Lorsque le froid s’installe et que les journées se raccourcissent, le moral peut parfois chuter au plus bas. Doit-on subir ces fluctuations émotionnelles ? Psychologue de la santé, membre de la Fédération Suisse des Psychologues et Docteure en Psychologie, Isabelle Auray est spécialisée dans les maladies chroniques, les maladies graves et tout ce qui touche à la dépression et au burn-out. Entre autres activités, elle travaille au cabinet PsyOne, à Genève. Dans cette entrevue, elle tente d’offrir des pistes pour comprendre et faire face à la dépression saisonnière.
Docteure Isabelle Auray, quelles sont les causes de la dépression hivernale et en quoi diffèrent-elles de la dépression classique ?
Au niveau biologique, que ce soit dans le cas de la dépression classique ou hivernale, il y a un dysfonctionnement au niveau de la transmission de l’information entre les neurones, et cela peut avoir de nombreuses conséquences.Les autres causes de la dépression sont d’origine psychologique et peuvent faire suite à des évènements traumatisants, à la solitude, au surmenage,… Le principal facteur en jeu dans le cas de la dépression hivernale est le manque de luminosité. Le temps plus couvert, plus gris, va accentuer les symptômes de la dépression classique ou déclencher une dépression hivernale.
Nous distinguons deux profils de personnes. Certaines ont déjà une structure dépressive et seront donc plus vulnérables par rapport à la question du développement de la dépression hivernale. D’autres n’ont pas de structure dépressive mais l’hiver peut annoncer quelque chose de plus fragile.
Quels sont les symptômes courants de la dépression hivernale ?
Premièrement, la baisse de moral et la baisse de motivation. La personne ne se sent pas motivée et n’a pas d’énergie pour faire les choses du quotidien. Vu qu’il y a une baisse de moral, l’humeur est modifiée, ce qui entraîne un manque de confiance en soi qui a son tour peut générer de l’anxiété. Il peut aussi y avoir une hypersensibilité. Le sommeil va être de moins bonne qualité et avec une envie de dormir plus importante, ce que l’on appelle une hypersomnie. La libido peut également baisser et l’individu a une tendance à s’isoler socialement. C’est un cercle vicieux parce que si on s’isole, on a encore moins envie de voir du monde et on a plus envie de dormir, or si on dort plus, on a moins de libido etc. Ces symptômes sont valables dans les dépressions classiques et hivernales mais l’intensité des symptômes sera moins prononcée dans la dépression saisonnière.
C’est donc cette intensité qui permet de les distinguer ?
Oui, ainsi que le moment où la dépression va émerger. La personne qui fait une dépression hivernale la fera au moment de l’hiver, le changement d’heure jouant un rôle important. C’est une période où il y a une modification du rythme circadien.
Pourquoi le soleil influe-t-il sur notre état de santé mentale ?
C’est plus précisément l’exposition à la lumière du jour qui est très importante. Cette exposition influe positivement sur notre état parce que le soleil, par la lumière qu’il apporte, joue un rôle important sur l’humeur. J’ai envie de dire que “la lumière, ça éclaire notre vie”.
Quels sont les avantages de la psychothérapie ?
Avant même d’avoir recours à n’importe quelle thérapie, il faut déjà être dans la prévention. Faire de l’exercice physique, passer du temps à l’extérieur ou apprendre à gérer le stress sont autant de solutions de prévention. Il existe également des applications comme App-Connect qui permettent d’avoir des petits conseils, de ne pas se sentir seul et de pouvoir échanger de manière anonyme. Si le mal être persiste, on peut se tourner vers la psychothérapie. Les avantages de la thérapie, c’est qu’on essaie de cerner les problématiques et on tente d’apporter des solutions en s’adaptant à la personne que nous avons en face de nous. On essaie de voir avec elle ce qu’elle a la capacité de faire en fonction de la situation dans laquelle elle se trouve. Puis, on tente de voir s’il n’y a pas des problèmes connexes qui peuvent surgir derrière une dépression hivernale.
Quels sont les signes à surveiller et les moyens de proposer de l’aide ?
La première chose qu’on peut remarquer en tant que proche, c’est s’il y a un changement d’humeur, si on sent la personne moins réactive, plus irritable, plus stressée,… par rapport à des choses sur lesquelles elle n’est pas d’habitude. L’idée c’est d’être présent et à l’écoute. Il faut laisser la personne être actrice, ne pas lui imposer mais lui proposer.
Comment améliorer la qualité de notre sommeil ?
De différentes manières possibles. Le fait de sortir régulièrement et de faire des activités à l’extérieur est indispensable car cela remet le corps en mouvement, ce qui est bénéfique pour le sommeil. Les pratiques comme la méditation, la relaxation, la sophrologie ou ne serait-ce que des exercices basiques de respiration ventrale peuvent avoir une influence directe sur le sommeil. Quand je respire avec ce que j’appelle « la respiration du nourrisson », mes poumons emmagasinent beaucoup plus d’oxygène et je suis donc plus détendu. Cela peut également consister en des exercices de visualisation, c’est-à-dire se projeter dans un endroit que l’on imagine et que l’on aime bien et le percevoir avec les différents organes des sens. Toutes ces choses ne vont pas forcément augmenter la quantité de sommeil mais elles vont en améliorer la qualité, et c’est là-dessus qu’il faut insister. Si vous dormez six ou dix heures mais que vous dormez mal, cela ne change rien. L’objectif est de bien dormir et d’être reposé quand vous vous levez.
Comment sensibiliser davantage le public à la dépression hivernale pendant les mois d’hiver ?
Le meilleur moyen de sensibiliser est d’en parler. La dépression hivernale n’est pas une fatalité et il y a toujours une solution à trouver.
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