Les cheveux en brushing, le tailleur ajusté et des piques bien lancées, Marie-Thérèse Porchet, née Bertholet, n’a pas la langue dans sa poche. Joseph Gorgoni fait vivre avec humour ce personnage haut en couleur depuis plus de trois décennies. Aujourd’hui, il est aussi à l’affiche de son spectacle TransPlanté, dans lequel il revient sur sa maladie, le tout sans artifice.
Dans cette interview, l’humoriste nous parle de son parcours aussi drôle que détonnant et jalonné de beaucoup d’émotions et d’affection.
Joseph Gorgoni, quels sont les trois adjectifs qui vous décrivent le mieux ?
Je dirais créatif, drôle et attentionné. J’aime beaucoup écouter les gens.
Et ceux qui décrivent le mieux Marie-Thérèse Porchet ?
C’est tout le contraire ! Marie-Thérèse est coincée dans ses certitudes. Elle est un peu réactionnaire et est persuadée d’être formidable. En quelques mots, elle est une adorable teigne ! Elle est aussi drôle, mais malgré elle.
Comment avez-vous créé le personnage de Marie-Thérèse Porchet ?
Ce personnage existe depuis plus de 30 ans. J’ai commencé ma carrière en tant que danseur et je faisais toujours rire mes copains danseurs et danseuses entre les répétitions. Je m’amusais aussi à imiter ma cheffe de bureau ainsi que ma grand-mère en prenant une voix féminine. L’écrivain et metteur en scène Pierre Naftule, voyant que cela pouvait plaire, a créé pour moi le personnage de Marie-Thérèse en 1993. À l’époque, le 111, qui était les renseignements téléphoniques, passait à deux francs la minute. J’ai fait un sketch à ce sujet dans La Revue genevoise, incarnant une cheffe téléphoniste. Le succès a été immédiat même si au début, je n’avais qu’une perruque et un peu de rouge à lèvre. La télévision m’a repéré, et tout a été très rapide. J’ai toujours été observateur : depuis tout petit, j’aime reproduire les mimiques des gens. Je ne voyais pas cela comme de l’imitation, mais comme un moyen de rigoler et de faire rire.
Comment vous vient l’idée des histoires qui entourent ce personnage ?
Au départ, il s’agissait juste d’une « madame tout le monde » qui donnait son avis à la télévision dans l’émission Ça colle et c’est piquant. Le succès a été tel que les gens se sont tout de suite appropriés Marie-Thérèse. Le personnage étant un petit peu méchant, il est aussi très amusant à jouer. Pour le premier spectacle, nous avons imaginé que le fils de Marie-Thérèse est homosexuel, ce qui est vraiment quelque chose d’affreux pour elle. Nous avons donc développé des scènes à partir de cette idée et l’inspiration est venue toute seule. Finalement, je ne crée pas des sketchs, mais des histoires. Dans le spectacle d’après, Marie-Thérèse tombe amoureuse d’un Suisse allemand, ce qui représente encore une fois pour elle un gros problème car elle ne les aime pas du tout. Elle en est même arrivée à tomber dans les griffes d’une secte ! C’est drôle de l’imaginer dans toutes les situations dramatiques où elle se retrouve. Si au début elle condamne, elle finit toujours par condamner en retour ceux qui pensaient comme elle, et je pense que c’est aussi pour cela que son personnage fonctionne.
Qui sont vos sources d’inspiration ?
J’ai des modèles d’humour avec lesquels j’ai grandi tels que Louis de Funès, Jacqueline Maillan, Muriel Robin, Bourvil etc. Mes sources d’inspiration sont surtout les gens en général et ce que j’entends dans la rue. Si on est un peu observateur, tout prête à rire.
Y a-t-il un peu de vous dans Marie-Thérèse Porchet ?
J’aimerais penser que non. Forcément, étant donné que j’écris les scènes et que je les joue, il y a sans doute un peu de moi. Toutefois, toutes les pensées de Marie-Thérèse sont très éloignées de ce que je pense, et heureusement sinon ce serait vraiment terrible (rires).
Vous jouez un nouveau spectacle avec Marie-Thérèse, 30 ans ! (de carrière). Quels sont vos meilleurs souvenirs de ces 30 dernières années ?
Il y en a trop pour n’en donner qu’un. Ce personnage m’a emmené tellement loin ! J’ai fait quatre tournées avec le cirque Knie, je suis allé à l’Olympia, j’ai joué pendant des mois à Paris etc. À choisir, je dirais les débuts, car nous ne savions pas ce qui allait se passer. La première du premier spectacle a été folle !
Y a-t-il des différences entre le public suisse et le public français ?
La réception du personnage est la même. Je dirais que le public français réagit peut-être un peu plus vite. Là où le public est différent, c’est en Suisse alémanique car on ne rit pas forcément des mêmes choses. J’y avais joué un nouveau spectacle exprès en allemand. Toutefois, Marie-Thérèse fonctionne bien des deux côtés.
