«C’est le changement qui rend possible et stimule l’innovation»
Les entreprises suisses sont-elles assez innovantes? Comment innover en période de crise? André Kudelski, président d’Innosuisse, l’agence fédérale pour l’encouragement de l’innovation, répond à ces questions et nous explique pourquoi il est essentiel de soutenir l’innovation.
André Kudelski, quelle est la place de la Suisse en matière d’innovation?
Au-delà des classements internationaux où la Suisse se positionne de façon excellente depuis de nombreuses années, il est important de relever qu’on ne peut jamais se reposer sur ses lauriers et qu’il est vital de continuer à s’améliorer dans un monde qui évolue de plus en plus rapidement. Alors que la Suisse est très efficace dans l’innovation classique, avec une excellente efficacité, nous avons encore un chemin à parcourir pour être plus à même de réussir dans le cadre des progrès disruptifs.
Pourquoi est-il essentiel d’encourager l’innovation?
Elle constitue aujourd’hui un élément essentiel pour la compétitivité et le niveau de vie futur d’un pays au niveau international. Pour cette raison, tous les pays dits «avancés» investissent de façon massive pour la stimuler.
Ainsi, innover, c’est préparer l’avenir de notre économie et en particulier dans des secteurs économiques qui n’existent pas encore. Si la Suisse a de nombreux avantages liés à sa taille relativement petite, comme la flexibilité, il n’en reste pas moins que notre marché intérieur est exigu. Ainsi, les entreprises suisses qui visent à s’étendre au-delà du marché domestique pour atteindre une masse critique devront miser sur l’innovation pour se différentier, car au niveau de la taille de marché, elles ne pourront être compétitives face à leurs concurrentes des grands pays.
Pratiquement, Innosuisse facilite l’accès des entreprises à la recherche académique faite en Suisse en les aidant à innover par un co-financement de projets avec des instituts de recherche. L’agence fédérale accompagne également des start-up suisses à travers un programme de coaching et les soutient en vue de leur implantation à l’international.
Selon vous, est-ce que c’est l’innovation qui engendre le changement ou l’inverse?
Cette question est assez fondamentale pour comprendre le monde dans lequel nous vivons. En particulier, la globalisation et les technologies numériques font que notre monde est plus interdépendant et que les choses changent plus rapidement que par le passé. Cette situation fait qu’un problème comme la Covid-19, plutôt que de rester une crise locale, s’est étendu en quelques semaines au monde entier.
C’est à partir de ce moment que l’innovation est entrée en jeu. Non pas que de nouvelles innovations ont immédiatement résolu de nouveaux problèmes, mais que les innovations passées, qui n’avait pas encore atteint une masse critique, se sont trouvées au centre du changement structurel qui a été initié par la crise. Ainsi, les technologies informatiques – qui ont permis notamment le travail à distance, que cela soit au niveau local ou global – ont connu une accélération phénoménale. Ceci illustre d’ailleurs parfaitement la différence entre une invention et une innovation, avec le rôle de catalyseur que peut jouer un facteur de changement tel que la Covid.
Parallèlement aux nouveaux débouchés des innovations existantes, la crise actuelle a permis à de nombreuses inventions de trouver une nouvelle mission et de donner lieu à des innovations. Les vaccins ARN en sont un vivant exemple, pour une technologie qui était tout d’abord destinée au traitement des cancers.
Cela démontre, s’il fallait encore le faire, qu’il faut innover en termes de technologie, de marché ou de modèle d’affaires, mais cela au bon moment – car le timing est essentiel – afin de satisfaire les nouvelles attentes engendrées par les changements dans la société. C’est donc le changement qui rend possible et stimule l’innovation.
Quelles ont été les conséquences de la crise sanitaire sur l’innovation?
La pandémie a eu naturellement des effets négatifs du fait des multiples restrictions et interdictions qu’elle a engendrées. Mais des changements aussi brutaux peuvent être aussi un puissant moteur pour l’innovation. La crise liée à la pandémie a accéléré le besoin de changements structurels et en particulier de la numérisation de l’économie. Dans ce contexte, la nécessité de penser et de développer de nouveaux modèles d’affaires constitue aussi une opportunité potentielle pour les PME suisses. Je suis d’ailleurs impressionné par les nombreux individus et entreprises qui ont su saisir ces opportunités, en ayant la capacité de sortir des sentiers battus.
Comment voyez-vous le futur des PME suisses en termes d’innovation?
L’innovation est l’une des clés qui permettra aux PME de rester performantes et de maintenir leur compétitivité internationale à l’avenir. Je suis convaincu que de nombreux entrepreneurs et entreprises suisses continueront à miser sur cela dans le futur. Elles consolideront ainsi aussi les bases de notre tissu économique qui repose sur les PME, aujourd’hui comme demain.
Il est toutefois important que les entreprises ne renoncent pas à des projets particulièrement prometteurs en raison d’un facteur risque qu’elles ne peuvent pas prendre à elles seules. C’est là qu’Innosuisse a vocation d’aider, en supportant une partie des risques, par exemple à travers le co-financement d’un projet.
Interview Andrea Tarantini
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