difficile, la vie est une joie. Il ne faut pas oublier que l’entraide existe et qu’il faut leur donner le goût de ces belles choses.
Les enfants croient à ce qu’ils sont en train de faire et font comme si tout le reste n’existait pas.
Comment accompagner ses enfants, soutenir leurs rêves et les aider à se faire leurs propres opinions ?
Quand un enfant pose une question, il ne faut pas lui répondre trop directement mais lui demander ce que lui/elle pense et comment il/elle voit les choses.
Le film est réalisé par votre mari Louis Garrel qui joue également à vos côtés. Est-il facile de travailler avec quelqu’un que l’on connaît aussi bien ?
Ce n’est pas facile, mais j’aime le risque et la difficulté. Cela est plus intense, mais dans le bon sens. Le fait que ce ne soit pas facile rend l’échange très beau et fort. Quand on en sort gagnant car cela s’est bien passé, c’est merveilleux d’avoir créé quelque chose ensemble. Le travail d’acteur est un mélange de sa propre vie, de son intimité, et en même temps de l’intimité d’un personnage, d’un texte, d’une histoire racontée… On ne peut pas faire trop semblant non plus : il y a le/la chef.fe opérateur.rice, les personnes du son, de la lumière etc.
On sait que l’on joue une histoire mais on peut y croire et le prendre comme des enfants qui jouent dans un salon. Les enfants croient à ce qu’ils sont en train de faire et font comme si tout le reste n’existait pas. La richesse de l’acteur.rice est d’arriver à prendre du plaisir dans ce qu’il/elle fait, et de finalement être un enfant.
Le film présente aussi les défis et les incompréhensions qui peuvent apparaître dans une famille. Lesquels selon vous ? Comment peut-on les surmonter ?
Le scénario est écrit par Jean-Claude Carrière. Dans le film, le père a peur de vieillir et de ce fait ne veut pas grandir et attend la mort. Dans le même temps, son fils devient un homme et il ne veut pas du tout l’assumer. Il s’agit à la fois d’une crise de couple et d’une crise écologique. La communication permet de résoudre ces problèmes.
Actuellement, vous interprétez au théâtre l’une des plus illustres pianistes du siècle dernier : Clara Haskil. Vous avez de nombreuses dates en Suisse. Qu’est-ce qui vous fascine dans la personne et l’histoire de Clara Haskil ?
Le fait qu’on ne puisse pas changer sa nature. Elle est un électron libre et cela va créer chez elle beaucoup de souffrance et de doutes. Si la musique est avant tout un jeu et une joie pour elle, les adultes vont la regarder comme une sorte de mutant. Ils vont lui demander de devenir une professionnelle, alors qu’au départ la musique est un dialogue entre sa mère et elle. Sa vie tourne autour de ce don qui va finir par l’enfermer. Clara Haskil est en effet une enfant prodige. Lorsqu’elle
joue à 6 ou 7 ans, on a l’impression que c’est une femme de 30 ans qui joue.
Elle ne s’en rend pas compte, ce sont les adultes qui la regardent de cette façon. Il suffit d’une critique pour la détruire et la faire douter. Elle est un personnage très touchant dotée d’une grande sensibilité et d’une trajectoire hors du commun. Dans les années 1920, elle voyage dans le monde entier. Elle est par ailleurs atteinte d’une scoliose, ce qui ne l’aide pas car on va penser que c’est à cause de son physique qu’elle n’a pas de succès à Paris. La pièce est très riche et parle aussi du processus de l’artiste, de sa création, de la légitimité, du talent et de ce qu’on en fait. Finalement, les thèmes principaux sont la vie et la question de savoir comment on fait quand on ne peut être que soi.
Quels sont vos autres projets pour l’avenir ?
Je tourne au mois d’avril un film avec Damien Bonnard et Béatrice Dalle qui s’appelle Le bonheur c’est pour demain dans lequel je joue le rôle d’une femme qui tombe amoureuse d’un détenu. L’histoire est vraie et se passe dans les années 1995.
Texte Léa Stocky et Andrea Tarantini Photos Edouard Elias & Mark Pillai
Laetitia Casta en quelques mots :
Si je devais changer de carrière, je serais… peintre.
Pour moi, la famille est… importante.
Bien éduquer ses enfants signifie… les aimer.
La plus grande qualité d’un parent est… d’accepter que ses enfants s’en aillent.
En tant que parent, il faut apprendre à… lâcher prise.
Les enfants nous enseignent… chaque jour.
Je vous souhaite… des enfants (rires)
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