au-delà des eaux du léman : le quotin authentique d’un pêcheur passionné
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Été

Au-delà des eaux du Léman : le quotidien authentique d’un pêcheur passionné

24.06.2023
par Maévane Mas

Il est quatre heures du matin, le réveil sonne. Alors même que le soleil somnole encore, il est temps pour Claude-Yvon Chevalier d’aller prendre le large. Ce pêcheur du Léman, installé sur la côte perrolane, s’en va remonter avant l’aube les poissons attrapés par ses filets durant la nuit.

Lorsque nous lui demandons comment il est devenu pêcheur, Claude-Yvon nous raconte :
« Déjà quand j’étais enfant, j’allais à la pêche avec mon père et mon grand-père. Puis j’y ai rapidement pris goût. Aussi, j’habite au bord du lac, à quelques mètres de la plage. Cette situation a forcément influencé mon choix de métier. »

Pêcheur de père en fils depuis trois générations, le Perolan a toutefois commencé sa vie professionnelle en tant que fabricant de voile de bateau. Ce n’est que plus tard qu’il s’est tourné vers la pêche pour être plus proche de la nature. Retour sur le métier de pêcheur avec Claude-Yvon Chevalier, plus connu dans la région rolloise sous le nom de Chouquet.

Un métier entre liberté et dépendance météorologique

Être pêcheur, c’est avant tout se procurer des produits frais de la région qui peuvent ainsi être valorisés lors de la vente. Ce qui plaît particulièrement à Claude-Yvon, c’est aussi la liberté et l’indépendance que ce métier lui apporte: “Il n’y a pas deux jours semblables. Cela change beaucoup du travail de fonctionnaire” affirme-il. Les différentes saisons diversifient également le métier. En hiver, la pêche est beaucoup plus calme. Puis entre janvier et mai, il existe des interdictions de pêche. Chouquet explique que ces périodes d’interdictions changent de temps à autre, car il est nécessaire de trouver la meilleure manière de protéger le poisson sans pour autant limiter le travail des pêcheurs.

Une journée en tant que pêcheur

À quoi ressemble la journée type d’un pêcheur professionnel ? C’est la question que nous avons posée à Claude-Yvon : “Ce qui est intéressant, c’est qu’il n’y a pas de journée typique en tant que pêcheur !” s’exclame-t-il. Il poursuit : “Mais en général, pendant l’été, je me lève vers quatre heures du matin. Je vais d’abord lever les filets dérivants qui sont suspendus à des flotteurs et qui dérivent au large avec le courant pendant la nuit. Ensuite, je rentre et je m’occupe des poissons attrapés. Plus tard dans la matinée, je retourne à la pêche pour relever des filets calés au fond de l’eau ou des nasses, qui sont des sortes de cages à poissons. Je peux aussi pratiquer de la pêche active avec une senne. Enfin, je démêle les filets puis je vais les reposer dans l’eau pour le lendemain.”

Mon bateau est un canot de pêche traditionnel de 1926. Tous les bordages sont en pitchpin et il est encore en parfait état.

Claude-Yvon nous explique qu’en été, le travail de pêcheur débute aux aurores car il est indispensable de récupérer les poissons pris par les filets au plus vite. Autrement, ces animaux au sang-froid stagnent dans une eau trop chaude pour eux et ont tendance à mourir dans les filets.

Finalement, les vendredis riment avec marchés pour le pêcheur perolan. Le matin, il présente sa marchandise aux rollois lors du marché hebdomadaire qui prend place sur la Place des Tilleuls. L’après-midi, il s’installe au marché d’Aubonne pour une deuxième vente.

La vie sous le Léman

La féra et les filets de perches se retrouvent souvent dans les assiettes au bord du Léman, pour le plus grand plaisir des habitants. Mais que trouve-t-on d’autres dans les eaux lémaniques ? Féras et perches ont de nombreux colocataires : brochets, truites, ondes ou encore lottes, tous sont des poissons également très appréciés dans la région. En revanche, les poissons blancs tels que les tanches, les chevaines et les carpes sont difficiles à vendre car ils sont pleins d’arêtes, nous explique le pêcheur. Il continue en racontant qu’il lui arrive parfois de remonter des brochets de 15 kg ou de grosses truites : “La plus grosse que j’ai pêchée faisait 12 kg. Nous avons aussi des silures, dans le Léman, qui sont une espèce invasive. J’en ai pêché un qui faisait 16 kg, mais mon collègue de Nyon en a récemment attrapé un de 57 kg pour 2m17.”

Un métier hautement réglementé

Sur le Léman, les négociations quant aux lois sur la pêche se font au niveau intercantonal et international puisque les rives appartiennent à trois cantons, celui de Genève, de Vaud et une petite partie du Valais, ainsi qu’à la France voisine. Il existe certes une loi fédérale pour la pêche, mais elle

n’influence pas forcément les négociations locales. Chaque canton a une loi bien spécifique pour ses eaux et ses différents lacs.
Claude-Yvon s’exprime sur le sujet : « Les pêcheurs ne sont pas toujours soutenus en ce qui concerne les lois et les règlements. Par exemple, les cormorans consomment autant, voire davantage de poissons que nous, les pêcheurs, en capturons. Ils ingèrent environ 750 g de poisson par jour, soit un total de 450 tonnes par an. Les pêcheurs, quant à eux, n’en retirent que 350 tonnes. Cela pose un véritable problème pour les stocks de poissons. Il faudrait pouvoir réguler la population de ces oiseaux qui sont de grands prédateurs, mais cela s’avère complexe. »

Les différents permis de pêche

Pour exercer en tant que pêcheur professionnel, il est nécessaire d’obtenir une licence délivrée par l’État. Le nombre de licences accordées aux pêcheurs professionnels est limité, et seules les licences disponibles suite à l’abandon de pêcheurs peuvent être remises lors d’examens où seuls les meilleurs candidats sont sélectionnés.

Pour les pêcheurs amateurs, seule la pêche à la canne au lancer avec un bouchon depuis la rive est autorisée sans permis. Pour pêcher au large, un permis journalier, mensuel ou annuel doit être acheté. Le permis de pêche est spécifique à chaque canton et les délimitations des eaux lémaniques sont également bien précises : “Les titulaires de permis professionnels français ne sont pas autorisés à venir pêcher en Suisse, et les résidents genevois ne peuvent aller au-delà de Nyon. Ces limites sont en place pour éviter une concentration excessive de pêcheurs au même endroit », conclut Claude-Yvon Chevalier.

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