Explorer, partager et inspirer : ce sont les trois verbes qui décrivent le mode de vie de la famille de Céline, anthropologue, et Xavier Pasche, photographe. Avec leurs deux filles, Nayla (8 ans) et Fibie (4 ans), les deux Suisses parcourent les routes du monde à vélo et vivent d’innombrables aventures qu’ils nous racontent dans l’interview qui suit.
Céline, comment avez-vous rencontré Xavier ?
Nous nous sommes rencontrés à un festival dans le Val de Bagnes et nous avons tout de suite parlé de voyages. Xavier voulait partir en Nouvelle-Zélande à vélo. Nous sommes ensuite devenus un couple et je lui ai demandé si je pouvais partir avec lui.
Comment s’est passé ce voyage ?
Le projet a finalement duré cinq ans et non pas trois comme nous l’avions prévu. En cours de route, nous avons compris que ce projet était plus qu’un voyage : c’était une autre manière de vivre. C’est pourquoi nous avons laissé la porte ouverte à l’arrivée d’un enfant et notre première fille Nayla est rapidement arrivée.
Un jour, nous étions aux confins de l’Himalaya et j’ai eu l’intuition d’être enceinte avant même qu’un signe de ma grossesse ne soit visible. J’ai attendu le bon moment avant de dire à Xavier qu’il allait devenir papa : c’était en face du Mont Everest, à plus de 5500 mètres d’altitude. Finalement, ce voyage a révélé le symbole de l’infini : deux boucles, une autour des montagnes de l’Altaï et l’autre autour des hautes cimes mystiques de l’Himalaya.
Qu’avez-vous appris pendant ce voyage ?
Nous avons appris à vivre l’instant présent. Il est impossible de savoir où la route nous mènera chaque jour. En voyageant, nous avons aussi dû apprendre à apprivoiser l’inconnu, à accueillir nos peurs et à faire confiance à la vie. Il nous a également fallu apprendre à communiquer, parce qu’on est 24h/24 ensemble, ce qui n’est pas si facile.
Avez-vous rencontré des défis ?
Nous avons vécu quelques expériences « choc ». Par exemple, en Mongolie, un homme ivre est venu dans notre tente et voulait tout casser, mais la communauté a pris soin de lui et il ne nous a plus dérangés. En Syrie, deux hommes munis d’une hache ont ouvert notre tente en pleine nuit pour savoir qui nous étions – mais ils ne nous voulaient pas de mal. Par ailleurs, les problèmes que nous rencontrons sont souvent des malentendus. Les plus grands défis auxquels nous devons faire face ne sont pas extérieurs mais intérieurs. Ce sont les peurs qui se cachent à l’intérieur de nous.
Après la Nouvelle-Zélande, quelles aventures avez-vous vécues ?
Nous avons roulé dans les grands espaces du Nord et avons parcouru l’île la plus au Nord du Japon, l’île de Hokkaidō, la Sibérie, la Mongolie, la Chine, l’Alaska et le Canada. Nous avons plongé dans des lieux sauvages et rencontré des ours et des loups. Lors de ce deuxième projet, Fibie est née.
Comment se sont passés la grossesse, l’accouchement et les premiers mois de vie de vos filles ?
Être parent est une aventure. Dans mon ventre, Nayla se mettait dans une position qui me permettait de rouler – je l’ai fait jusqu’au septième mois – et mon ventre se voyait à peine. Ensuite, pendant les jours de pause, elle changeait de position et mon ventre doublait. C’était comme si elle savait comment m’aider. Les deux naissances ont été naturelles et Fibie est même née dans l’eau. Avant de reprendre notre voyage, nous avons mis en place une communication connectée et intuitive, un moyen qui nous permet de comprendre nos filles et d’identifier leurs besoins sans utiliser la parole. On a aussi adopté l’hygiène naturelle infantile : nous n’utilisions quasiment pas de couches.
Vos filles ont-elles tout de suite apprécié la vie nomade ?
Oui, elles ont appris à s’adapter et s’amuser partout dans le monde. Lorsque Fibie n’avait qu’un an, nous avons traversé le désert de Gobi, un des plus froids au monde. C’était une expérience extraordinaire. Quelques mois après, Nayla n’a pas arrêté de nous demander quand on allait y retourner. Grâce à cette vie nomade, à trois ans, nos filles savaient déjà nager, faire du vélo, skier et patiner toutes seules. Ce sont des petites filles actives (rires).
Éduquer ses enfants en voyage : comment cela se passe-t-il pour vous ?
Les enfants ont tout le nécessaire en eux et doivent seulement être accompagnés. Nous faisons l’école à la tente, mais nous pensons toutefois que l’apprentissage n’est pas délimité dans un temps précis : on ne cesse d’apprendre. Nos filles apprennent la géographie, l’Histoire, les religions et les langues en voyageant car le véritable apprentissage se fait le long du chemin.
Que signifie pour vous être une famille nomade ?
Cela signifie se rendre compte que nous avons des racines à l’intérieur de nous qui ne sont pas liées à une terre. Nous transmettons aussi cela au travers de notre nouveau livre Famille nomade à vélo, et lors de nos conférences – nous en faisons plusieurs cette année dans toute la Suisse.
Quels ont été les moments les plus mémorables de vos voyages ?
C’est quand nous avons commencé cette belle vie de famille avec nos filles. Et pour toi, Fibie, quel est le moment que tu n’oublieras jamais ? Quand on a vu les aurores boréales au Canada ?
Fibie : non, c’est quand on a fait du chien de traîneau !
Pensez-vous vous poser quelque part un jour ?
Pour l’instant, nous sommes en équilibre. Si un jour quelqu’un n’arrive plus à s’épanouir dans ce style de vie, on changera quelque chose. En tant que famille nomade, nous créons notre vie au jour le jour, selon les besoins de chacun. C’est difficile de se projeter dans le futur et nous n’en avons pas vraiment besoin : nous ferons les choix nécessaires au moment venu.
Texte Andrea Tarantini
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