« L’entreprise a bientôt 150 ans, et nous voulons continuer à faire évoluer notre activité pour les 150 années à venir », telle est la mission que s’est donnée l’entreprise familiale Audemars Piguet. Pour ce faire, cette dernière mise notamment sur les mesures de développement durable, et pas seulement dans ses propres locaux. Aurélien Debeyer, Head of CSR au sein de la marque, explique dans cette interview l’importance de travailler avec tous les acteurs de sa chaîne de valeur pour assurer la durabilité à tous les niveaux.
Aurélien Debeyer, en quoi les entreprises de renommée suisse et mondiale ont-elles une responsabilité en matière de RSE ?
Une entreprise comme Audemars Piguet a la possibilité de créer du changement dans sa chaine de valeur et nous avons commencé à le faire. Changer en interne ne constitue que la partie visible de l’iceberg. Il existe en effet tout un réseau de fournisseurs et de partenaires pour chaque activité. Nous avons la possibilité en tant que marque de renommée mondiale d’accompagner ces acteurs vers le changement. Prenons par exemple notre bilan CO2e : notre priorité aujourd’hui est de nous concentrer sur le scope 3, c’est-à-dire les émissions indirectes liées à notre chaîne de valeur, car elles représentent 99 % de notre bilan CO2e annuel.
Même si nos volumes sont petits au regard d’autres industries nous avons néanmoins une responsabilité vis-vis des matières que nous utilisons et de leur traçabilité, des pratiques sociales et éthiques de nos fournisseurs.
Quelles sont les mesures essentielles à mettre en place pour toute entreprise qui souhaite mieux respecter les critères RSE ?
Nous devons mettre en place un système de mesures afin de pouvoir concrètement s’améliorer. Il est important de partir d’un état des lieux en réalisant notamment un bilan carbone, des analyses de cycle de vie ou une matrice de matérialité par exemple. Créer et connaître ces informations permet ensuite de mettre les objectifs et plans d’actions en place.
Privilégier la coopération est également très important, que ce soit avec les fournisseurs, les collaborateurs, d’autres manufactures horlogères ou d’autres industries. Nous sommes beaucoup plus forts ensemble que seuls.
Il est également essentiel d’identifier les parties prenantes pour comprendre comment notre comportement peut les impacter. Cela se fait au niveau de la chaîne d’approvisionnement, des communautés locales ou encore des clients.
Comment faire de ces mesures une réelle stratégie de la marque, notamment du point de vue de la gouvernance ?
Sans une gouvernance bien structurée, on ne fait pas grand-chose. Audemars Piguet a toujours intégré des parties prenantes externes, telles que des représentants des communautés locales, des ONGs, des experts environnementaux, etc., dans sa gouvernance et dans ses prises de décision. En 2021, nous avons d’ailleurs modifié les statuts légaux de l’entreprise en ce sens.
En quoi l’approche RSE pousse à repenser le modèle d’affaires des entreprises ?
Nous avons la mission de préserver les savoir-faire et les entreprises qui ont des connaissances spécifiques. Nous avons par exemple décidé de privilégier les fournisseurs locaux situés à moins de 80 km des sites de production. La circularité est également très importante. On vit dans un monde avec des ressources limitées, il faut donc constamment remettre en cause les matériaux que nous utilisons et les processus de fabrication, tout en respectant des critères éthiques strictes. Finalement, il s’agit de constamment repousser ses limites.
Comment favoriser ce travail pour une meilleure démarche RSE avec et auprès de ses collaborateurs ?
Les employés sont au cœur de notre stratégie d’entreprise. Nous avons voulu favoriser cela en créant notamment un groupe de Champions RSE composé d’une trentaine de collaborateurs sur le terrain, qui ont pour mission de relayer et remonter les actions en lien avec la politique RSE.
Pouvez-vous nous parler de votre Fondation ? Quels sont ses buts et ses missions ?
La Fondation Audemars Piguet, qui est indépendante, a été créée en 1992. Véritable marraine spirituelle pour la politique RSE de l’entreprise, elle œuvre à la préservation des forêts dans le monde entier par le biais de programmes de protection de l’environnement, de sensibilisation de la jeunesse et de perpétuation des savoirs ancestraux liés à la nature. Après avoir déjà soutenu plus de 180 projets dans environ 50 pays, elle finance aujourd’hui des initiatives dans une trentaine de pays aux quatre coins du globe.
Avez-vous de futurs projets concernant la RSE ?
Nous considérons la durabilité comme un chemin. Nous savons dans quelle direction nous allons et mettons en place des actions concrètes pour y aller, mais nous ne savons pas exactement jusqu’où cette route nous mènera. Les problématiques évoluent toutes en même temps, les attentes des collaborateurs changent, de nouveaux matériaux se développent et les mesures d’impact se multiplient ; il faut donc constamment se remettre en question et ne pas se reposer sur ses acquis.
L’année dernière, nous avons lancé un programme avec le Swiss Triple Impact, la Confédération et B-Lab autour de la chaîne de valeur. Soixante fournisseurs ont déjà participé à ce projet, pris des engagements et mis en place des plans d’action pour les réaliser. Il s’agit d’un vrai levier pour créer du changement.
Laisser un commentaire