Interview par Océane Ilunga

Julien Ménielle : « La prévention est essentielle : plus on investit en prévention, moins on a besoin de soins curatifs, et mieux se porte la population. »

Ex-infirmier et créateur de la chaîne YouTube “Dans Ton Corps”, il évoque l’importance de la prévention, l'impact des réseaux sociaux et la nécessité de repenser l'accès équitable aux soins.

Infirmier de formation passé au journalisme et à la vulgarisation, Julien Ménielle utilise sa chaîne YouTube  “Dans Ton Corps” pour rendre la santé accessible et compréhensible. Dans cet entretien, il revient sur sa vision évolutive de la santé, le rôle des réseaux sociaux et les défis de l’accès aux soins, sans oublier les bases d’une bonne hygiène de vie.

Julien Ménielle, vous êtes infirmier de formation, mais vous êtes ensuite devenu journaliste. Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Oui, bien sûr. J’ai été infirmier pendant une dizaine d’années, principalement en réanimation et au SAMU, et aussi en soins à domicile. Ensuite, à 33 ans, j’ai repris mes études pour devenir journaliste, et j’ai travaillé pendant huit ans au journal 20 Minutes, où j’ai fini comme rédacteur en chef adjoint chargé de la vidéo. C’est là que j’ai rencontré Cyprien, ce qui m’a donné envie de me lancer dans la vidéo et la vulgarisation santé.

Julien Ménielle au Culturefest

Julien Ménielle au Culturefest. Image : Gabrielle Malewski

Est-ce que votre regard sur la santé a changé depuis que vous faites de la vulgarisation ?

Oui, complètement. Je me considère toujours infirmier, mais je suis passé d’une approche très ‘curative’ (en réanimation on est dans l’action, face aux cas extrêmes) à une vision beaucoup plus globale, tournée vers la prévention et la réflexion. Aujourd’hui, je travaille seul, je m’adresse à des milliers de gens, et je suis plus dans l’abstrait. C’est une conception totalement différente de la santé.

Quels sont les sujets de santé que vous trouvez encore trop tabous ?

Personnellement, je n’ai pas vraiment de tabous. C’est mon travail de présenter les sujets de manière à ce que même ceux pour qui c’est difficile puissent écouter. Mais les vraies limitations viennent des plateformes : certains thèmes, comme la sexualité ou les vidéos sur le Covid (notamment au début de la pandémie), sont jugés anxiogènes ou risqués pour les annonceurs, donc ils sont parfois cachés ou limités dans leur diffusion.

Quels retours avez-vous de votre public, notamment sur les sujets sensibles comme la santé mentale ?

Les réactions sont généralement positives, surtout de la part de ceux qui se sentent concernés. Parler de sujets tabous permet de libérer la parole, et les gens en sont reconnaissants. Mais il y a aussi des réactions de rejet, surtout chez ceux qui se sentent moins concernés ou qui ont des idées préconçues.

Que pensez-vous des médecines alternatives ? Ont-elles leur place aux côtés de la médecine traditionnelle ?

Je ne suis pas opposé aux médecines alternatives à 100 %, mais il faut rester vigilant. Par exemple, l’homéopathie, ce sont littéralement des pastilles de sucre sans effet prouvé. Les pratiques qui promettent des miracles ou qui prétendent remplacer la médecine classique peuvent créer des attentes irréalistes et causer plus de mal que de bien.

Si vous deviez expliquer les bases d’une bonne santé, par où commenceriez-vous ?

Je commencerais par rappeler qu’on dit souvent ‘la’ santé, mais elle inclut en réalité plusieurs aspects : la santé physique, mentale et sociale. L’humain est un être biopsychosocial, donc si un de ces trois éléments est affecté, ça se répercute sur sa santé globale. La prévention est essentielle, car plus on investit en prévention, moins on a besoin de soins curatifs et plus la population reste en bonne santé.

L’être humain est un être bio-psycho-social, donc si un de ces aspects est affecté, cela peut nuire à sa santé globale. – Julien Ménielle

Qu’entendez-vous par santé sociale ?

La santé sociale, c’est l’impact de notre position dans la société sur notre santé. Par exemple, on sait qu’être une femme ou une personne racisée peut impacter de façon négative l’accès aux soins de qualité. La précarité joue aussi un rôle : les personnes en situation de pauvreté ont plus de risques de tomber malade et d’être moins bien soignées. C’est pour ça que la santé n’est pas seulement individuelle, elle est aussi collective.

Pensez-vous qu’il y a des progrès à faire pour intégrer la santé mentale dans la définition globale de la santé ?

Absolument. La santé mentale, physique et sociale sont indissociables, mais cette prise de conscience est récente, et il reste beaucoup à faire. La pandémie a mis en lumière l’importance de la santé mentale, notamment pour les jeunes. Cependant, il y a toujours un manque de remboursement des soins psychologiques et un déficit de personnel. Le délai pour obtenir un rendez-vous avec un psy est souvent énorme. Il faudrait sans doute repenser notre façon de prendre en charge la santé mentale pour réduire les délais et garantir un accès plus large aux soins

Quel impact les réseaux sociaux ont-ils sur notre façon de consommer des informations santé ?

Les réseaux sociaux ont un énorme impact, car ils permettent d’accéder à de l’information gratuitement et rapidement. Mais c’est aussi leur limite : n’importe qui peut se dire expert et raconter n’importe quoi. Le vrai défi, c’est de développer l’esprit critique de chacun, pas seulement des jeunes, car beaucoup d’adultes aussi sont trompés par des pseudo-experts.

Julien Ménielle au Culturefest

Julien Ménielle au Culturefest. Image : Eva Cagin

Comment pourrait-on améliorer l’égalité d’accès aux soins en France ?

Il y a deux obstacles principaux : la situation financière et la situation géographique. Beaucoup de gens renoncent aux soins par manque de moyens, et dans certains endroits, il n’y a plus de médecins. Le système de santé doit accepter que certains soins ne soient pas rentables, notamment dans le mode de financement des hôpitaux. En parallèle, nos mentalités doivent évoluer pour accepter de contribuer au financement des soins des autres, sachant que, le jour où nous en aurons besoin, ce sera à notre tour de bénéficier de cette solidarité.

Quelles sont, selon vous, les trois habitudes de vie qui font le plus de différence pour la santé à long terme ?

Pour moi, ce sont des choses simples : une activité physique régulière (sans parler de sport intensif, juste bouger un peu chaque jour), une alimentation variée (limiter le sucre et éviter de faire les mêmes “erreurs” chaque jour), et enfin le sommeil. En cinquante ans, on a perdu une heure de sommeil par nuit. Des gestes simples comme dormir dans le noir, éviter les écrans avant de se coucher, et dormir dans une pièce fraîche peuvent vraiment améliorer la qualité du sommeil.

Si vous pouviez éveiller la conscience collective sur un seul sujet, lequel serait-ce ?

Ce serait la dimension sociale de la santé. Notre façon de penser la santé est encore très individualiste, mais elle n’est pas seulement un problème personnel. La société dans son ensemble doit protéger chacun.

Votre mantra ?

Ce qui va sans dire va mieux en le disant. Parler de ce que l’on ressent est essentiel, non seulement pour nous mais aussi pour que les autres sachent où nous en sommes. Cela fait du bien et évite bien des malentendus.


Image de tête Eva Cagin

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26.12.2024
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