La technologie révolutionne de nombreux secteurs et celui de la santé n’y échappe pas. Et pour le mieux ! Les innovations technologiques ont permis de rendre les traitements plus sûrs, plus rapides et plus efficaces, offrant ainsi des perspectives prometteuses pour améliorer la qualité de vie des patients et accélérer leur rétablissement. Daniel Delfosse, Responsable Régulation & Innovation et membre de la direction chez Swiss Medtech, présente les derniers projets suisses et explique comment fonctionne l’innovation dans un pays qui excelle sur le sujet.

Daniel Delfosse
Responsable Régulation & Innovation et membre de la direction chez Swiss Medtech
Daniel Delfosse, quels sont les différents défis auxquels sont confrontées les entreprises innovantes dans le secteur ?
Un défi majeur est la réglementation. Le règlement européen relatif aux dispositifs médicaux (RDM) est en train de changer. Cette loi vise à augmenter la sûreté des dispositifs médicaux, mais elle va trop loin et affaiblit les entreprises dans leur capacité d’innovation et leur compétitivité.
Aussi, pour chaque innovation, il faut que le produit fonctionne aussi bien que la moyenne (le « gold standard ») de ce qui existe déjà sur le marché. Pour ce faire, il faut faire des analyses pour prouver l’efficacité du produit et mettre en lumière les gains pour les patients. L’argent, le temps et les ressources sont donc des éléments à prendre en compte. Une formule me reste toujours en tête: t*=2t+B , ce qui veut simplement dire que le temps pour un projet est toujours deux fois plus long que ce qu’on prévoit initialement. Il est important de prendre ceci en compte pour gérer son budget.
Quelles sont les dernières innovations en matière de santé en Suisse ?
Beaucoup d’innovations sont sorties récemment. Parmi les plus intéressantes, nous avons Distalmotion qui propose des robots d’opération pour la chirurgie mini-invasive et extrêmement précise. Machine MD, elle, a élaboré des lunettes VR qui permettent de détecter des désordres neurologiques et des anomalies dans le cerveau. Abionic est quant à lui un système de test sanguin qui permet la détection ultra-rapide d’un sepsis. Finalement, Scewo propose des fauteuils roulants capables de monter les escaliers.
Comment ces innovations sont-elles financées ?
En Suisse, ce sont majoritairement les entreprises qui financent l’innovation. Il y a peu d’aides de la part de l’État au niveau du financement. Toutefois, les conditions cadres du pays sont excellentes. Les sociétés sont bien traitées, nous avons un très bon niveau d’éducation. La Suisse est d’ailleurs championne d’Europe, voire du monde, au niveau du nombre de brevets par habitant.
Un financement initial peut tout de même être fait par des agences comme Innosuisse, ce qui peut être d’une grande aide lorsqu’une entreprise n’est pas certaine de la réussite de l’innovation qu’elle souhaiterait lancer sur le marché. Ces agences aident les entrepreneurs à orienter leurs projets et à mesurer si l’innovation pourrait se réaliser techniquement.
Quels sont les enjeux éthiques et juridiques associés à l’innovation en matière de santé ?
Une décision éthique et morale doit à un moment donné être prise par chaque chirurgien ou médecin pratiquant: faut-il continuer avec l’ancienne technologie ou utiliser la nouvelle ? À quel moment suis-je convaincu que l’innovation est efficace ?
Bien sûr, il existe des questions juridiques : Comment savoir si cette technologie ne fera pas de mal au patient sur le long terme? Des lois existent pour protéger les patients à ce niveau-là. Les innovations médicales sont toujours des tests sur des humains, certes, mais c’est seulement comme cela qu’on peut avancer. Dans la grande majorité des cas, les patients sont très heureux de pouvoir bénéficier des dernières technologies et font confiance aux médecins et ingénieurs. À mon expérience, seulement 10-20% des patients ne veulent pas être parmi les premiers à tester une innovation.
Comment les patients bénéficient-ils de ces innovations ?
Les patients bénéficient des innovations en santé grâce à des diagnostics et à des traitements de plus en plus efficaces. Un diagnostic est généralement suivi d’un traitement puis d’une réhabilitation. Plus ces étapes sont rapides, précises et sûres, mieux c’est pour le patient.
Comment voyez-vous l’évolution du secteur ?
Ce secteur a vécu des temps durs avec l’introduction du RDM en 2021. Cette réglementation freine l’innovation en Europe et retire environ 15% des produits du marché. Aussi, la documentation technique de chaque dispositif médical doit être refaite tous les cinq ans pour prouver qu’il est toujours efficace et sûr, ce qui coûte un demi-million de francs à chaque fois. La question est de savoir si le chiffre d’affaires est suffisant pour renouveler ces documents. Au même moment, la Suisse est devenue État tiers pour l’Europe ce qui a créé des barrières à l’exportation et à l’importation.
Les entreprises se demandent alors : Pourquoi ne pas aller aux États-Unis ? Une étude montre que plus de 50 % des sociétés européennes ont déjà décidé de lancer leur produit sur le marché américain.
Sous le RDM, l’innovation diminue. C’est une mauvaise évolution. C’est aussi l’avis du Parlement national. En novembre 2022, il a chargé le gouvernement suisse de créer les conditions juridiques pour que les dispositifs médicaux issus de systèmes de réglementation extra-européens soient à l’avenir reconnus en Suisse, par exemple les dispositifs médicaux autorisés par la FDA.
Nous attendons du Conseil fédéral qu’il considère également ce mandat comme une opportunité de renforcer le site Medtech suisse grâce à une réglementation avancée. Nous sommes l’une des nations les plus innovantes au monde. Nous devons défendre cette position de pointe.
L’innovation en santé est un secteur en pleine croissance car nous comptons de plus en plus de personnes âgées, ce qui nécessite des dispositifs efficaces et performants. Malheureusement, toutes ces réglementations à respecter créent des barrières imposantes.
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