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Cyberathlétisme, une passion et une carrière

28.04.2020
par Laetizia Barreto

Interview avec Mathieu et Olivier, deux jeunes hommes qui partagent une passion: le esport. Mathieu a joué professionnellement pendant plusieurs années au jeu vidéo «Counter Strike: Global Offensive». Quant à Olivier, cela fait deux ans qu’il se livre à sa passion lorsqu’il en a le loisir, «Super Smash Bros. Melee».

L’esport, qu’est-ce que c’est? Ce phénomène de société correspond à la pratique des jeux vidéo en ligne, soit sur PC, soit sur console. D’ailleurs, depuis un peu plus d’une dizaine d’années, des compétitions de haut niveau confrontent les meilleurs joueurs du monde entier et de gros prix sont à la clé. En Suisse, la Fédération Suisse de l’e-Sports (sesf) a vu le jour en janvier 2008 et possède, dès lors, une équipe nationale pour différents tournois.

«Je joue juste par passion, mais j’aimerais quand même être le meilleur»

Olivier Amacker, 18 ans et étudiant, a été initié aux jeux vidéo par ses grands frères. Lorsque ces derniers ont quitté la maison, le cadet continue de jouer avec des groupes d’amis. Il y a deux ans de cela, Olivier a découvert Super Smash Bros. Melee.

En quoi consiste Super Smash Bros. Melee?

C’est un jeu de combat où deux personnages s’affrontent sur une arène qui consiste en une plateforme. Chaque joueur possède quatre vies et on peut jouer un contre un ou deux contre deux. Le but est d’éjecter son adversaire hors de l’arène quatre fois avant qu’il ne nous réserve le même sort. Plus on attaque l’autre avec force, plus il éjectera loin de l’arène.

Sur quel support se joue-t-il?

On joue sur la Nintendo Gamecube, une vieille console connectée à des écrans cathodiques, les vieilles télés qui font un peu de bruit. On est donc obligé de se réunir pour s’affronter entre amis. En réalité, on peut aussi jouer en ligne, mais ce n’est pas vraiment sérieux, c’est plus pour s’occuper pendant la quarantaine. Techniquement, on arrive également à jouer sur l’ordinateur en ligne, sur ce qu’on appelle un émulateur qui simule la console sur le PC en quelque sorte. Ainsi, on continue à se défier, mais il faut une bonne connexion internet sinon ce n’est pas très fluide.

Existe-il des tournois de Super Smash Bros. Melee?

Moi, je participe à des tournois depuis un an et demi ici et à l’étranger. Mais il faut savoir qu’en Suisse on n’a pas d’associations ou de grosses structures qui organisent des championnats «officiels». C’est la communauté des joueurs qui s’en occupe. Si, l’un d’entre nous voit l’opportunité d’armer un tournoi parce qu’il a une salle à disposition, par exemple, alors on se réunit tous et on participe à amener du matériel, comme les consoles, les écrans, etc. En Suisse romande, on n’est pas énormément de joueurs assidus, du coup, il n’y a ni sponsors, ni associations qui offrent des prix conséquents. Les participants paient une entrée entre dix et quinze francs et la moitié de la somme totale des entrées revient au vainqueur du tournoi.

Qu’en est-il de la situation à l’international?

Par exemple, en France et en Angleterre, je sais qu’il existe des associations de joueurs. D’ailleurs, j’ai déjà participé à des compétitions dans ces deux pays ainsi qu’en Allemagne et aux Pays-Bas. Les événements sont plus grands et on se retrouve à plus d’une centaine de participants. Par exemple, l’année passée, un circuit de Smash a eu lieu. Il a consisté en une série de tournois européens et où les meilleurs joueurs récoltaient des points tout au long de l’année. À la fin du circuit, les gamers avec le plus de points gagnait un vol payé, plus une entrée pour participer à un grand event aux USA. D’ailleurs, c’est aux Etats-Unis que se déroulent les plus grands regroupements de Super Smash Bros.Melee, où plus de mille personnes se réunissent pour jouer.

Est-ce un de tes rêves d’aller jouer aux USA?

Bien sûr! Mais cela me semble compliqué pour l’instant. J’ai pas vraiment le temps à côté de mes cours de m’entraîner comme je le souhaiterais et en plus de cela, je n’ai jamais de vacances aux moments des tournois. Sans oublier le côté financier qui n’est pas forcément à la portée d’un étudiant.

Penses-tu poursuivre un avenir de joueur professionnel?

Je ne peux pas l’envisager à mon niveau actuel. Même si j’avais envie de me lancer à fond et de m’y consacrer, je pense que je devrais déjà avoir un meilleur niveau maintenant pour réussir à percer. Le jeu a 18 ans, il faudrait que j’y joue beaucoup plus et plus souvent et que j’analyse mes parties pour m’améliorer. En Suisse, on a un classement annuel, j’étais 14ème en 2019 et je me suis donné pour objectif d’être dans le top 10 cette année. Je joue juste par passion, mais j’aimerais quand même être le meilleur. D’ailleurs, le 1er joueur au classement suisse doit se retrouver dans le top 100 mondial.

Est-ce que cette passion est exclusive?

