Originaire d’Éthiopie et résidant désormais en Suisse, Helen Bekele Tola est une athlète exceptionnelle qui a marqué l’histoire avec des performances impressionnantes lors de marathons prestigieux tels que Tokyo et Berlin. De sa passion pour la course à pied à ses défis surmontés, Helen partage ses réflexions sur sa carrière, sa vie en Suisse et ses ambitions futures.
Helen Bekele Tola, pouvez-vous nous parler de votre parcours en tant que une coureuse de fond de classe mondiale ?
J’ai commencé la course avec mon père quand j’avais 12 ans. J’ai fait des compétitions à l’école avant d’entrer dans un club. Je suis en Suisse depuis 2015 et je m’entraîne aujourd’hui avec Tesfaye, mon mari qui est également un ancien champion de course de fond. C’est depuis que je pratique dans ce nouveau cadre que j’ai changé de catégorie et que j’ai pu obtenir de bons résultats internationaux. Depuis 2020, je travaille avec On Running et c’est leur soutien qui m’a permis de me concentrer sur ma carrière et de me professionnaliser à 100 % ! Ils m’ont également soutenu dans mon intégration en Suisse et mon processus de naturalisation. Cette année, j’ai officiellement obtenu la nationalité, ce qui ouvre un tout nouveau chapitre de ma carrière dans lequel je représenterai ce beau drapeau rouge à croix blanche.
Quels sont vos souvenirs les plus marquants des marathons de Tokyo en 2019 et de Berlin en 2021 ?
J’étais très contente à Tokyo parce que j’ai battu mon record personnel et obtenu la deuxième place. Ce temps de 2:21:01 reste ma meilleure performance à ce jour. À Berlin, j’étais très ravie de ma performance mais surtout très fière d’être la première athlète On Running à terminer sur le podium d’un marathon majeur. Toute l’équipe m’a accueilli de manière très chaleureuse dans leur bureau à Zurich à mon retour. Je me souviendrai de ces moments toute ma vie !
Quel a été le moment le plus difficile et le plus gratifiant de votre carrière de marathonienne ?
Un des moments difficiles de ma carrière a été lors du marathon de Valence en 2020. J’avais minutieusement préparé cette course, mais malheureusement, j’ai dû abandonner au 32e kilomètre car je ne me sentais pas bien. En revanche, l’un des moments les plus gratifiants a été lors du marathon d’Osaka en 2023, où j’ai non seulement remporté la course mais aussi battu le record du parcours. La constante dans ma carrière, c’est le travail acharné. Peu importe les circonstances, je m’investis énormément pour ces grandes compétitions. Ainsi, après tous ces efforts, il est extrêmement difficile d’accepter de ne pas réussir à performer le jour J. Cependant, lorsque toute cette période de travail intensif se conclut par une victoire en marathon, le sentiment de bonheur et de satisfaction qui en découle est indescriptible.
À quoi ressemble une semaine typique d’entraînement pour vous ?
Je m’entraîne généralement deux fois par jour. J’ai donc environ douze entraînements par semaine qui comprennent des séances d’intensité plus élevée, deux séances de musculation et des footings de récupération pour maintenir le rythme sans en demander trop à mon corps.
Quelle est l’importance de la nutrition dans votre quotidien, et suivez-vous un régime alimentaire spécifique ?
Je ne fais pas de régime spécifique, je m’assure de manger suffisamment et équilibré pour apporter à mon corps tout ce dont il a besoin. Je prends quelques compléments alimentaires afin d’être sûre de ne manquer de rien, mais c’est tout.
Comment gérez-vous l’équilibre entre l’entraînement intensif et la récupération ?
Il faut faire attention après chaque entraînement pour bien récupérer. Pour cela, je fais beaucoup d’étirements, je bois beaucoup d’eau et je me fais masser, j’essaie de bien dormir et d’avoir une alimentation équilibrée. La récupération est tout aussi importante que l’effort en lui-même. On oublie trop souvent que c’est pendant le repos que le corps peut prendre le temps de s’adapter. Les trois piliers principaux sont l’alimentation, l’hydratation et le sommeil. Les massages et les compléments alimentaires me permettent d’aller chercher quelques pourcents de récupération en plus.
