déjeuner en famille sur une terrasse
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Éditoriaux Famille

Qu’est-ce que la famille aujourd’hui ?

19.03.2024
par SMA
Jon Schmidt,Psychologue FSP, thérapeute de famille

Jon Schmidt
Psychologue FSP, thérapeute de famille

Répondre à la question « Qu’est-ce que la famille aujourd’hui ? » nécessite d’éviter les écueils des généralités simplistes. Je présente mes excuses par avance au lecteur pour ce travail de vulgarisation, qui, néanmoins, vise à établir une base commune propice à la réflexion sur la famille.

Certaines personnes pourraient se reconnaître dans ces descriptions, tandis que d’autres pourraient les rejeter. Cependant, c’est précisément dans cette diversité que réside la richesse des familles, chacune étant singulière et unique. En qualité de psychologue et thérapeute familial, je suis fermement convaincu que, malgré nos différences, les familles partagent des objectifs et des dynamiques communs. Des événements clés tels que la naissance, le mariage et le départ des enfants du foyer marquent des cycles de vie similaires.

En thérapie familiale, ces moments sont désignés comme des crises évolutives, des phases cruciales perturbant le système familial et exigeant un nouvel équilibre. En mandarin, le terme « crise » combine les sinogrammes Wei, signifiant danger, et Ji, signifiant chance ou opportunité. Pour une famille, la crise est essentielle à sa survie, car sans ces perturbations, elle risque de s’enliser dans un équilibre figé incompatible avec les besoins de ses membres. Un exemple concret serait un fils de 25 ans devant encore demander la permission à ses parents pour sortir jusqu’à minuit.

La famille est un organisme vivant en perpétuel mouvement, ses membres s’adaptant constamment aux circonstances changeantes et aux besoins du moment. Les parents endossent des rôles multiples tels qu’enseignants, chefs cuisiniers et chauffeurs de taxi, tout en assumant leurs responsabilités parentales, citoyennes et professionnelles. Cette polyvalence a été particulièrement mise en lumière pendant la pandémie, incitant de nombreuses familles à mobiliser leurs ressources pour faire face à des circonstances particulièrement éprouvantes.

Du point de vue de leur structure, les familles se composent, se décomposent et se recomposent, étant malléables, souples et mobiles, à l’image des barbapapas. Les membres peuvent partager des valeurs et des cultures diverses, notamment lors de seconds mariages où demi-frères et demi-sœurs apprennent à s’ajuster à la nouvelle configuration familiale.

Les notions de malléabilité et de perméabilité semblent essentielles au bon fonctionnement des familles modernes, mais si poussées à l’extrême, elles peuvent conduire à une quête excessive de performance, nuisible au bien-être. Le burnout parental et l’épuisement généralisé dans tous les aspects de la sphère familiale sont des problématiques couramment évoquées. Les adultes manquent de temps, de simplicité et d’insouciance, tandis que les enfants sont confrontés à des préoccupations qui dépassent souvent leur compréhension, telles que le changement climatique ou les questions d’identité et de genre.

Je tiens à souligner mon soutien total à la sensibilisation des jeunes générations aux défis de notre société actuelle et future. Cependant, il est impératif de préserver leur insouciance et leur innocence, évitant de leur imposer le fardeau de nos responsabilités. Les enfants demeurent des enfants et ne doivent pas être contraints de porter le poids des préoccupations des adultes, ce qui pourrait générer d’importantes angoisses.

Selon une étude d’Unisanté, un tiers des jeunes de 14 à 19 ans en Suisse souffrent de problèmes psychiques, ce qui a conduit à un suivi par un éventail de professionnels tels que psychologues, psychiatres, pédopsychiatres, infirmiers et éducateurs. La psychologisation des familles, bien qu’utile pour sensibiliser aux souffrances psychiques et aux ressources disponibles, peut également enfermer les membres dans une identité de « malade » à soigner, placés sous la loupe des experts.

Il est impératif, à mon sens, de recentrer la famille au cœur de ses compétences et de lui rendre son pouvoir décisionnel quant à ce qui est bénéfique pour elle-même. Cette vision constitue l’un des objectifs majeurs de la revue « Ma Famille ». Tout en sondant la famille dans toute sa complexité, la revue esquisse le tableau de cette entité sociale dans toute sa simplicité, mettant en exergue ses ressources intrinsèques.

Feu Guy Ausloos, éminent pédopsychiatre belge décédé l’année précédente, avançait que les familles ne créent que les problèmes qu’elles sont capables de résoudre. Les solutions qu’elles développent pour surmonter leurs défis tendent souvent vers un retour à l’essentiel. Au-delà de leurs actions diverses, les membres de la famille puisent fréquemment leurs ressources dans l’art d’être en famille plutôt que dans celui de simplement agir en famille.

Qu’il s’agisse d’un repas simple partagé autour de la table de la cuisine, d’un trajet en voiture, ou même d’un bol de chips devant une série télévisée, la disponibilité relationnelle et la simple présence émergent comme des outils privilégiés pour renforcer le tissu familial. Ces instants modestes et authentiques deviennent des catalyseurs, favorisant un véritable épanouissement au sein de la cellule familiale.

La revue « Ma Famille » s’érige ainsi en un espace où cette philosophie trouve écho, explorant et exposant les différentes facettes de la famille tout en encourageant un retour aux valeurs fondamentales. Elle célèbre la résilience de la famille face aux défis, mettant en avant la capacité de cette unité à créer des solutions uniques et adaptées à son contexte.

Au travers de ses pages, la revue offre une plateforme pour réfléchir sur la dynamique familiale, encourageant la compréhension mutuelle et la communication ouverte. Elle sert de catalyseur pour une introspection constructive, incitant les familles à reconnaître et à capitaliser sur leurs propres forces, à embrasser la simplicité, et à cultiver des moments de connexion authentique.
Pour conclure, j’adresse ma gratitude à l’équipe rédactionnelle de « Ma famille » pour m’avoir invité à contribuer à cette nouvelle édition qui s’annonce pleine de richesses.

Texte Jon Schmidt, Psychologue FSP, thérapeute de famille

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