« Le grand défi actuel est celui de la pérennisation de nos rentes futures »
Société de services active dans le domaine du courtage en assurance, Argos Group compte deux sociétés, Argos Prévoyance SA fondée en 2003 et Argos Patrimoine SA, créée en 2014. Grâce à son expertise et au savoir-faire de ses 21 collaborateurs, le groupe soutient notamment les particuliers et les entreprises en matière de prévoyance et d’assurance. Joël Ramos, le directeur de Argos prévoyance SA, nous explique l’importance que revêt la prévoyance en Suisse et nous présente la réforme Stabilisation de l’AVS soumise à votation le 25 septembre prochain.
Joël Ramos, quelle est la mission de Argos Group, et plus particulièrement de son secteur prévoyance?
Nous sommes des courtiers en assurances et accompagnons les entreprises en leur proposant les meilleures couvertures selon leurs besoins et pour la meilleure gestion du risque possible. Nous informons par ailleurs nos clients de tous les changements qui peuvent impacter leur situation. Situé à Gland, notre groupe est chargé de la gestion administrative et comptable de caisses de pension ainsi que du courtage en assurance.
Quelles valeurs définissent le groupe?
Nous essayons toujours d’être les plus proactifs possible. Nous tenons en effet à ce que le client soit toujours au courant de tout ce qui concerne et impacte sa situation. Nous avons par ailleurs à cœur de proposer des solutions innovantes avec clarté et maîtrise.
Aujourd’hui, que pensent les Suisses de leur prévoyance?
La prévoyance est un des domaines les plus importants aujourd’hui. C’est aussi un sujet qui fait débat. Ces dernières années, différentes révisions ont en effet été mises en votation. Toutefois, mis à part celle de 2019 qui concernait la réforme fiscale des entreprises et le financement de l’AVS (RFFA), elles ont toutes été refusées. Je pense que les Suisses sont assez réticents par rapport aux changements de modèles.
Quels sont les défis auxquels ils doivent faire face dans ce cadre?
De nombreuses personnes ne sont pas sûres de percevoir une rente à leurs retraites. Le grand défi actuel est donc celui de la pérennisation de nos rentes futures. Cela est à son tour lié à deux défis. Le premier est démographique: l’espérance de vie augmente. Lorsque l’AVS a été créée en 1948, les hommes et les femmes prenaient la retraite à 65 ans. Après cet âge, les hommes vivaient encore en moyenne 12 ans et les femmes 13 ans. En 2020 en revanche, un homme qui atteint l’âge de 65 ans a une espérance de vie de 19 ans et une femme vit encore 22 ans en moyenne.
Un autre obstacle concerne la génération des baby-boomers, autrement dit les personnes nées plus ou moins entre 1950-1970. En 1948, le taux de natalité était de 2,5 enfants par femme alors qu’il était de 2,7 en 1964 – période des babyboomers – et que, à présent, nous sommes à 1,5 enfant. Cette génération de baby-boomers entre depuis quelques années à la retraite et ces retraités sont de plus en plus nombreux par rapport aux personnes actives. On dit par ailleurs que lorsque l’AVS a été mise en place, il y avait 4,5 personnes actives pour un retraité. En 2020, on était à 3,2 et, en 2050, 2,2 personnes actives cotiseront pour un retraité.
Quelles sont les solutions que l’on peut envisager aujourd’hui pour résoudre le problème de la pérennisation des rentes AVS?
On peut envisager trois solutions: augmenter l’âge de la retraite, augmenter les cotisations – ce qui mènerait néanmoins à réduire le pouvoir d’achat des personnes actives –, ou diminuer les rentes à la retraite – ce qui constitue une autre problématique car nous avons déjà des rentes assez faibles pour vivre en Suisse et cela signifierait diminuer davantage le pouvoir d’achat des personnes à la retraite.
La prévoyance est un des domaines les plus importants aujourd’hui. C’est aussi un sujet qui fait débat.
À ce propos, le 25 septembre prochain, le peuple suisse sera amené à se prononcer au sujet de la réforme Stabilisation de l’AVS. De quoi s’agit-il exactement?
La réforme Stabilisation de l’AVS ou AVS 2021 – prévue pour 2024 – comprend deux lois principales. Il est important de souligner qu’il faudra les accepter toutes les deux pour faire passer le projet de loi. Le premier axe est un référendum facultatif – des gens se sont opposés à l’Assemblée fédérale et ont recueilli 50 000 signatures pour que cela passe en votation populaire – qui vise la modification de l’âge de référence AVS pour les femmes. Autrement dit, il s’agirait de faire passer l’âge de référence AVS des femmes de 64 à 65 ans. Le deuxième volet est un référendum obligatoire – automatiquement soumis au peuple dès lors qu’on change la Constitution – qui concerne un financement additionnel de l’AVS: augmentation de la TVA de 0,4% et de 0,1% pour les taux réduits (achats pour les biens de première nécessité, les médicaments par exemple) / spéciaux (pour l’hôtellerie). Ces mesures visent à financer et pérenniser l’AVS pour les dix prochaines années.
Qu’il s’agisse du premier ou deuxième axe de cette réforme, les débats sont déjà animés. En ce qui concerne l’augmentation de l’âge de référence AVS pour les femmes, quels sont les arguments en faveur de ce changement?