Qu’est-ce qui a motivé votre décision de vous installer en Suisse ?
J’ai rencontré Tesfaye, mon mari et coach en Éthiopie. Nous avons fait connaissance et j’ai appris qu’il vivait en Suisse avec ses deux filles. Il m’a alors proposé de visiter le pays et de rencontrer sa famille.
Comment s’est passée votre adaptation à la vie en Suisse par rapport à votre vie en Éthiopie ?
La vie en Éthiopie et en Suisse est très différente. Même si je ne connaissais rien de ce pays, mon mari et ses filles m’ont aidée à m’y installer. Petit à petit, je me suis créée mon propre entourage dans le pays et je me suis également entourée de partenaires clés qui m’ont permis de m’établir.
Les Jeux olympiques étaient un rêve pour moi. Je vais avoir la chance de réaliser ce rêve en représentant la Suisse cet été à Paris.
Que pensez-vous de l’évolution du marathon féminin au niveau mondial ?
Le niveau de compétition féminine dans le marathon atteint des sommets toujours plus élevés. Les performances impressionnantes des femmes et leur rapidité croissante sont un spectacle magnifique. Malgré cela, comme dans de nombreux sports, nous manquons encore de visibilité médiatique, nos temps demeurant souvent inférieurs à ceux des hommes sur les mêmes distances. Cependant, nous constatons aujourd’hui un intérêt suffisant qui nous permet de vivre de notre sport. Une fois ce seuil franchi, les progrès peuvent être rapides, nous permettant de nous consacrer pleinement à notre carrière.
Y a-t-il des athlètes ou des personnalités qui vous ont particulièrement inspirée tout au long de votre carrière ?
Les athlètes qui me servent d’inspiration sont Tirunesh Dibaba et Sifan Hassan, toutes deux originaires de mon pays. Leur capacité à se distinguer de leurs concurrents est le fruit de leur discipline et de leur travail acharné.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes coureurs qui aspirent à devenir des athlètes de haut niveau ?
Se lancer dans le sport est un acte de courage. Ce chemin n’est pas facile, mais l’athlétisme offre des récompenses gratifiantes. Il est crucial de persévérer et de se battre pour atteindre ses objectifs. Certains jeunes sont attirés par une carrière sportive pour la gloire ou pour éviter de travailler, des motivations qui ne sont pas idéales. Dans le domaine du sport, ce sont ceux qui travaillent le plus dur qui connaissent le plus de succès.
Quelles sont les qualités essentielles pour réussir dans la course de fond selon vous ?
La course de fond exige une grande endurance. Il faut être physiquement prêt à supporter un entraînement intense et mentalement capable d’accepter la fatigue. Encore une fois, c’est le travail acharné qui fait la différence. Pour atteindre un volume d’entraînement suffisant, il est essentiel de consacrer de nombreuses heures à ce sport chaque jour.
Y a-t-il des marathons ou des compétitions que vous rêvez encore de courir ?
Honnêtement, les Jeux olympiques étaient un rêve pour moi. Je vais avoir la chance de réaliser ce rêve en représentant la Suisse cet été à Paris. Par la suite, j’aimerais également beaucoup pouvoir courir à Chicago ou à Valence.
Comment parvenez-vous à équilibrer votre vie professionnelle et personnelle, surtout en tant qu’athlète de haut niveau ?
Je n’ai pas de problème à gérer les deux, je sais faire la part des choses. Je trouve que je suis capable de travailler très dur mais également de prendre le temps à côté. Je pense que, plus on travaille dur, plus il est facile de couper une fois le travail bien fait.
Quels sont vos objectifs à court et à long terme pour la suite de votre carrière ?
Actuellement, je me prépare pour le marathon des Jeux olympiques de Paris. Ensuite, après une pause, je vais me concentrer sur l’amélioration de mes records personnels à long terme, en particulier sur le marathon. J’aspire à battre mon propre record que j’ai effectué il y a déjà cinq ans.
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