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Quand les muscles deviennent un fardeau

26.05.2020
par Andrea Tarantini

La dépendance à l’égard de la forme physique et des muscles est une forme de trouble alimentaire assez inconnue. Souvent, la vie des personnes souffrant de cette dépendance est très axée sur la forme physique et un mode de vie sain. Ainsi, elles ne perçoivent pas le risque de développer des troubles pathologiques. D’ailleurs, il s’agit plutôt d’un trouble alimentaire plutôt «masculin».

Les troubles alimentaires comme l’obésité, la boulimie et l’anorexie sont très répandus dans notre société. Dans de nombreux cas, ils sont liés à l’insatisfaction face à son propre corps. Aujourd’hui, pour de nombreuses personnes, il est important de respecter une norme de beauté sociale qui existe aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

L’engouement pour la beauté 

La beauté réside dans l’œil de celui qui regarde mais la société a tout de même des normes. Néanmoins, de nombreuses personnes recherchent des modèles qui les aident à développer un sentiment d’appartenance à un groupe. Cette vision des choses risque de développer une distorsion permanente de la réalité. Ce qui fait qu’on n’est jamais satisfait de sa propre apparence et qu’on se découvre constamment des défauts à éliminer. Il en résulte souvent un changement pathologique des habitudes alimentaires.

Image de soi déformée

Les troubles de l’alimentation sont un problème très répandu. La manie du régime alimentaire et des connaissances insuffisantes dans le domaine de la nutrition poussent de nombreuses personnes à adapter leurs habitudes alimentaires de manière malsaine. Roland Müller, psychologue spécialisé en psychothérapie et chef du service de la dépendance musculaire et physique de l’association PEP (Prävention Essstörungen Praxisnah) basée à l’Inselspital de Berne, reconnaît que certains modes de vie sont un fardeau pour les personnes concernées: «les gens changent leur comportement alimentaire, augmentent leur activité physique et s’imposent de nombreuses règles et interdictions. Il y a aussi une évaluation constante de l’apparence et du comportement. Tout cela s’associe à beaucoup de stress et d’insatisfaction concernant sa propre apparence malgré un effort extrême et constant».

Le stress de la balance

Dans ce cadre, beaucoup de gens oublient que les troubles de ce type ne sont pas liés au sexe. Les hommes, comme les femmes, ont aussi tendance à être insatisfaits de leur apparence. Cependant, jusque dans les années 1970, la recherche sur les troubles alimentaires se concentrait sur les symptômes qui n’affectaient que le corps féminin. Par exemple, c’était le cas de l’absence de menstruation lors du diagnostic de l’anorexie.

Trop mince ou trop gros? Un trouble alimentaire se développe souvent suite une insatisfaction à l’égard de son propre corps.

La masculinité et les muscles

Aujourd’hui, l’anorexie et la boulimie sont encore principalement considérées comme des troubles alimentaires plutôt «féminins». Il est vrai que les hommes sont généralement moins touchés par ces troubles. Mais les recherches montrent que les jeunes hommes recherchent aussi un traitement pour lutter contre ces derniers. C’est également le cas pour la forme physique et la dépendance musculaire. Ainsi, nombreux sont les hommes qui considèrent que leur corps est trop mince et pas assez musclé. C’est pourquoi ils adaptent leur régime alimentaire et font passer une visite à la salle de sport avant toute autre chose. Pour eux, tout est question d’entraînement, de nutrition et d’apparence.

«En termes culturels, la musculature a toujours été placée davantage dans le domaine masculin – regardez les dieux grecs et romains, par exemple. C’est pourquoi les hommes sont plus penchés sur des sujets tels que la masse musculaire et la visibilité des muscles», explique Roland Müller. «En raison de la commercialisation croissante du culturisme et de la remise en forme depuis la fin des années 1970, la question de l’apparence du corps masculin se pose de plus en plus. Aujourd’hui, l’achat d’aliments de fitness, de boosters d’entraînement et de produits liés au fitness suggère une sécurité en termes d’apparence, de musculature et de masculinité», poursuit l’expert.