Ceux qui sont pour – plutôt la droite – soulignent les défis démographiques et la perte d’un milliard qu’on devrait subir d’ici 2025. On estime que de 2025 à 2032, la perte cumulée s’élèverait à 15 milliards. Cette réforme permettrait d’avoir une perte nulle jusqu’en 2032, ce qui signifie qu’on serait de nouveau dans le rouge mais que nous aurons le temps d’évaluer nos options.
Le deuxième argument favorable concerne les femmes. En 1948, les femmes et les hommes partaient à la retraite à 65 ans. La quatrième révision de l’AVS en 1950 a défendu l’âge de la retraite des femmes à 63 ans, puis à 62 ans. Avec la dixième révision en 2001, on est passé à 63 ans, puis de nouveau à 64 ans en 2005. Un argument en faveur de cette nouvelle révision concerne donc le fait que, selon l’Office fédéral des assurances sociales, en prenant en compte le premier, le deuxième et le troisième pilier, une femme touche en moyenne 37% de moins qu’un homme en rentes cumulées. Néanmoins, en ce qui concerne uniquement l’AVS, la différence est très faible: 2,7% de moins, en raison des compensations mises en place avec la dixième révision de l’AVS.
Les personnes en faveur de la réforme AVS 2021 soulignent par ailleurs que l’augmentation de l’âge des femmes à 65 ans déboucherait sur une économie totale de neuf milliards de francs. Il y aurait toutefois toute une génération transitoire de femmes (nées entre 1961 et 1969) qui serait protégée par des mesures compensatrices. Ces femmes auront donc le droit de prendre leur retraite à 64 ans comme prévu ou à 65 ans, en profitant de certains avantages. Ces mesures sont estimées à 2,8 milliards de coûts, ce qui signifie qu’on économiserait tout de même plus ou moins 6,8 milliards grâce à cette réforme.
Avec cette nouvelle loi, toutes les caisses devront se mettre à niveau et seront obligées de préciser dans leur règlement qu’un employé peut partir à la retraite dès 63 ans et jusqu’à 70 ans au plus tard.
Et quels arguments soulèvent les personnes qui s’opposent à la réforme?
Dans les arguments des personnes contre la réforme – plutôt la gauche – on trouve la baisse des rentes des femmes d’un tiers: les femmes ont des rentes plus basses que les hommes, donc pourquoi faut-il les pénaliser encore plus?
Les opposants disent aussi que cette réforme n’est qu’un premier pas qui mènera progressivement à un changement de tout notre système social: on dit par exemple qu’en 2026 une nouvelle loi fera voter une augmentation de l’âge de la retraite à 66 ou 67 ans pour tous. Il n’y aurait donc que les personnes à haut revenu qui pourraient bénéficier d’une rente anticipée.
Par ailleurs, beaucoup de femmes seront déjà au chômage à 64 ans. Augmenter l’âge de retraite à 65 ans ne ferait donc qu’augmenter le nombre de femmes au chômage.
De plus, leur pouvoir d’achat va également diminuer au regard de l’inflation des prix, de la hausse du coût de l’énergie et de l’augmentation de l’assurance maladie auxquels s’ajoutera un taux de TVA plus important. Les personnes qui refusent ce changement soulignent qu’il existe d’autres solutions comme taxer les entreprises ou inviter la Banque Nationale à donner une partie de son bénéfice à l’AVS.
Enfin, on dit aussi que le problème de la pérennisation des rentes est un scénario pessimiste déjà envisagé il y a plusieurs années, mais cela n’a finalement jamais vraiment été un problème, notamment grâce à la performance boursière de ces dernières années.
Quelles conséquences sont attendues dans votre domaine au cas où cette réforme devait être acceptée?
L’âge de retraite changerait en âge de référence. Un des buts de l’AVS 2021 est en effet de permettre au système d’être plus flexible, autrement dit de faire en sorte qu’il soit plus facile de partir en retraite anticipée – deux ans avant – ou d’ajourner sa retraite et de la prendre jusqu’à 70 ans.
On pourra par ailleurs décider de prendre sa retraite quand on le désire, pas forcément d’année en année.
Si l’on décide de travailler après l’âge de référence et donc de continuer à cotiser, les rentes n’iront plus au système social, comme c’est le cas maintenant, mais elles seront comptabilisées pour améliorer la rente du cotisant.
Concernant le 2e pilier (LPP), Il faut savoir qu’aujourd’hui, chaque caisse de pension peut fixer un âge de référence plus bas que 65 ans – jusqu’à 58 ans -, mais il n’existe aucune obligation de prévoir une retraite anticipée. Dans ce sens, le changement promu par la réforme n’en est pas vraiment un: on parle d’une amélioration de la rente de 4 à 5% et d’une augmentation des cotisations des femmes. Avec cette nouvelle loi, toutes les caisses devront se mettre à niveau et seront obligées de préciser dans leur règlement qu’un employé peut partir à la retraite dès 63 ans et jusqu’à 70 ans au plus tard.
Comment voyez-vous l’avenir du secteur de la prévoyance en Suisse et celui d’Argos Group?
Je pense que les défis dont on discute actuellement sont réels et que, pour pérenniser l’avenir de nos rentes, il faut faire changer le système d’une manière ou d’une autre à court terme.
ARGOS GROUP
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