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Changer de regard sur les personnes vieillissantes

24.03.2023
par SMA
Delphine Roulet Schwab, Professeure à la Haute Ecole de la Santé La Source (HES-SO), Présidente de l’association alter ego et du Centre national de compétence Vieillesse sans violence

Delphine Roulet Schwab
Professeure à la Haute Ecole de la Santé La Source (HES-SO), Présidente de l’association alter ego et du Centre national de compétence Vieillesse sans violence

La Suisse vieillit. Aujourd’hui, près de 19 % de la population a 65 ans ou plus. Selon l’Office fédéral de la statistique, ce chiffre montera à plus de 25 % dans tous les cantons d’ici 2045. Dans un pays en pleine mutation démographique, les personnes âgées restent souvent perçues comme un poids mort pour la société : elles coûteraient cher, seraient dépendantes et se montreraient réfractaires au changement. Ces stéréotypes, particulièrement marqués dans les domaines de l’emploi et de la santé, mènent à des discriminations fondées sur l’âge. Ainsi, à compétences égales, il est souvent plus difficile de retrouver un emploi quand on s’approche de la retraite. De même, à diagnostic comparable, certains traitements médicaux et opérations ne sont plus remboursés par les assurances maladie à partir d’un âge donné.

Cet âgisme représente une forme de discrimination très fréquente et plus acceptée socialement que le racisme et le sexisme, selon une étude européenne. Les stéréotypes liés à l’âge passent souvent inaperçus dans la vie quotidienne. Il est, par exemple, considéré comme normal de penser que si quelqu’un conduit trop lentement, cela doit être une personne âgée, ou que « les personnes à la retraite peuvent bien prendre les transports publics hors des heures de pointe, car elles n’ont rien d’autre à faire de la journée ».

Lutter contre l’âgisme et la maltraitance passe par une meilleure connaissance de la réalité de la vieillesse en Suisse.

Cette vision négative du vieillissement constitue un terreau fertile pour l’émergence de formes de violence et de maltraitance, plus ou moins insidieuses, qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes vieillissantes. Il s’agit parfois de violences physiques, telles que des coups ou de la séquestration, mais ce sont le plus souvent des maltraitances psychologiques (p.ex. dénigrement, humiliations, menaces, infantilisation), des négligences (p.ex. nourriture inadéquate, non-soulagement de la douleur, logement inadapté) et de la maltraitance financière (p.ex. usage de biens ou de fonds sans accord, utilisation abusive de signatures ou de cartes de crédit). Ces abus de confiance et de pouvoir sont dans certains cas motivés par de mauvaises intentions. Ils sont cependant aussi parfois le fait de membres de l’entourage ou de professionnels qui pensent mieux savoir que la personne âgée ce qui est bien pour elle, sans se demander comment elle-même conçoit son propre bien et quelles sont ses priorités.
Sortir de cette posture âgiste et potentiellement maltraitante nécessite de changer de regard sur les seniors et de reconnaître leur expertise en lien avec leur expérience du vieillissement. Cette reconnaissance devrait s’exprimer à plusieurs niveaux : au quotidien, en respectant le pouvoir d’agir et l’autonomie des personnes vieillissantes et en évitant de décider à leur place « pour leur bien » ; mais aussi aux niveaux sociétal et politique, en incluant systématiquement des représentants d’organisations de personnes retraitées dans les groupes de travail concernant des sujets liés au vieillissement.

Lutter contre l’âgisme et la maltraitance passe également par une meilleure connaissance de la réalité de la vieillesse en Suisse. Contrairement aux idées reçues, la grande majorité des personnes de 65 ans et plus vit à domicile de manière indépendante. C’est également le cas des personnes de 80 ans et plus, puisque seulement 15 % d’entre elles vivent en établissement médico-social. Nous oublions par ailleurs souvent que les personnes retraitées participent activement à l’économie par la garde bénévole des petits-enfants, l’aide à des proches dépendants et l’engagement associatif notamment.

Plus spécifiquement, il importe de faire connaître les offres d’écoute, de soutien et de conseil pour les personnes âgées concernées par des actes de discrimination, de violence ou de maltraitance. A cet égard, l’association alter ego, en Suisse romande, et le Centre national de compétence Vieillesse sans violence proposent une permanence téléphonique gratuite et ouverte à toute la population au numéro 0848 00 13 13. Différentes offres de formation spécialisée existent également, mises en place notamment par l’association alter ego (formations de sensibilisation et formation de référents PREMALPA) ainsi que par l’Unité de médecine des violences du CHUV et la Haute Ecole de la Santé La Source (module de formation continue post-grade). D’autres organisations telles que Pro Senectute ou l’association Alzheimer offrent également des prestations de conseil dans le domaine du vieillissement dans tous les cantons.

Texte Delphine Roulet Schwab, Professeure à la Haute Ecole de la Santé La Source (HES-SO), Présidente de l’association alter ego et du Centre national de compétence Vieillesse sans violence

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