Des troubles inaperçus bien que visibles

Les personnes concernées par ces troubles considèrent leur corps pas assez musclé ou leur pourcentage de graisse corporelle trop élevé. Ils remarquent des défauts partout et doivent donc toujours améliorer leurs performances d’entraînement et leur comportement nutritionnel. Lorsque des sentiments de culpabilité, des restrictions et des routines pathologiques dominent, on parle de dysmorphie musculaire. Pourtant, si ce sujet n’est pas très répandu c’est à cause de l’attitude de la société. «La forme physique et le sport sont assimilés à la santé et au bien-être. Ainsi, quiconque est actif et fait du sport est considéré comme sain et non malade – certainement pas en termes de psyché», critique Roland Müller.

Les jeunes hommes, en particulier, ne se sentent pas assez musclés.

Un problème dans les chiffres officiels

Il n’existe pas de chiffres officiels sur la dysmorphie musculaire en Suisse. Cependant, une enquête menée auprès des jeunes par le Réseau suisse pour les troubles alimentaires montre que les jeunes ont déjà une telle image corporelle déformée. 33% des filles aimeraient avoir plus de muscles et 75% des garçons se voient peu musclés. «Les jeunes ont tendance à être plus à risque, car non seulement ils sont soumis à une forte pression pour performer, mais ils sont aussi exposés à un plus grand flot d’images et donc à une normalisation du corps axée sur les muscles et la forme physique», explique Roland Müller.

Le flot d’images qui circulent déforme la réalité

L’aspect physique n’arrive pas de nulle part. D’autant plus que l’on rencontre beaucoup d’images de corps musclés et minces sur les médias sociaux. Bien qu’on puisse supposer qu’une grande partie d’entre elles ne corresponde pas à la réalité, ces clichés influencent de nombreuses personnes: «on estime que les gens voient au moins 2000 à 5000 images de corps et de personnes en forme par semaine. Notre cerveau n’est pas toujours capable de reconnaître le caractère fictif des images. C’est pourquoi notre schéma perceptif change lorsque nous les regardons», explique le psychologue.

Toute personne qui utilise les médias sociaux consomme des contenus au sujet de la forme physique et s’expose à leur influence. Regarder un corps aussi «parfait» conduit à plus d’insatisfaction physique si quelqu’un a déjà tendance à se comparer aux autres. Cela augmente la pression psychologique qui peut se manifester par un trouble alimentaire et déclencher des peurs ou une dépression.

Les VLOGs de fitness vous aident à vous remettre en forme, mais ils peuvent aussi avoir une influence négative.

Percevoir le problème et accepter de l’aide

Souvent, on se compare inconsciemment aux autres et il est difficile d’échapper à la pression sociale et aux normes physiques. Cependant, il est utile de contrôler son utilisation des médias et de toujours consommer les contenus de manière critique. L’objectif est de changer de perspective dans le traitement de son corps. «Il faut cesser de juger et condamner son corps et soi-même», déclare Roland Müller. Ainsi, chacun a ses propres caractéristiques physiques, qu’il faut apprendre à accepter et à aimer.

Il ne faut pas non plus hésiter à demander de l’aide. Dans la plupart des cas, l’aide professionnelle d’un psychothérapeaute est importante. L’étape la plus importante est d’admettre qu’il y a un problème et qu’il faut le résoudre. Un soutien extérieur permet alors de formuler sa perception du corps de manière plus positive. Une aide est nécessaire pour renforcer l’estime de soi et retrouver une approche plus détendue du sport et de la nutrition.

Plus d’informations sur la condition physique, la dépendance musculaire/dysmorphie musculaire et sur les services de consultation pour les troubles alimentaires:

Bureau pour la prévention des troubles alimentaires (PEP)

Points de contact PEP (à filtrer par canton)

Société suisse pour les troubles alimentaires (SGES)

Texte Dominic Meier

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