Comment faites-vous pour que Marie-Thérèse, même 30 ans après ses débuts, n’ait pas pris une ride ?
Si vous regardez bien, j’ai quelques rides en plus ! (rires) Peut-être est-ce dû au fait que le personnage n’ait jamais été à la mode. Il est vrai que cela représente beaucoup de travail, mais je n’ai pas vraiment de réponse à cette question. Il faudrait demander aux gens. C’est un peu magique. Comme cela fait 30 ans et que les gens savent que j’ai été malade, il y a un truc qui se passe quand je monte sur scène, comme si les gens se disaient : « ah ben tiens, il est encore debout ! ». Finalement, le temps fait le succès et entraîne une sorte de regain d’affection.
Comment faites-vous pour garder l’inspiration et la passion après toutes ces années ?
C’est l’envie de continuer de faire rire, de faire plaisir aux gens et de m’amuser. Ces 30 années sont passées tellement vite ! Quand on a la chance d’avoir le succès que j’ai eu, ça nous porte.
Marie-Thérèse a-t-elle encore beaucoup à nous raconter ?
Tant que j’aurais envie de le faire et que les gens auront envie de l’écouter, oui ! On peut encore l’imaginer dans plein de situations. Je suis suffisamment bien entouré, notamment avec une équipe plus jeune, pour savoir ce que je ne pourrai plus faire par exemple. L’humour change beaucoup et se démode très vite. Chez Marie-Thérèse, il y a quelque chose qui tient, je ne pourrais pas vous dire pourquoi.
Pouvez-vous nous parler de votre spectacle TransPlanté, co-écrit avec Sébastien Corthésy?
En 2020, j’ai subi une double transplantation pulmonaire à la suite d’une fibrose. Je toussais beaucoup et suis donc allé faire des tests, suite auxquels j’ai appris la nouvelle de la nécessité d’une greffe. Cela a été un choc violent. La greffe s’est bien passée mais, une fois chez moi, j’ai attrapé le virus de la Covid-19. Mes nouveaux poumons ont été très abîmés. J’ai été intubé et placé 42 jours dans le coma. Quand j’en suis sorti, j’ai cru que j’allais mourir. On m’avait également découvert un mucor, un champignon mortel qui ne touche que les immunodéprimés. Cela a été à nouveau six mois de traitement d’une violence inouïe.
Marie-Thérèse, je la joue. Quand c’est moi, j’essaie d’être le plus naturel possible car toutes les choses que je raconte sont vraies.
C’était une période difficile, mais l’humour m’a sauvé. Quand j’étais à l’hôpital et que j’ai compris que j’allais m’en sortir, j’ai commencé à me regarder de nouveau un peu d’en-haut et à me dire qu’il fallait que je raconte cette histoire tellement incroyable. Je n’avais pas envie de quelque chose de sinistre et j’ai écrit ce spectacle tout seul. Pendant des semaines, j’ai essayé de me souvenir de ce que j’avais pu observer car mon état ne me permettait pas de prendre de notes.
Aujourd’hui, je suis là, même si c’est très mystérieux et que je ne comprends pas comment c’est possible. Je sais que j’ai beaucoup de chance. Je suis certes un peu plus fragile et je dois donc faire plus attention. Les gens sont tout de même assez compréhensifs, et j’ai l’impression que l’affection pour moi et mon personnage est encore plus forte qu’avant. Il y a forcément de l’émotion mais il s’agit d’un spectacle drôle et les gens rient beaucoup. J’en suis très content.
Vous y jouez vous-même, Joseph Gorgoni, comme dans votre précédent spectacle de A à Zouc. Qu’est-ce qui change dans la préparation ?
Marie-Thérèse, je la joue. Quand c’est moi, j’essaie d’être le plus naturel possible car toutes les choses que je raconte sont vraies. Pour A à Zouc, je me suis retrouvée à nu après avoir joué Marie-Thérèse pendant plus de 20 ans, ce qui n’était pas un exercice facile. J’ai cependant réussi à me déstresser et à faire en sorte d’être sur scène comme chez moi en train de raconter une histoire à une bande de copains, et les gens le ressentent. Au départ, j’étais inquiet qu’on me trouve ridicule. J’ai arrêté le spectacle A à Zouc assez vite car au bout d’un moment, je me voyais jouer et je commençais à avoir des tics comme avec Marie-Thérèse. Ça ne me plaisait pas du tout. Le jour où je commencerai à jouer TransPlanté de manière machinale, je l’arrêterai également.
Comment jonglez-vous d’un personnage à l’autre ?
Les histoires sont tellement différentes que ce n’est pas difficile pour moi. Physiquement, le spectacle TransPlanté me coûte beaucoup moins à jouer car je ne modifie pas ma voix par exemple. Ce n’est pas la même énergie.
Dernières représentations
Dernières représentations de TransPlanté au Casino théâtre de Genève les 28, 29 et 30 juin 2024.
Dernières représentations des 30 ans ! (de carrière) de Marie-Thérèse Porchet les 4 et 5 septembre 2024 au Métropole à Lausanne.
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