daniel fontana musique alternative
Culture Interview

«La musique alternative se définit avant tout par sa profondeur»

24.06.2021
par Andrea Tarantini

Niché au coeur de la campagne fribourgeoise, un petit diamant de festival s’est taillé une renommée internationale: le Bad Bonn Kilbi Festival, écrin singinois des musiques alternatives. D’une rare et authentique humilité, le co-fondateur et programmateur Daniel Fontana livre ses pensées franches sur la musique alternative et les talents de Suisse. 

Daniel Fontana, pourriez-vous vous présenter en quelques mots? 

Je suis quelqu’un qui aime la musique, l’humour et les gens, tout simplement. D’ailleurs, je ne me prends pas au sérieux. En qualité d’être humain, je fais de mon mieux pour accueillir le public de façon optimale et éviter la jalousie, typique du milieu de la musique. En tant que programmateur, je conçois que les habitudes, la technologie et les goûts évoluent au fil du temps, alors je m’adapte. Dans ce métier, je crois qu’il faut être capable de capter la sensibilité des gens. 

R&B, Pop, Rock, etc.: En matière de musique, le monde aime les étiquettes. Comment définiriez-vous la musique dite alternative? 

Pour moi, la musique alternative se définit avant tout par sa profondeur. C’est un son travaillé qui demande aux gens de chercher, détecter et comprendre les messages cachés ou la position politique d’un artiste. Elle demande aussi une écoute soutenue, au-delà de la façade et d’un refrain entraînant qui nous ferait dire «Ah, ça c’est un super groupe!». La musique alternative appelle à une certaine patience et c’est une question de philosophie, plutôt que de style musical. D’ailleurs la folk, le rap, le punk et tous les genres ont leur facette alternative! C’est aussi de la musique qui fait un peu mal, parfois. En bref, selon moi, ce courant rassemble les gens disposés à aller au fond des choses, les gens qui veulent transcender les clichés. Cela signifie aussi que la musique alternative n’est pas forcément faite pour tout le monde. 

Justement, à quoi devrait s’attendre quelqu’un qui se rend à son premier concert de musique alternative? 

Le plus important est la rencontre, l’envie de découvrir et d’apprendre une «nouvelle langue». Et puis venir à un concert de musique alternative, c’est découvrir qu’on est tous égaux, finalement. Le fait qu’on aime ou pas ce qu’on écoute n’est même pas la question. L’essentiel est dans cette ambiance si particulière créée par les artistes, l’énergie qui circule entre eux et le public. Je crois que, lorsqu’on se rend à un concert de musique alternative, il faut tout simplement faire confiance. 

Et selon vous, quelle est la grande plus-value d’un festival par rapport à un concert standard? 

Le festival permet de jouer avec les styles de musique et casser des barrières entre ces deux mondes. Le spectateur profite de plusieurs univers, de l’artiste émergent qui nous bouleverse en première partie de soirée, à la tête d’affiche qui joue à 23 heures. Mais ce concept de «tête d’affiche» ne me plaît pas beaucoup: c’est surtout la magie de l’instant qui compte. Normalement, le montant du cachet détermine l’heure de passage des artistes: plus le cachet est gros, plus on joue tard. Mais, pour ma part, en tant que programmeur, je fonctionne plutôt au feeling. La plus-value, c’est également l’atmosphère et la dramaturgie propre à un festival où les artistes, eux aussi, ont l’occasion de faire partie du public! Encore une fois, cela permet des rencontres inédites. 

Parlons des artistes: la Suisse regorge de talents qui semblent avoir du mal à s’exporter. Pourquoi? 

Avant toute chose, ce n’est pas une question de qualité: nous avons de super musiciens et musiciennes! Certains talents suisses parviennent à s’exporter mais, même dans ces cas-là, ils sont surtout bons auprès des publics de niche. Et puis, je crois qu’en Suisse on a peur du succès, peur de le rechercher ouvertement. Il y a comme une culpabilité autour de la réussite alors que, dans d’autres pays, on la célèbre allègrement. Ailleurs, les gens sont fiers lorsque l’un des leurs réussit alors qu’ici, on dira plutôt «Celui-là ne cherche pas la gloire et le tapis rouge: c’est louable!». Je le vois aussi aux réponses timides que donnent certains artistes lorsqu’on s’intéresse à eux: «Moi je fais de la musique expérimentale», avouent-ils du bout des lèvres et en baissant la tête. Toutefois, c’est aussi possible que la jalousie engendre un peu de fausse modestie… En définitive, je crois qu’il faut oser. Si on a une grande présence scénique, si on adore faire le show, il faut tout simplement foncer et faire la star! Dans la musique alternative, j’aime aussi les personnalités qui ne se prennent pas pour n’importe qui, en bref, les vraies Divas. Ça fait partie du spectacle. 

Interview Natacha Mbangila Photo Adrian Moser

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Daniel Fontana en quelques mots...

Si j’étais une chanson je serais… une chanson d’amour comme Je t’aime, de Birkin et Gainsbourg.

Le compliment qui m’a fait le plus plaisir c’est… «Grâce à toi, j’ai retrouvé foi en la musique», venant d’un artiste.

L’objet dont je ne peux pas me passer pendant 24h c’est… mon téléphone.

Ce qui m’ennuie le plus c’est… la routine!

Le monde a besoin de plus… d’écoute.

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