Disons que je n’ai pas d’autres activités extrascolaires. Mais, j’ai vraiment réussi à créer des amitiés grâce au jeu. En quelque sorte, c’est comme ça que je sociabilise. C’est ce que j’aime avec ce jeu, puisque nous devons nous voir pour se faire des tournois, on fait beaucoup de connaissances ainsi. J’ai plein de contacts à l’étranger aussi. Ce qui est plutôt cool!

«Une vie de toutes les couleurs, exotique»

Mathieu Quiquerez, 29 ans, ancien cyberathlète professionnel a excellé dans Counter Strike:Global Offensive. Il s’agit d’un jeu d’action dans lequel le protagoniste joue en équipe en ligne avec d’autres gamers connectés pour réaliser des missions. Deux équipes s’affrontent en essayant d’empêcher l’adversaire de mener à bien sa mission. Ce jeu de tir à la première personne a été développé par l’entreprise américaine Valve Corporation. Son mode multijoueur en ligne le rend populaire auprès des gamers. Cette version est sortie sur le marché en août 2012. C’est la troisième itération du jeu, avant cela existait Counter Strike Source et Counter Strike 1.6.

Comment es-tu devenu joueur professionnel?

J’avais dix ans quand j’ai commencé à jouer à la première version de Counter Strike, je jouais seulement chez mon cousin plus âgé. Il avait un meilleur ordinateur. Très vite, c’est un jeu que j’ai trouvé passionnant et durant mon adolescence je me suis fait beaucoup d’amis à travers celui-ci. Jusqu’à mes 21 ans, je jouais avec une bande d’amis. On voulait devenir les plus forts, mais on jouait avant tout par passion de la compétition. En 2012-2013, je faisais partie des meilleurs joueurs en Europe. Cette année, beaucoup d’argent a été investi dans le jeu. Cela a tout fait décoller, on nous a offert un contrat sponsorisé en 2013 et c’est à partir de ce moment que je me suis professionnalisé.

Est-ce que tes parents tont soutenu?

Mes parents savaient que depuis tout petit, j’étais fan de ce jeu. Ils se sont vite rendu compte que c’était quelque chose qui me procurait énormément de plaisir, tant par le côté social que le jeu en soi. Nous avions un accord: tant que l’école se passait bien et que j’avais des contacts sociaux, je pouvais jouer. Alors quand j’ai eu l’opportunité de faire un peu d’argent avec ma passion, ils m’ont dit que je devais tenter le coup.

Pourquoi as-tu décidé d’entreprendre des études en parallèle?

Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais des doutes sur l’avenir de l’esport et je n’étais pas sûr qu’il s’agissait d’un phénomène prégnant. Donc, j’ai préféré avoir un plan B et continuer ma formation. J’ai fini mon Master en psychologie en 2016. Cela m’a demandé beaucoup d’efforts et de sacrifices, mais je savais que je pouvais trouver un travail qui me plaisait si ma carrière actuelle en tant que consultant dans l’esport venait à se terminer.

Comment se déroule une compétition?

Cela dépend, il existe différents formats comme les tâches de groupe ou des playoffs. Pour faire une comparaison, prenons un tournoi comme Roland Garros avec des 16èmes de finales, des quarts etc. En général, on arrive quelques jours avant si la compétition se déroule quelque part où l’on a un jetlag important, ainsi on peut s’y habituer. De ce fait, on s’entraîne sur place. Puis, on est briefé et on nous donne l’heure précise à laquelle on doit se rendre au match. Dans le cas où on joue avec élimination directe, si l’on gagne tant mieux, si l’on perd, on a fait 18 heures d’avion pour un seul match. Et en règle générale, un match dure entre une heure et demie et trois heures.

Quels sont tes meilleurs souvenir d’un tournoi?

Pour continuer mon analogie du tennis, les majors sur Counterstrike GO correspondent aux grands chelems. J’ai participé à cinq majors et j’ai atteint trois fois les playoffs. Ce sont des souvenirs très forts: j’ai ressenti l’adrénaline la plus complète et il y avait des milliers de personnes dans la salle.

Aujourd’hui quand tu regardes ton parcours, tu en penses quoi?

Mon équipe et moi, on a été des pionniers finalement pour quelque chose qui va peut-être s’installer stablement pour les années à venir. Aujourd’hui, les pratiques en termes de divertissement évoluent et s’éloignent de la télévision pour se rapprocher de plus en plus de l’ordinateur et du streaming. Pour moi, c’est le divertissement de demain.

Quels sont tes plans pour le futur?

Actuellement, mon revenu principal est celui de mon activité de consultant. Autrement dit, je vais sur place lors des compétitions et je participe au panel d’experts. Cela fait deux ans que je suis passé de l’autre côté de la caméra. Bien évidemment, je joue encore et je pense que même à mes 55 ans, je jouerai toujours. Je verrai bien combien de temps cela dure.

Pour l’instant, c’est un emploi stable qui me convient. Mais dans le futur, j’aimerais bien travailler comme psychologue. J’ai l’impression que toute personne qui entreprend une carrière de type artistique ou sportive a un rythme de vie totalement différent, un style de vie particulier. C’est une vie de toutes les couleurs, exotique. J’ai voyagé dans le monde entier et de manière constante. Pour moi, ça pourrait donc être un challenge de me dire «ok je vais au bureau au coin de la rue».

Texte Laetizia Barreto

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